Classe du siècle. Cette semaine, la présidente de Vert revient sur l’essor des pédagogies «vertes», ces manières de parler d’écologie à l’école. Il en existe de toutes sortes et, non, cela ne se limite pas à faire classe en extérieur ! Cliquez ici pour (ré)écouter cette chronique diffusée sur France inter, mercredi 5 mars 2025.
Mathieu Vidard : Juliette, aujourd’hui vous nous parlez d’initiatives pour rendre l’école plus verte.
Oui, Mathieu ! Et je ne sais pas vous mais quand j’étais gamine, à Bosc-le-Hard en Seine-Maritime, j’étais fascinée par les petites bêtes. J’adorais observer les insectes, quitte à les enfermer dans des pots de confiture. En classe, on élevait des têtards qui se transformaient en grenouilles sous nos yeux ébahis. On plantait des graines de radis dans le potager de la cour, surexcités à l’idée de les déterrer quelques semaines plus tard.
Eh bien, ce contact avec le vivant, cette curiosité nourrie par mes profs, a sans doute joué un rôle dans mon choix de devenir journaliste sur l’écologie et une citoyenne consciente de ces enjeux. Alors déjà : merci à eux ! Ensuite, quelle vision avant-gardiste ! Parce qu’aujourd’hui, ces petites expériences prennent une tout autre ampleur avec l’essor des pédagogies «vertes».
Justement, voit-on émerger de nouvelles façons d’enseigner, plus proches de la nature ?
Imaginez une classe en plein air, sous les arbres, des enfants qui déclament du Prévert dans un parc ou discutent en anglais sur une plage de Calais, à deux pas de leur collège.
C’est ce qu’on appelle la «classe dehors». Une pratique bien ancrée dans des pays comme la Suède, le Danemark ou le Canada, mais qui reste marginale en France. Pourtant, ses bienfaits sont nombreux : moins de stress, plus de concentration, plus de coopération entre les élèves. Alexandre Ribeaud, qui est enseignant et pilote ces initiatives pour l’académie de Paris, expliquait récemment à ma collègue Justine Prados qu’«un enfant qui apprend avec tout son corps apprend mieux».
Et ça marche : en 2023, 3 000 élèves parisiens faisaient classe dehors. Un an plus tard, ils étaient déjà 5 200. Certes, ça reste une goutte d’eau sur les 141 000 élèves de l’académie… mais la dynamique est là.
L’écologie à l’école, ça ne se limite pas à des cours en plein air ?
Non, bien sûr ! Les initiatives pour verdir l’école ne manquent pas. On peut citer les éco-délégués, obligatoires depuis 2020 ; le programme «Éco-écoles» de l’association Teragir, qui valorise les établissements engagés ; ou encore le challenge collectif «Ma petite planète», qui fête aujourd’hui ses cinq ans. Mais leur succès dépend de l’implication des enseignants.
En juin 2023, le gouvernement a lancé un plan avec 20 mesures pour la transition écologique à l’école. Sur le papier, c’est bien. Mais sur le terrain, ça se heurte à pas mal d’obstacles.
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Là encore, cela repose sur la bonne volonté des profs, qui sont déjà débordés par des programmes XXL. Certains s’engagent malgré tout dans des collectifs comme «Profs en transition» ou «Enseignants pour la planète», qui rassemblent plusieurs milliers de membres et proposent des ressources pour intégrer l’écologie à toutes les matières.
Parce que oui, aujourd’hui, la question environnementale est surtout cantonnée aux cours de sciences. Diane Granoux, professeure dans l’académie de Grenoble (Isère) regrette qu’«il y ait eu des progrès en SVT et en physique-chimie, mais qu’en histoire-géo ou en économie, ce soit encore le désert».
Pourquoi ce blocage ? Selon elle, deux raisons : d’un côté, le Conseil supérieur des programmes refuse d’en faire une priorité. De l’autre, des enseignants frileux craignent d’être taxés de militants. Pourtant, comme Diane Granoux le dit très justement : «Au même titre que l’on attend de nous que nous soyons des profs laïcs et républicains, on devrait attendre de nous que nous soyons des profs écologistes.»
Quel enjeu essentiel en effet pour cultiver chez les petits cette sensibilité au monde qui les entoure. Comme l’écrivait Gaston Bachelard dans La poétique de la rêverie : «Nous ne pouvons pas aimer l’eau, aimer le feu, aimer l’arbre sans y mettre un amour, une amitié qui remonte à notre enfance.»
Preuve que l’intérêt est là chez les parents : ce sont les lectrices et lecteurs de Vert, venus dans notre rédaction pour préparer une édition spéciale de notre newsletter, qui ont choisi que nous nous penchions sur ce sujet vital.
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