Débunkage

Les pires dingueries de la vidéo du «Raptor» sur le climat décryptées avec des scientifiques du Giec

Dans une vidéo de 1h20, déjà vue des centaines de milliers de fois, l’influenceur d’extrême droite parvient à énoncer des dizaines de fausses informations censées démonter «l’escroquerie climatiste». Décryptage de ses principaux mensonges avec les premiers intéressés : les scientifiques du climat.
  • Par, et

Après deux ans d’absence, Ismaïl Ous­li­mani alias le «Rap­tor», a fait son retour sur Youtube avec une vidéo qui pré­tend démon­ter «l’arnaque cli­ma­tiste» et régler son compte aux sci­en­tifiques du Groupe d’ex­perts inter­gou­verne­men­tal sur l’évo­lu­tion du cli­mat (Giec), aux ten­ants des éner­gies renou­ve­lables, aux asso­ci­a­tions écol­o­gistes, mais aus­si à Bill Gates ou au Forum économique mon­di­al, etc. Mas­culin­iste, volon­tiers com­plo­tiste et obsédé par tout ce qui ressem­ble au «wok­isme», celui qui est l’un des prin­ci­paux influ­enceurs d’extrême droite réalise, en 1h20, un par­fait best-of de toutes les théories cli­matoscep­tiques les plus rebattues sur le change­ment cli­ma­tique et des tech­niques les plus clas­siques du déni sci­en­tifique.

La minia­ture de la vidéo du Rap­tor.

S’il est impos­si­ble de répon­dre à la total­ité des aber­ra­tions énon­cée dans cette vidéo qui, à l’instar du doc­u­men­taire con­spir­a­tionniste Hold-Up, mul­ti­plie les affir­ma­tions sans sources à un rythme effréné, Vert a tenu à débunker ses plus gros men­songes à l’aide de cer­tains des meilleurs sci­en­tifiques et décrypter ses tech­niques de manip­u­la­tion.

Quelle est la thèse du «Raptor» ?

Son objec­tif est sim­ple : rel­a­tivis­er l’impact du réchauf­fe­ment cli­ma­tique en met­tant en cause «l’escroquerie cli­ma­tiste» et «la pro­pa­gande de l’apocalypse» mis­es en avant, au choix, par les sci­en­tifiques, le Forum économique mon­di­al, la Chine, Apple, Dernière réno­va­tion, les médias, les entre­pris­es, les influ­enceurs (etc, etc, etc.).

Moins frontal qu’un déni pur et sim­ple de la crise cli­ma­tique, son dis­cours s’apparente au cli­ma­torel­a­tivisme : une forme de cli­matoscep­ti­cisme qui cherche à instiller le doute et à remet­tre en cause l’ampleur et la grav­ité du dérè­gle­ment cli­ma­tique. Et donc la néces­sité d’agir.

Des insultes en guise de sources à la vidéo

Le Rap­tor n’est pas sci­en­tifique du cli­mat. Pour­tant, en qua­tre mois (il se vante d’avoir passé tout ce temps à potass­er le sujet), il aurait acquis suff­isam­ment de con­nais­sances pour remet­tre en cause des décen­nies de recherch­es sur le sujet. D’où lui vient toute cette sci­ence ?

Dans sa vidéo, les graphiques, les extraits de rap­ports et d’articles de presse s’enchaînent à un rythme effréné. On aperçoit par­fois des morceaux de rap­ports du Giec. Mais il est surtout un texte, présen­té de nom­breuses fois à l’écran sans être jamais cité, qui sert de fil rouge à sa démon­stra­tion.

Bien mal en prend à celui ou celle qui voudrait savoir d’où ce texte vient en con­sul­tant les sources du Rap­tor. En guise de références bib­li­ographiques, le lien sous la vidéo cen­sé éclair­er le spec­ta­teur con­tient un ramas­sis d’insultes : «vous êtes pathé­tiques», «fati­gants», «votre mau­vaise foi», «votre esclavage men­tal», et ain­si de suite sur deux pages entières.

Extrait du doc­u­ment qui appa­raît lorsque l’on clique sur les sources de la vidéo.

