Décryptage

Les candidats à la présidentielle ont zappé l’océan

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L’amer à boire. La Fon­da­tion de la mer a passé au crible les pro­grammes des candidat·es à l’élec­tion prési­den­tielle pour com­par­er leurs pro­jets pour le grand bleu. Le résul­tat n’est vis­i­ble­ment pas à la hau­teur du pays qui dis­pose du deux­ième plus grand espace mar­itime au monde. 

Un coup d’épée dans l’eau ? Seuls Yan­nick Jadot (EELV), Emmanuel Macron (EM), Marine Le Pen (RN) et Nico­las Dupont-Aig­nan (DLF) ont répon­du à l’or­gan­isme qui les inter­ro­geait, par exem­ple, sur leurs trois prin­ci­pales mesures en faveur de l’environnement marin, ou leurs efforts pour une « crois­sance bleue qui réc­on­cilie économie et écolo­gie ».

Après analyse de ces répons­es et des pro­grammes des autres candidat·es, la fon­da­tion con­clut que « la dimen­sion mar­itime de la France [y] est qua­si inex­is­tante » et souligne « la faib­lesse de la réflex­ion sur la mise en œuvre des pro­jets : cal­en­dri­er, finance­ments et arbi­trages budgé­taires », etc. « Comme en 2017, la plu­part [des candidat·es] n’[ont] pas pris con­science de l’urgence à agir et de la respon­s­abil­ité sin­gulière de notre pays, dans un con­texte où les enjeux mar­itimes sont pour­tant omniprésents », regrette Sabine Roux de Bézieux, prési­dente de la fon­da­tion. Par­mi les raisons de s’inquiéter : le déclin de la bio­di­ver­sité marine, l’exploration des grands fonds marins, la sur­pêche, mais aus­si la nav­i­ga­tion prob­lé­ma­tique en mer d’Azov, sous con­trôle russe.

Yan­nick Jadot se dis­tingue par sa volon­té de mul­ti­pli­er par cinq les zones faisant l’ob­jet d’une pro­tec­tion plus élevée, dite « forte », au sein des Aires marines pro­tégées (AMP) et de don­ner plus de moyens au min­istère de la mer. Celui qui promet d’in­ter­dire l’ex­plo­ration minière dans toute la Zone économique exclu­sive française (JDD), souhaite égale­ment créer une police de l’environnement et ren­forcer la pêche durable.

Un bateau de pêche au large de Port-Leu­cate, le 3 mars 2022. © Ray­mond Roig / AFP

Jean-Luc Mélen­chon, qui con­sacre un livret thé­ma­tique de son pro­gramme à la mer, souhaite créer un droit inter­na­tion­al con­traig­nant pour préserv­er et dépol­luer l’océan et regrette l’ab­sence d’une police de l’eau. L’in­soumis fait le pari d’une économie de la mer respec­tant la « règle verte » (ne pas pren­dre davan­tage à la nature que ce qu’elle peut recon­stituer), mis­ant sur la pêche durable et un tourisme mar­itime respectueux de l’environnement. Plus anec­do­tique, il aimerait créer la « pre­mière sta­tion sous-marine per­ma­nente » sur le mod­èle de la Sta­tion spa­tiale inter­na­tionale. Jean-Luc Mélen­chon se prononce aus­si pour « un fort développe­ment » des éner­gies marines et en faveur d’un mora­toire sur l’exploitation minière dans les grands fonds et sur les for­ages en Méditer­ranée. Une idée soutenue aus­si par le com­mu­niste Fabi­en Rous­sel. Ce dernier veut pro­pos­er un traité mon­di­al pour pro­téger les fonds marins et une con­férence « pour l’é­conomie et l’é­colo­gie bleues ». Il fait le pari de la cul­ture des algues pour rem­plac­er cer­tains matéri­aux issus des indus­tries car­bonées, comme le plas­tique, et pro­pose de con­stru­ire des bateaux écologiques et de soutenir la pêche arti­sanale. 

Anne Hidal­go (PS) asso­cie la mer à son pro­gramme pour l’en­vi­ron­nement (Vert) : elle souhaite créer un droit de la nature, un poste de Défenseur de l’en­vi­ron­nement et met­tre en place un prélève­ment « 1 % océans » sur les bud­gets pub­lic­i­taires des entre­pris­es, qui per­me­t­trait d’in­ve­stir dans la recherche. 

Emmanuel Macron lors du « One ocean sum­mit » organ­isé en févri­er 2022 à Brest (Fin­istère). © Ludovic Marin / AFP

Emmanuel Macron se fait le chantre d’une « diplo­matie bleue » et entend ren­forcer les con­trôles, la dépol­lu­tion et le recy­clage des plas­tiques. Il a aus­si annon­cé vouloir dévelop­per 50 parcs éoliens en mer (Vert). À droite, Valérie Pécresse (LR) pro­pose de créer une banque des Out­re-mer pour financer les éner­gies renou­ve­lables et l’économie de la mer. Elle prévoit un accord entre pays riverains de la Méditer­ranée pour fix­er un objec­tif « zéro plas­tique en mer ». La can­di­date lance l’idée d’une « réserve écologique citoyenne », des volon­taires qui pour­raient net­toy­er les espaces naturels souil­lés.

À sa droite, Marine Le Pen (RN) insiste sur la néces­sité de mod­erniser les ports et dévelop­per la pêche en haute mer, mais « dans le respect de l’environnement ». Éric Zem­mour (Recon­quête) souhaite ren­forcer la fil­ière de recy­clage des plas­tiques, met­tre fin à l’éolien en mer et voudrait « exploiter et défendre tout le poten­tiel de nos eaux et de nos fonds marins ». Des visions dif­fi­cile­ment com­pat­i­bles avec la sauve­g­arde du vivant. 
Du côté de l’ex­trême-gauche, Nathalie Arthaud (LO) dénonce « les grands groupes cap­i­tal­istes » qui freinent « la sauve­g­arde de la mer » et Philippe Poutou (NPA) veut « met­tre en place des aires pro­tégées ».