C’est pas la maire à boire. Des dizaines de collectifs citoyens ont évalué l’action de leurs maires à mi-mandat. Ils ont noté un certain retard dans la mise en place de mesures environnementales et sociales ambitieuses et une absence de transparence de la part de leurs élu·es.
En juin 2020, des collectifs citoyens ont convaincu 900 listes candidates aux municipales de s’engager sur des politiques écologiques, sociales et démocratiques ambitieuses à travers la signature du Pacte pour la transition, un projet de 32 mesures axées autour de huit thématiques (mobilités, agriculture et alimentation, biodiversité, etc). Près de 300 listes ont été élues. Trois ans plus tard, quelque 60 collectifs citoyens ont décidé de réaliser un vaste bilan de mi-mandat de l’action de plus de 100 communes et intercommunalités avec l’aide du Réseau action climat (RAC), d’Alternatiba et du Collectif pour une transition citoyenne.
«La première chose qui saute aux yeux, c’est que les collectivités locales sont en retard sur la mise en place de politiques climatiques, sociales et de démocratie locale, et que ce retard s’accumule», pointe Clara Sannicolo, responsable Climat et territoires au RAC, auprès de Vert. Un retard dans la réalisation de leurs promesses, mais aussi de leurs obligations légales : «Plus de 60% des communes évaluées ne respectent toujours pas la loi sur la proportion de produits de qualité dans la restauration collective», relève le rapport.
La rénovation énergétique est l’un des sujets sur lesquels les collectivités locales sont le plus en retard. 85% des communes évaluées ont accompagné la rénovation de moins de 1% de logements sur leur territoire. Le rapport souligne la «bonne pratique» de la commune d’Arnas (Rhône), qui propose une réduction de la taxe foncière (jusqu’à 50% pour 3 ans) en cas de travaux pour améliorer la performance énergétique d’un logement.
En matière d’urbanisme et d’aménagement du territoire, la mise en place des engagements environnementaux peine à s’imposer. «On a des fortes inerties sur plusieurs sujets, regrette Clara Sannicolo. Les communes font plutôt du business as usual, car elles se sentent prises entre plusieurs feux : d’un côté, on leur dit d’être attractives et de se développer économiquement, et de l’autre d’arrêter l’artificialisation des sols, par exemple. Elles voient ces enjeux comme étant incompatibles, plutôt que d’essayer de les penser ensemble».
Certaines thématiques, comme les mobilités ou la biodiversité, sont plus porteuses auprès des communes. 60% des collectivités rapportent avoir mené un travail d’identification de leurs trames vertes et bleues (une politique publique permettant de restaurer les continuités écologiques dans les espaces naturels terrestres — verts — et dans les cours d’eau et zones humides — bleues). Plusieurs collectifs soulignent néanmoins que ces initiatives en termes d’identification «peuvent permettre aux communes de verdir leur image, alors même qu’elles continuent à mener des projets à contre-sens». Un écart entre la réalité et des politiques «d’affichage et de communication» relevé dans la plupart des thématiques analysées, précise Clara Sannicolo, du RAC.
L’évaluation relève des disparités en fonction de la taille des communes étudiées. «Sans grande surprise, les grandes villes sont plus en avance que le reste des collectivités», note Clara Sannicolo. Un dynamisme qui s’explique par les moyens (financiers, humains, techniques) dont ces premières disposent. Les villes moyennes (15 000 à 100 000 habitant·es) sont «à la traîne», même si elles bénéficient d’aides ciblées pour pallier leurs moindres ressources.
L’absence de transparence des collectivités a également frappé les auteur·rices de cette étude. Un quart des collectifs qui souhaitaient évaluer l’action de leurs communes n’ont pas pu accéder aux données nécessaires pour le faire. «Ça pose un certain nombre de questions sur la gouvernance de la planification des politiques locales, et sur la manière de les co-construire», déplore Clara Sannicolo.
Alors que le Pacte pour la transition met la participation citoyenne au cœur de sa démarche, cette évaluation conclut que «dans les faits, la co-construction reste l’exception à la règle». Près de la moitié des communes «n’ont rien mis en place pour améliorer la qualité des démarches de participation (conseils de quartier, consultations sur des projets, conseils de développement, etc), malgré le fait que près des trois quarts s’étaient engagées à le faire», recense le rapport.
Ce vaste bilan entend servir de point de départ aux communes pour se projeter dans la seconde partie de leur mandat. «Là où ça pêche, les groupes locaux ont souvent des propositions de solutions pour améliorer les choses dans leurs territoires, et il faut que les communes les impliquent davantage dans l’action locale», juge Clara Sannicolo. Afin que les questions écologiques et sociales deviennent des incontournables dans la construction des territoires.
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