Dans les com­men­taires, de très nom­breux inter­nautes déplorent cette mau­vaise plaisan­terie, qui devrait met­tre la puce à l’oreille de n’importe quel esprit cri­tique. «Je voulais chercher les sources pour tout de même voir d’où venaient ces infor­ma­tions, il me paraît évi­dent que lorsqu’on veut me faire chang­er d’avis sur quelque chose d’aus­si impor­tant il faut au moins avoir des études solides»… . Pour un autre spec­ta­teur : «Il faut vrai­ment un ego de fou pour penser que s’in­téress­er aux sources est une insulte à ta sacro sainte per­son­ne…».

Un lien présent dans la descrip­tion et le doc­u­ment ren­voie vers l’application «Vite ma dose», mise en place en 2020 pour trou­ver près de chez soi les dos­es de vac­cin con­tre le Covid, l’une de ses obses­sions. A peine men­tionne-t-il à la toute fin du doc­u­ment «le livre Unset­tled de Steven Koonin qui a servi grande­ment à l’élaboration de cette vidéo». Avant d’ajouter : «Mais j’imagine que Mon­sieur Koonin est, tout comme moi, un méchant anti-sci­ence com­plo­tiste du cli­mat». Bien vu.

Qui est Steven Koonin ?

Ce physi­cien, ancien directeur du Cen­ter for Urban Sci­ence and Progress de l’U­ni­ver­sité de New York, est devenu l’une des égéries des cli­matoscep­tiques. Il a été sci­en­tifique en chef du géant pétroli­er BP, au sein du départe­ment des éner­gies renou­ve­lables, de 2004 à 2009. Une multi­na­tionale con­nue pour avoir financé des lob­bies cli­matoscep­tiques pen­dant des années.

Steven Koonin fut ensuite con­seiller sci­en­tifique dans l’administration Oba­ma de 2009 à 2011. Il y fut embauché par Stephen Chu, un sci­en­tifique à qui le cadre de BP avait accordé, deux ans plus tôt, une sub­ven­tion de 500 mil­lions de dol­lars dans ce qui s’apparente à un ren­voi d’ascenseur, selon Libéra­tion. Alors que ses posi­tions anti-Giec et opposées au con­sen­sus sur le cli­mat s’affirmaient depuis des années, en 2019, il aide le gou­verne­ment ouverte­ment cli­matoscep­tique de Don­ald Trump à mon­ter un «Comité prési­den­tiel sur la sécu­rité cli­ma­tique» qui ne ver­ra jamais le jour. Pub­lié en 2021, son livre Unset­tled («Cli­mat, la part d’in­cer­ti­tude» en français), est devenu une référence pour les semeurs de doute sur le con­sen­sus sci­en­tifique sur le cli­mat. Des pas­sages entiers de la vidéo du Rap­tor sont des copi­er-coller, sans le citer, de ce livre qui lui-même omet très sou­vent ses sources.

« Si les émis­sions par habi­tant de l’Inde deve­naient égales à celles, par exem­ple, du Japon — l’un des pays dévelop­pés les moins émet­teurs -, les émis­sions mon­di­ales aug­menteraient de plus de 25 %». L’un des nom­breux extraits d’Unsettled, qui ne cite pas sa source, repris presque mot pour mot par le Rap­tor.
Cap­ture d’écran de la vidéo du Rap­tor.

Comme le livre de Koonin est sor­ti en 2021, il se base sur les don­nées du cinquième rap­port du Giec, pub­lié en 2014. Un doc­u­ment déjà obsolète alors que le six­ième volet est sor­ti entre 2021 et 2023. Aus­si, de nom­breux graphiques présen­tés par le Rap­tor s’arrêtent avant 2015. Ce qui démon­tre que celui-ci ne s’est pas embar­rassé à chercher les sources per­ti­nentes et à jour dans sa ten­ta­tive de démon­stra­tion.

