Depuis l’ouverture lundi du sommet mondial (COP30) sur le climat, plusieurs milliers de visiteur·ices naviguent entre les traditionnelles zones bleue (réservée aux négociations climat) et verte (consacrée aux solutions de la société civile) installées dans le Parque da Cidade de Belém (Brésil).
Nouveauté de cette année : une «Agrizone», installée à 1,5 kilomètre du site officiel, dans les murs de la Société brésilienne de recherche agricole (Embrapa). Elle vise à «présenter le rôle de l’agriculture dans la lutte contre la crise climatique», explique le ministère brésilien de l’agriculture et de l’élevage. Les navettes gratuites mises en place pour la COP permettent d’y faire un saut en quelques minutes.

L’Agrizone est une vitrine donnée à l’agriculture industrielle et aux grands noms de l’agro-industrie. Elle compte parmi ses sponsors «diamants» (les plus généreux) le numéro un de l’agrochimie Bayer (propriétaire du géant des produits chimiques Monsanto), la firme française du sucre Tereos ou Nestlé. Les États-Unis, qui boycottent les négociations climatiques, sont également sponsors à travers l’Institut interaméricain de coopération pour l’agriculture (IICA).
Au programme, des conférences sur la «génomique et l’adaptation climatique», un «Forest Lab de l’open innovation pour la forêt amazonienne» ou encore des «stratégies climato-intelligentes pour une industrie mondiale de l’alimentation animale». Rien sur les solutions faibles en intrants et technologies telles que l’agriculture biologique, l’agroforesterie ou l’agriculture vivrière. Cette dernière constitue encore le modèle agricole le plus répandu dans le monde. Selon la FAO (l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture), l’agriculture vivrière représente 70 à 80% de toutes les exploitations mondiales.

Dès le premier jour de la COP30, une poignée d’organisations de la société civile ont fait le siège devant l’Agrizone pour protester contre cette «évidente collusion entre l’agrobusiness et le gouvernement», selon la militante colombienne Andrea Echeverri, du réseau d’ONG Global Forest Coalition. «On se bat pour avoir une miette d’attention dans l’enceinte des négociations et on découvre ici que les lobbyistes ont leur sommet. Ils ont plus d’espace et sont plus écoutés que nous», explique-t-elle.
«En Amérique du Sud, l’agriculture industrielle est l’une des plus grosses menaces pour la biodiversité à cause de la déforestation, des monocultures et de l’utilisation d’agrotoxiques», pointe de son côté la militante mexicaine Xananine Calvillo. Le secteur agricole est à l’origine d’environ 23% des émissions mondiales de gaz à effet de serre, selon le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec). Et un quart de ces émissions est dû aux engrais fabriqués à partir d’énergies fossiles, pointe une étude parue dans la revue Nature.
Alors que les regards se tournent vers les lobbyistes des énergies fossiles (dont le décompte annuel est réalisé par l’association Kick big polluters out), Pang Delgra, de l’antenne philippine du Fonds mondial pour la nature, affirme que «ceux de l’agro-industrie sont des milliers et ils sont toujours plus nombreux».
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