Décryptage

Législatives 2024 : sur l’écologie, la majorité pratique le recyclage

Clé de vote. En vue des élections législatives anticipées du 30 juin et 7 juillet 2024, la majorité présidentielle ne propose aucune mesure novatrice en matière d’écologie et mise sur le recyclage d’idées déjà lancées.
  • Par et

Il a beau promet­tre que sa France, «c’est celle qui réus­sit la tran­si­tion écologique», le Pre­mier min­istre Gabriel Attal est loin de le démon­tr­er avec le pro­gramme de son camp. Mal­gré une baisse impor­tante des émis­sions de gaz à effet de serre en 2023 (notre arti­cle) dif­fi­cile de faire oubli­er le bilan du gou­verne­ment et les deux con­damna­tions de l’État pour inac­tion cli­ma­tique en 2021.

Après le RN (à lire ici) et le NFP (à lire là), Vert décrypte les propo­si­tions sur l’écologie d’«Ensemble pour la République», com­posé de Renais­sance (ER) et ses alliés : le Modem, Hori­zons, l’UDI, et le Par­ti rad­i­cal.

Énergie

Nucléaire, en avant toute

Le camp macro­niste mise tou­jours plus sur le nou­veau nucléaire, sans doute influ­encé par la surenchère du Rassem­ble­ment Nation­al en la matière. En 2022, Emmanuel Macron avait promis la con­struc­tion de six réac­teurs EPR de nou­velle généra­tion et des études de fais­abil­ité pour huit autres. Finale­ment, et sans atten­dre les études de fais­abil­ité, la mise en chantier des 14 réac­teurs est désor­mais actée dans le pro­gramme d’ER.

Mar­di 25 juin, sur TF1, le Pre­mier min­istre a indiqué que les travaux avaient déjà com­mencé et il a promis que les 14 nou­veaux réac­teurs seraient prêts en 2035, soit dans seule­ment 11 ans. En réal­ité, les travaux pré­para­toires vien­nent tout juste d’être autorisés pour les deux pre­miers réac­teurs à Pen­ly (Seine-Mar­itime).

Gabriel Attal en vis­ite à Sainte-Luce-sur-Loire (Loire-Atlan­tique) pen­dant la cam­pagne des lég­isla­tives, en juin 2024. © Loïc Venance / AFP

Pas un mot sur les renou­ve­lables

Pas un mot, en revanche, sur les éner­gies renou­ve­lables. Elles sont pour­tant les seules à même de décar­bon­er le mix énergé­tique à court terme, car elles sont bien plus rapi­des à déploy­er que l’énergie nucléaire.

Ces derniers mois, le gou­verne­ment n’a cessé de reculer sur le sujet. Il a notam­ment renon­cé à présen­ter son pro­jet de loi sur l’énergie et le cli­mat cen­sé organ­is­er la pro­duc­tion énergé­tique des prochaines années (notre arti­cle). En atten­dant, la France n’a tou­jours pas atteint les objec­tifs de pro­duc­tion d’énergies renou­ve­lables qui lui étaient fixés par l’Europe pour… 2020.

Logement

Une taxe sur le rachat d’action pour financer la réno­va­tion des loge­ments

Tou­jours en vue de con­tenter les class­es moyennes, ER annonce la créa­tion d’un fonds de réno­va­tion énergé­tique des loge­ments qui sera «financé par une taxe sur les rachats d’actions». Il s’agit d’un impôt sur les entre­pris­es qui rachè­tent leurs pro­pres actions ; cette taxe devait ini­tiale­ment être inté­grée au bud­get 2025. De quoi rat­trap­er la coupe d’un mil­liard d’euros dont a fait l’objet le dis­posi­tif MaPrim­Rénov’ en févri­er dernier ?

Selon les cal­culs du camp prési­den­tiel, 300 000 loge­ments «sup­plé­men­taires» pour­raient ain­si être rénovés d’ici à 2027. Pour rap­pel, le gou­verne­ment a lui-même mis en péril son objec­tif de rénover 200 000 loge­ments par an dès 2024 (con­tre 71 000 en 2023) en réduisant le bud­get alloué à MaPrimeRénov’ d’un mil­liard d’euros.