«L’activité humaine représente 1% des flux énergétiques qui circulent dans le système climatique, le reste du réchauffement est dû à la variabilité naturelle»

C’est désor­mais un grand clas­sique des cli­matoscep­tiques 2.0 : le Rap­tor répète à plusieurs repris­es qu’il ne remet pas en cause la réal­ité de la hausse des tem­péra­tures, mais il préfère l’attribuer à la vari­abil­ité naturelle du cli­mat. A l’écouter, puisque le cli­mat a beau­coup changé par le passé, cela voudrait que l’humain n’y serait pas pour grand-chose ; une logique par­faite­ment fal­lac­i­euse. Il assène aus­si que «l’activité humaine représente 1% des flux énergé­tiques qui cir­cu­lent dans le sys­tème cli­ma­tique», semant ain­si la con­fu­sion sur l’origine du prob­lème.

Il existe bien un effet de serre naturel, provo­qué par les gaz à effet de serre présents dans l’atmosphère et qui reti­en­nent l’énergie fournie par le soleil. «Si la Terre était dans le vide inter­sidéral, la tem­péra­ture serait de ‑271°C», rap­pelle Ger­hard Krin­ner, cli­ma­to­logue, directeur de recherche au CNRS et co-auteur du dernier rap­port du Giec. Le ray­on­nement solaire et l’effet de serre naturel main­ti­en­nent une tem­péra­ture moyenne d’en­v­i­ron 15°C à la sur­face du globe. «Et en effet, les gaz à effet de serre sup­plé­men­taires dûs aux activ­ités humaines per­turbent le bilan d’én­ergie de la Terre d’environ 1% . Mais on con­naît très bien les flux naturels, con­traire­ment à ce que dit le Rap­tor. Ces flux réchauf­fent la Terre de presque 300 degrés et on sait que leurs vari­a­tions naturelles sont faibles à l’échelle d’un siè­cle. Donc ce 1% de per­tur­ba­tion par l’Homme, c’est beau­coup, et il suf­fit pour expli­quer tout le réchauf­fe­ment récent observé».

Pour la com­mu­nauté sci­en­tifique, il n’existe plus aucun doute sur l’impact des activ­ités humaines sur le cli­mat : «Les activ­ités humaines, prin­ci­pale­ment à tra­vers les émis­sions de gaz à effet de serre, sont sans équiv­oque respon­s­ables du réchauf­fe­ment cli­ma­tique», indique la syn­thèse du dernier rap­port du Giec dès sa pre­mière page. Le lien entre la con­cen­tra­tion en CO2 dans l’atmosphère (qui aug­mente depuis bien­tôt 200 ans à cause de notre util­i­sa­tion de char­bon, pét­role et gaz) et l’élévation des tem­péra­tures est con­nu depuis plus d’un siè­cle, grâce à la décou­verte du Sué­dois Svante Arrhe­nius en 1896.

Les sci­en­tifiques parvi­en­nent à dis­tinguer le réchauf­fe­ment lié aux caus­es naturelles (qua­si-nul, en vert) et celui lié aux gaz à effet de serre dus à l’activité humaine (en rouge), en petite par­tie com­pen­sés par les par­tic­ules fines liées aux vol­cans ou à la pol­lu­tion, appelées aus­si aérosols (en bleu), qui refroidis­sent la planète. © Giec

Le rap­port du Giec a été réal­isé par des cen­taines de sci­en­tifiques du monde entier, qui ont passé en revue, pen­dant plusieurs années, des mil­liers de pub­li­ca­tions sci­en­tifiques pour établir un aperçu com­plet et à jour de l’état du cli­mat. Il ne s’agit pas de nou­velles études, mais bien d’une syn­thèse des con­nais­sances sci­en­tifiques.

Ce rap­port, dont la six­ième édi­tion est sor­tie en trois volets entre 2021 et 2022, mon­tre égale­ment que si des vari­a­tions du cli­mat se sont tou­jours pro­duites, la vitesse de ces change­ments est aujourd’hui com­plète­ment inédite. «Sur les 2 000 dernières années, il n’y a eu aucune péri­ode où les glac­i­ers ont reculé de manière général­isée. Aujourd’hui, c’est le cas», rap­pelle à Vert Ger­hard Krin­ner.

