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La France se dote d’un plan pour protéger le lynx, prédateur menacé d’extinction

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À l’œil. Le min­istère de la Tran­si­tion écologique a récem­ment dévoilé le pre­mier Plan nation­al d’actions (PNA) pour pro­téger le lynx boréal, qui doit per­me­t­tre de rétablir l’espèce dans un bon état de con­ser­va­tion, alors que sa sit­u­a­tion est jugée préoc­cu­pante.

Le Lynx est le plus grand félin sauvage présent en Europe. Dis­paru en France au début du 20ème siè­cle avant d’y être réin­tro­duit, il reste men­acé d’extinction dans l’Hexagone, où l’on compte env­i­ron 150 indi­vidus répar­tis essen­tielle­ment dans le Jura et les Alpes, ain­si qu’en nom­bre très faible dans les Vos­ges. Con­traire­ment au loup, ce mam­mifère n’est pas un grand voyageur et ne colonise pas rapi­de­ment de nou­veaux milieux. « Une con­nec­tiv­ité entre mas­sifs forestiers est cru­ciale pour per­me­t­tre à la fois la dis­per­sion des jeunes et les déplace­ments des adultes pour établir de nou­veaux ter­ri­toires et pour trou­ver un parte­naire pour se repro­duire », explique ain­si la Société française pour l’étude et la pro­tec­tion des mam­mifères (SFEPM) dans un doc­u­ment très éclairant sur le sujet.

L’aire de présence du Lynx en France en 2017, selon des mailles élé­men­taires de dix kilo­mètres car­rés © Flash info Lynx ONCFS du 31 juil­let 2018

Pour « faciliter les échanges de pop­u­la­tions entre les mas­sifs », le PNA prévoit de men­er un « tra­vail par­ti­c­uli­er sur les col­li­sions routières » (pre­mière cause de mor­tal­ité du lynx en France) et de « lut­ter con­tre les destruc­tions illé­gales ». Le Lynx est sou­vent vic­time de bra­con­nage, car il est accusé de causer des dégâts sur le gibier. Ce grand car­ni­vore s’attaque ponctuelle­ment à des mou­tons ou à des cervidés apprivoisés non gardés et, plus sou­vent, aux chevreuils et aux chamois. La min­istre de la Tran­si­tion écologique, Bar­bara Pom­pili, a annon­cé des mesures pour « amélior­er la coex­is­tence avec les activ­ités cynégé­tiques ».

Le plan, qui porte sur la péri­ode 2022–2026, va con­sacr­er sa pre­mière année au déploiement d’« une exper­tise col­lec­tive sci­en­tifique et tech­nique » (sous l’égide con­jointe de l’Office français de la bio­di­ver­sité et du Muséum nation­al d’histoire naturelle) pour « fonder les actions à venir sur des bases sci­en­tifiques recon­nues et partagées », a souligné Bar­bara Pom­pili. S’il ne prévoit ni réin­tro­duc­tion, ni régu­la­tion de Lynx, le plan n’exclut pas des « ren­force­ments de pop­u­la­tion » dans le mas­sif des Vos­ges, où l’espèce est en dan­ger cri­tique d’extinction. Les précé­dentes réin­tro­duc­tions de lynx n’ayant pas bien fonc­tion­né, une con­cer­ta­tion devrait être menée pour assur­er le suc­cès des opéra­tions.

Le lynx boréal (lynx lynx), par­fois appelé lynx d’Eu­rope. © Car­los Del­ga­do

En juil­let 2021, le Con­seil nation­al de pro­tec­tion de la nature (CNPN — chargé d’émettre des avis sur les pro­jets de textes lég­is­lat­ifs ou régle­men­taires con­cer­nant les inter­ven­tions humaines en milieux naturels) se déclarait favor­able à ce plan Lynx, tout en émet­tant quelques réserves. Cette action, jugée « néces­saire et urgente », ne sera assor­tie de suc­cès que si elle « asso­cie pleine­ment tous les acteurs dans les déci­sions et la mise en œuvre des actions », indi­quait-il. Dans la dernière ver­sion du PNA, la majorité des actions restent pilotées par les ser­vices de l’É­tat ou l’Of­fice nation­al de la bio­di­ver­sité (OFB) sans faire men­tion d’autres caté­gories d’ac­teurs (asso­ci­a­tions, sci­en­tifiques) qui pour­raient par­ticiper à une ani­ma­tion plus col­lé­giale.

Le CNPN inter­ro­geait égale­ment cer­taines inco­hérences dans l’engagement financier de l’État pour la mise en œuvre de ce plan, notam­ment pour la réduc­tion des con­flits avec l’él­e­vage et la chas­se et la prise en charge des lynx en détresse — des points qui restent à pré­cis­er.

Selon cer­taines asso­ci­a­tions nat­u­ral­istes, le lynx joue un rôle cru­cial de régu­la­teur dans le fonc­tion­nement des écosys­tèmes forestiers, mais l’influence des chas­seurs n’est pas anodine dans les actions définies comme « pri­or­i­taires » pour préserv­er l’espèce dans le PNA. Pour assur­er la diver­sité géné­tique et la survie de l’espèce, l’association Ferus et le Cen­tre Athé­nas, spé­cial­isé dans la sauve­g­arde du lynx, récla­ment des réin­tro­duc­tions de lynx. Chas­seurs et éleveurs y sont opposés, préférant que l’animal « s’étende naturelle­ment ». En cas de bra­con­nage, le con­seil sci­en­tifique du PNA devra « éclair­er une éventuelle déci­sion quant au rem­place­ment des indi­vidus morts ».

Il n’est pas prévu en revanche d’instaurer un quo­ta de lynx à tuer, comme cela est le cas pour le loup — pour qui le Con­seil d’État a con­fir­mé jeu­di 21 avril qu’il sera tou­jours pos­si­ble de sup­primer jusqu’à un cinquième des effec­tifs.