Ça donne le cafard. Depuis 1970, la taille des populations sauvages de vertébrés a dégringolé de 69 % en moyenne à travers la planète. Un chiffre alarmant révélé par le WWF à l’occasion de la publication du rapport Planète vivante 2022. Pour établir cet « indice planète vivante » (IPV), le WWF a suivi l’évolution de près de 32 000 populations d’animaux représentant 5 230 espèces dans le monde. L’IPV étudie l’abondance des populations de vertébrés sauvages (les mammifères, poissons, reptiles, oiseaux et amphibiens), pas celle des insectes. Le WWF a collaboré avec la Société zoologique de Londres (ZSL), une organisation scientifique internationale.
Le déclin moyen des espèces analysées était de 68 % en 2020, et de 60 % en 2018, révélant une accélération de l’effondrement de la biodiversité dans le monde. « On peut se dire que 1 %, ce n’est pas grand-chose, mais perdre 1% en deux ans, c’est absolument colossal. Le seul fait que cet indice ne s’améliore pas est une catastrophe en soi », insiste Arnaud Gauffier, directeur des programmes à WWF.
D’autant que l’indice révèle d’immenses disparités régionales, avec des effondrements massifs de la biodiversité sur certains continents. En Amérique latine et dans les Caraïbes, les populations étudiées ont chuté de 94 % en moyenne depuis 50 ans. À l’inverse, l’Europe et l’Asie centrale (-18%) ainsi que l’Amérique du Nord (-20%) apparaissent relativement préservées. Un contraste impressionnant qui s’explique par plusieurs raisons : des pressions qui s’exercent plus fortement sur certaines régions (déforestation, changement d’affectation des sols, effets du changement climatique), mais aussi le point de départ de l’étude. En 1970, l’état de base de la biodiversité était plus pauvre et plus faible en Europe qu’ailleurs, ce qui explique un moindre déclin. Le WWF estime aussi que des efforts de conservation y ont porté leurs fruits.
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Outre l’aspect géographique, les espèces les plus touchées par un fort déclin vivent dans les écosystèmes d’eau douce, avec une diminution moyenne de la taille des populations de 83 %.
Ce rapport souligne les liens profonds entre l’effondrement du vivant et le changement climatique, qui est en passe de devenir la menace numéro une pesant sur la biodiversité. Cinq dangers principaux pèsent sur le vivant : le changement d’usage des terres, la surexploitation et le braconnage, la pollution, les espèces invasives et le dérèglement du climat. Ce dernier, en dernière position dans l’échelle des menaces il y a quelques années, s’est déjà hissé à la troisième place et pourrait bientôt arriver en tête. La hausse des températures peut notamment affecter les capacités reproductives de certaines espèces, bouleverser des habitats, entraîner des phénomènes de mortalité massive, voire des extinctions pures et simples. Par exemple, un réchauffement de +1,5 °C entraînera une perte de 70 % à 90 % des coraux d’eau chaude. Si le réchauffement atteint +2 °C, 99 % des coraux disparaîtront.
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« Le changement climatique est le clou final dans le cercueil de la biodiversité. Les espèces sont déjà suffisamment mal en point à cause de toutes les pressions qu’on leur impose ; si on rajoute le changement climatique, cela risque d’être catastrophique », alerte Arnaud Gauffier, du WWF. D’où l’importance de « jouer sur les deux tableaux » en diminuant drastiquement les émissions de gaz à effet de serre tout en protégeant, voire en restaurant, la biodiversité.
Le WWF précise que l’effondrement du vivant n’est pas irréversible. L’indice planète vivante montre que les efforts de conservation ont permis de faire revenir le lynx en France : alors que celui-ci a frôlé l’extinction dans les années 1970, on décompte désormais plus de 130 individus dans le pays.
Pour enrayer ce déclin global des espèces, l’ONG demande des réponses politiques à la hauteur de l’enjeu. La sortie du rapport Planète vivante se fait dans un contexte international propice : la 15ème Conférence des Nations unies sur la diversité biologique s’ouvre dans moins de deux mois à Montréal (Canada). Ce sommet devrait définir un agenda pour les dix prochaines années et déterminer un objectif ambitieux de protection des espaces naturels.
En 2023, les eurodéputé·es plancheront sur une loi sur la restauration de la nature. En juin 2022, la Commission européenne a mis sur la table un texte ambitieux qui obligerait les États à restaurer au moins 20 % des terres et des mers de l’Union européenne à horizon 2030. Cette démarche encourageante montre que les sphères politiques intègrent enfin l’idée que stopper l’érosion de la biodiversité ne suffira pas, mais qu’il faudra aussi activement réparer les dommages qui lui ont été causés.
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Un million d’espèces sauvages sont menacées de disparition alors que la population humaine et ses besoins en ressources ne cessent de croître. La Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES) vient de faire paraître deux importants rapports qui dressent un état des lieux de la vie sauvage et esquissent des solutions franches pour enrayer le déclin du vivant.