L’évolution des tem­péra­tures depuis 2000 ans. Graphique tiré du dernier rap­port du Giec. © Vert

Entre la fin de la dernière ère glaciaire et aujourd’hui, il aura fal­lu plus de 10 000 ans pour que le cli­mat se réchauffe de cinq degrés Cel­sius. «Aujourd’hui, on a une aug­men­ta­tion de presque 1,5 degré en cent ans et ça s’accélère avec près d’un degré en cinquante ans. Ça n’a rien à voir», insiste le sci­en­tifique.

«Les scientifiques du Giec ne veulent pas faire valider leur travail par des observateurs neutres»

Le Rap­tor soupçonne les sci­en­tifiques du Giec de se baser sur des arti­cles erronés et que ceux-ci refusent de con­fron­ter leur tra­vail à des obser­va­teurs neu­tres. Il avance qu’il faudrait met­tre en place une «Red team» (une équipe rouge, c’est-à-dire des tes­teurs), à même de «con­fron­ter et repro­duire les résul­tats de manière indépen­dante».

Mais pour Christophe Cas­sou, cli­ma­to­logue, directeur de recherche au CNRS et auteur du dernier rap­port du Giec, «c’est faux de dire qu’il n’y a pas de révi­sion par les pairs. Pour le dernier rap­port du Giec, nous avons exam­iné env­i­ron 66 000 pub­li­ca­tions sci­en­tifiques, qui sont par nature passées par le fil­tre de la révi­sion. Nos “brouil­lons” — le petit nom de nos ver­sions de tra­vail — ont été com­men­tés par 3 000 relecteurs de 92 pays, qui ont lais­sé plus de 200 000 remar­ques, aux­quelles nous avons inté­grale­ment répon­du. Les com­men­taires et leurs répons­es sont en ligne sur le site du Giec comme gage de trans­parence. Il ajoute : ces com­men­taires par les pairs aident con­sid­érable­ment à amélior­er les rap­ports du Giec».

Le cli­ma­to­logue Ger­hard Krin­ner rap­pelle à Vert que les don­nées sont publiques et que des chercheur·ses indépendant·es peu­vent tout à fait ten­ter de repro­duire les résul­tats des études util­isées.

D’après lui, cer­tains sci­en­tifiques se seraient déjà lancés dans la véri­fi­ca­tion de don­nées. Ain­si d’une équipe de physi­ciens de l’université de Berke­ley, menée par le cli­ma­to­logue Zeke Haus­fa­ther, qui aurait recon­stru­it l’évolution des tem­péra­tures plané­taires. «Leurs véri­fi­ca­tions les ont con­duites aux mêmes résul­tats, et même au-delà», souligne-t-il.

Ger­hard Krin­ner va même plus loin et s’adresse au YouTubeur : «je l’invite à faire sa Red team et ses travaux. Ces travaux sont ultra con­trôlés et cer­tains se sont déjà ridi­culisés».

«Les modèles climatiques ne sont pas précis»

Le Rap­tor con­sacre une (très) longue par­tie de sa vidéo à remet­tre en cause la solid­ité des mod­èles util­isés par les sci­en­tifiques pour recon­stituer le cli­mat passé et ten­ter de pro­jeter les évo­lu­tions futures. Il accuse même les sci­en­tifiques de les bidouiller pour faire cor­re­spon­dre leurs résul­tats à la «pro­pa­gande cli­ma­tiste» si sou­vent invo­quée.

Christophe Cas­sou a repéré «une grosse con­ner­ie : il con­fond les prévi­sions météorologiques, qui sont ini­tial­isées avec des don­nées observées pour prévoir le temps, et les pro­jec­tions cli­ma­tiques, qui sont util­isées pour com­pren­dre les fluc­tu­a­tions cli­ma­tiques passées et anticiper les futurs pos­si­ble… et qui elles, ne sont pas ini­tial­isées à par­tir d’observations. Il se trompe dans la con­fig­u­ra­tion des mod­èles […], ce qui traduit une incom­préhen­sion totale du fonc­tion­nement même du sys­tème cli­ma­tique». Autrement dit, le Rap­tor a passé 10 min­utes à démon­ter des mod­èles… qu’utilisent les sci­en­tifiques pour la météo, mais pas pour le cli­mat.

