Jeux de lois. Après avoir tenté de séduire la gauche à l’entre-deux-tours de l’élection présidentielle, les partisan·es d’Emmanuel Macron évitent maintenant d’évoquer les sujets chers à la Nouvelle union populaire écologique et sociale (Nupes). Tout semble indiquer qu’il en sera ainsi pendant la suite du quinquennat. Explications.
À la veille du second tour des législatives et alors que la France brûle sous les effets du réchauffement climatique, les candidat·es d’Ensemble s’émeuvent avec force des dangers des… « anarchistes d’extrême gauche ». Sans s’attarder sur le choix de ce vocable intriguant, on pourrait surtout s’étonner d’un changement de ton radical alors que le président en campagne avait, il n’y a pas si longtemps, promis « d’enrichir » son programme des propositions des écologistes et des insoumis·es.
Le président de l’Assemblée nationale, Richard Ferrand, se voyait « des valeurs communes » avec Jean-Luc Mélenchon au soir du premier tour de la présidentielle ; il juge désormais que leurs deux coalitions sont « aux antipodes ».
Cette contorsion idéologique des partisan·es d’Emmanuel Macron n’a en fait rien de surprenant. Comme Vert vous le racontait dès lundi, la Nupes est arrivée au coude-à coude avec Ensemble au premier tour des législatives. À tel point que la coalition présidentielle craint désormais de voir la majorité absolue de 289 sièges lui échapper. Elle n’a donc d’autre choix que d’attaquer la gauche sur tous les fronts. Et d’éviter les sujets qui sont chers à cette dernière, comme le changement climatique ou la justice sociale.

Pragmatiques, les candidat·es macronistes n’hésitent pas à mettre l’extrême droite sur le même plan que la Nupes pour lui empêcher de grappiller des sièges. Adieu le « front républicain » et tant pis si c’est le Rassemblement national (RN) qui en profite. Ainsi, dans les 62 circonscriptions concernées par un duel RN-Nupes, seul·es sept candidat·es Ensemble ont explicitement appelé à glisser des bulletins Nupes dans l’urne, dix ont incité à ne pas donner de voix au RN, 8 à voter blanc et 28 n’ont pas voulu donner de consignes de vote, selon un décompte de Libération. Si l’extrême droite peut espérer entre 25 et 35 sièges (contre huit dans la précédente mandature), elle le devra donc en partie au « ni-ni » d’Ensemble.
Dangereuse à court terme, cette stratégie visant à décrédibiliser la gauche et ses thèmes de prédilection risque bien de se poursuivre tout au long du mandat, comme l’a expliqué le chercheur Bastien François à Reporterre. En effet, si le gouvernement n’obtient pas de majorité absolue à la chambre haute, il est probable qu’il s’appuie sur la droite pour légiférer. Or, ses député·es n’ont jamais brillé par leur ambition climatique. Le climat attendra.
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