Climat

On garde le rythme

Renais­sance et ses alliés veu­lent réduire de 55% les émis­sions de gaz à effet de serre d’i­ci à 2030 par rap­port à 1990, soit ce que prévoit déjà la loi européenne sur le cli­mat. Le pro­gramme présen­té par Gabriel Attal mise sur le main­tien du «rythme inédit atteint l’an passé». Comme Vert l’ex­pli­quait, au moins un tiers de cette baisse annuelle de 5,8% est due à des fac­teurs con­jonc­turels, notam­ment la reprise de la pro­duc­tion nucléaire et la réduc­tion du chep­tel bovin.

Environnement

La sup­pres­sion des plas­tiques jeta­bles

Les député·es ER «continueron[t] à lut­ter con­tre le gaspillage et la pol­lu­tion de l’environnement en sup­p­ri­mant pro­gres­sive­ment le plas­tique jetable». Dif­fi­cile ici de savoir ce que le camp prési­den­tiel compte faire de plus que ce que con­tient déjà la loi anti­gaspillage de 2020, qui prévoit la fin des plas­tiques à usage unique pour 2040.

Transports

Les voitures élec­triques, et c’est tout

Point ici de mobil­ités douces ou de trans­ports en com­mun : le pro­gramme d’Ensem­ble mise tout sur les véhicules élec­triques et la réou­ver­ture du leas­ing social — l’accès en loca­tion longue durée à une voiture pour 100 euros par mois. Objec­tif : 100 000 loca­tions par an, alors que 50 000 ménages ont béné­fi­cié d’une mesure sim­i­laire entre jan­vi­er et févri­er 2024. Le gou­verne­ment avait alors rapi­de­ment mis fin au dis­posi­tif, «vic­time de son suc­cès», car les objec­tifs ini­ti­aux avaient été dépassés.

Agriculture

Des prix planch­ers… con­tre lesquels Renais­sance a pour­tant voté

À peine quelques mois après la crise du monde agri­cole, calmée par les promess­es de celui qui était alors le nou­veau chef de file du gou­verne­ment, Gabriel Attal (notre arti­cle), le pro­gramme se con­tente de promet­tre «des prix rémunéra­teurs» grâce à des prix planch­ers garan­tis aux agricul­teurs à par­tir de 2025.

L’idée n’est pas nou­velle : une loi «visant à garan­tir un revenu digne aux agricul­teurs et à accom­pa­g­n­er la tran­si­tion agri­cole» a même été récem­ment adop­tée en pre­mière lec­ture à l’Assemblée à l’initiative du groupe Écol­o­giste. Les député·es Renais­sance s’y étaient alors opposé·es.

Rien ne change sur les retraites

Les retraites des agricul­teurs doivent être reval­orisées «comme nous nous y étions engagés», pré­cise le pro­gramme, promet­tant une prise en compte des 25 meilleures années de revenus à par­tir de 2026. Un cal­cul déjà adop­té dans une loi de 2023.

Un bilan qui con­tred­it les propo­si­tions

À en croire la feuille de route d’Ensemble, les pes­ti­cides devraient dimin­uer de 50% d’i­ci à 2030. Un objec­tif déjà con­tenu dans la nou­velle mou­ture du plan Eco­phy­to, dont les ver­sions précé­dentes ont sys­té­ma­tique­ment échoué à divis­er par deux le recours aux pro­duits «phy­tosan­i­taires». En mai, le gou­verne­ment avait décidé d’adopter un nou­v­el indi­ca­teur de mesure de l’usage des pes­ti­cides qui avait fait scan­dale par­mi les asso­ci­a­tions écol­o­gistes car il per­met d’afficher une baisse arti­fi­cielle alors que les quan­tités épan­dues restent con­stantes.

Territoires

C’est déjà coupé

ER a beau jeu de pour­suiv­re «le sou­tien à l’investissement local pour la tran­si­tion écologique à tra­vers le Fonds vert mis en place en 2023»… après que le gou­verne­ment l’a raboté de 400 mil­lions cette année. Cette enveloppe est des­tinée à accélér­er la tran­si­tion écologique dans les ter­ri­toires.