La hausse des tem­péra­tures dépen­dra des poli­tiques qui seront mis­es en œuvre par les sociétés humaines, et que le Giec a classé en plusieurs scé­nar­ios, du plus souten­able (SSP1) au plus dan­gereux (SSP5). © Giec / Tra­duc­tion par Vert

Par ailleurs, si leur pré­ci­sion n’est pas absolue, les pro­jec­tions cli­ma­tiques se sont large­ment affinées ces dernières décen­nies. «Les pro­jec­tions faites à la fin des années 1980 se sont révélés cor­rectes, bal­aye Ger­hard Krin­ner. Ce n’est pas du grand n’importe quoi, elles vont toutes dans le même sens».

Pour la petite his­toire, les mod­èles util­isés par cer­tains pétroliers eux-mêmes avaient prédit, dès les années 1970, le réchauf­fe­ment actuel avec une pré­ci­sion à peine croy­able. Ces graphiques internes du géant Exxon­mo­bil, exhumés par des sci­en­tifiques en 2023, le démon­trent.

Le graphique A, qui date de 1982, prévoit un réchauf­fe­ment de presque 1,2°C en 2025, une pré­dic­tion qui se révèle cor­recte. Les ban­des bleues (con­cen­tra­tion en CO2 atmo­sphérique) et rouge (tem­péra­ture) ont été ajoutées a pos­te­ri­ori pour mon­tr­er les niveau réelle­ment atteints depuis lors.

«La montée du niveau des mers n’est pas plus rapide qu’avant»

D’après le Rap­tor, la mon­tée des eaux subit des vari­a­tions cycliques depuis 20 000 ans et l’élévation serait d’environ +1,8 mil­limètre par an depuis 1900 — une hausse bien inférieure à cer­tains cycles passés. «Déjà, la don­née de 1,8 mm par an n’est pas bonne, réfute d’emblée Gonéri Le Cozan­net, spé­cial­iste des risques côtiers au Bureau de recherch­es géologiques et minières (BRGM) et co-auteur du dernier rap­port du Giec. Aujourd’hui, on est plutôt sur +4mm par an, con­traire­ment aux +1,4mm du 20ème siè­cle [+3,7mm par an entre 2006 et 2018, selon les dernières don­nées du Giec, NDLR]. On voit claire­ment qu’il y a une accéléra­tion et qu’elle va con­tin­uer à se pour­suiv­re».

«Le réchauffement climatique n’a pas d’effet sur les ouragans et les cyclones»

Même si leur activ­ité évolue selon des cycles naturels, «il existe aujour­d’hui un con­sen­sus sur le fait que le change­ment cli­ma­tique influ­ence leur inten­sité, pré­cise à Vert Davide Faran­da, directeur de recherche en sci­ences du cli­mat au CNRS, spé­cial­isé dans l’attribution des évène­ments extrêmes au change­ment cli­ma­tique. En effet, une aug­men­ta­tion de la tem­péra­ture de la sur­face de la mer four­nit plus d’én­ergie aux tem­pêtes, favorisant ain­si des oura­gans plus intens­es, même si le nom­bre total ne change pas for­cé­ment».

Pru­dent au vu des résul­tats des études récentes, le dernier rap­port du Giec estime «prob­a­ble» ou «vraisem­blable» (like­ly) que «la pro­por­tion glob­ale des cyclones trop­i­caux de caté­gorie 3 à 5 ait aug­men­té au cours des qua­tre dernières décen­nies». En revanche, il indique avec une «con­fi­ance élevée», que «la pro­por­tion de cyclones trop­i­caux intens­es, les vitesses de vent max­i­males moyennes des cyclones trop­i­caux et les vitesses max­i­males des vents des cyclones trop­i­caux les plus intens­es aug­menteront à l’échelle mon­di­ale avec la hausse du réchauf­fe­ment cli­ma­tique».

«Les émissions de la Chine et de l’Inde vont exploser», «la France, c’est seulement 1% des émissions mondiales»

Alors même qu’il s’est ingénié à dimin­uer l’influence humaine sur le cli­mat, le «Rap­tor» laisse enten­dre qu’il ne servi­rait à rien d’agir puisque de toute façon, les pays en développe­ment fer­ont explos­er les émis­sions mon­di­ales. Pour le prou­ver, il fait cette allé­ga­tion insen­sée, qui ne repose sur aucune source : «La Chine et l’Inde ont annon­cé fer­me­ment qu’elles dou­bleront et tripleront respec­tive­ment leurs émis­sions de CO2 d’ici 2030». Il s’agit en réal­ité d’un copi­er-coller du livre de Steven Koonin, une fois encore.

L’ex­trait d’«Unsettled» repris par le Rap­tor.

Selon le Cli­mate action track­er, pro­jet sci­en­tifique indépen­dant qui éval­ue les promess­es et les poli­tiques cli­ma­tiques de cer­tains pays pour anticiper leur tra­jec­toire, les émis­sions de gaz à effet de serre de la Chine devraient attein­dre leur pic his­torique… l’an prochain. Avant de stag­n­er jusqu’en 2030.

Au vu des poli­tiques actuelles, les émis­sions de l’Inde, pays en développe­ment encore très dépen­dant du char­bon, devraient aug­menter de l’ordre de 15% d’ici à 2030. En aucun cas de 200%, comme le dit le «Rap­tor».

Il répète aus­si l’argument maintes fois débunké (notam­ment par Vert) selon lequel la France ne représen­terait qu’un petit pour­cent des émis­sions mon­di­ales de gaz à effet de serre, et n’aurait donc pas d’efforts à fournir. Pour la faire sim­ple : l’empreinte car­bone de la France est supérieure à 1% du total mon­di­al, alors que sa pop­u­la­tion représente moins de 1% ; puisque l’on compte près de 200 pays sur Terre, la qua­si-total­ité d’entre eux émet moins de 1% du CO2 mon­di­al ; à l’échelle indi­vidu­elle, un·e Français émet bien plus de gaz à effet de serre qu’un Indien·ne ou qu’un·e Chinois·e (voir ci-dessous) ; au vu de l’urgence cli­ma­tique et des boule­verse­ments à venir, tous les pays doivent agir sans atten­dre, surtout ceux qui ont le plus émis de CO2 à tra­vers l’Histoire (la France est au 8ème rang mon­di­al).

© Vert

«Ils en veulent à notre argent, nous contrôler»

On l’a vu, le Rap­tor s’en prend à tout ce qui a un rap­port proche ou loin­tain avec le cli­mat, en mélangeant sci­en­tifiques, mil­i­tants (Gre­ta Thun­berg, Dernière réno­va­tion), médias, mais aus­si mil­liar­daires (Bill Gates et tout le Forum économique mon­di­al), décideurs poli­tiques (Ursu­la Von Der Leyen) et entre­pris­es (Apple).

Leur but ? S’enrichir et con­trôler la pop­u­la­tion. Hélas, il n’explique à aucun moment pourquoi leurs intérêts con­verg­eraient. Si le Rap­tor iro­nise à plusieurs repris­es sur le fait que cer­tains pour­raient le tax­er de com­plo­tiste, il en utilise tous les ressorts.

Le Rap­tor joue la carte de l’ironie au moment de dire : «Que se passerait-il si les réglages étaient fait de telle sorte que… les résul­tats col­lent exacte­ment à ce qu’on aimerait obtenir, par exem­ple pour coller à un nar­ratif bizarre qui serait dans notre intérêt à la pro­pa­gande cli­ma­tiste ?»

Les techniques du déni climatique employées par le «Raptor»

Le Rap­tor use et abuse des tech­niques les plus courantes employées par les marchands de doutes, jadis au sujet des pub­li­ca­tions sci­en­tifiques sur le tabac ; aujourd’hui à pro­pos de la crise cli­ma­tique. Voici quelques-uns des exem­ples les plus frap­pants.

L’attaque ad hominem. Plutôt que de démon­ter leurs argu­ments, il ago­nit d’injures ses adver­saires pour ten­ter de les décrédi­bilis­er. «La secte cli­ma­tiste», «le tri­bunal moral», «les scam­meurs du cli­mat», «les psy­chi­a­triques de la secte du cli­mat», «les menteurs pathologiques du cli­mat», Manon Aubry qual­i­fiée de «Mafal­da, la com­mu­niste épou­vantable en CDI puage de gueule avec son tee-shirt Tax­ez les rich­es dégueu­lasse»… La sci­ence du cli­mat y est assim­ilée à une reli­gion : le «Rap­tor» par­le de «fanatisme idéologique», de «parole d’évangile du Giec», «d’hérétiques» et de «pro­fanes», de «parole divine» ou d’«une voie vers la rédemp­tion».

L’homme de paille. Il s’agit de déformer ou exagér­er la posi­tion d’un adver­saire pour le ren­dre plus facile à atta­quer. Il invente par exem­ple le fait qu’en 2007, le Giec aurait prédit une hausse du niveau de la mer de six mètres en 2016 (c’est faux).

Logique fal­lac­i­euse : si les mod­èles cli­ma­tiques ne sont pas d’une pré­ci­sion de 100%, alors il ne faut pas s’y fier du tout ; autre­fois, le cli­mat a tou­jours changé de façon naturelle, donc le change­ment cli­ma­tique actuel est naturel. Ces affir­ma­tions sont des sophismes à la logique dou­teuse.

Cher­ry pick­ing : Il utilise seule­ment les don­nées qui sem­blent con­firmer ses théories, en lais­sant de côté celles qui le con­tre­dis­ent, ce qui ne cor­re­spond pas à la démarche sci­en­tifique. Cer­tains de ses graphiques s’achèvent en 2014 ou plus tôt encore, alors que le dernier rap­port du Giec se base sur des études bien plus récentes.

Sur­sim­pli­fi­ca­tion : Selon lui, puisqu’il y a davan­tage de CO2 dans l’atmosphère, mais aus­si plus de sur­faces boisées qu’autrefois, c’est le signe que le CO2 sup­plé­men­taire dû à nos activ­ités fait du bien aux forêts. Or, ce reverdisse­ment a bien d’autres caus­es, comme l’usage des com­bustibles fos­siles à la place du bois ou la plan­ta­tions d’arbres à usage indus­triel, et les forêts sont directe­ment men­acées par l’élévation des tem­péra­tures due au CO2 que nous émet­tons en excès.

Pour vous for­mer à repér­er ces tech­niques et bien d’autres encore, lisez notre arti­cle sur le sujet.

Conclusion

Il nous est impos­si­ble de démon­ter tous les argu­ments du Rap­tor, puisqu’ils sont trop nom­breux (à des­sein) et par­fois con­tra­dic­toires entre eux. L’objectif de sa vidéo est clair : faire le buzz sur un sujet ultra-cli­vant pour génér­er un max­i­mum d’audience et faire la pro­mo­tion de ses pro­duits, des com­plé­ments ali­men­taires pour la mus­cu­la­tion (qu’il exhibe dans la vidéo) et des pro­grammes de coach­ing.

Le Rap­tor n’a aucune expéri­ence sur le cli­mat. Par con­tre, il sait s’adresser à un pub­lic jeune, mas­culin et mal­léable pour lui ven­dre des solu­tions clef en main afin de pass­er d’un «zéro à un héros».

🚩Les «red flags» qui doivent vous alerter

Lorsque vous ou l’un de vos proches ver­rez un tel con­tenu à l’avenir, voici les points qui doivent vous met­tre la puce à l’oreille :

→ Ne présente pas ses sources

→ N’a pas une activ­ité ou un diplôme en rap­port avec le sujet

→ N’a jamais rien pub­lié, ni arti­cle, ni essai sur le sujet

→ Tente de vous ven­dre quelque chose

→ «Nous con­tre eux» : désigne des enne­mis aux con­tours flous con­tre qui il est le rem­part

En atten­dant, nous vous invi­tons à décou­vrir ce qu’il est vrai­ment de la crise cli­ma­tique, de ses caus­es, ses con­séquences et les solu­tions à notre portée, avec nos syn­thès­es de chaque volet du dernier rap­port du Giec.

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