Du grain à moudre. L’impact de l’agriculture française sur le changement climatique demeure trop lourd, juge le Haut conseil pour le climat, qui appelle à une transition juste pour surmonter les «freins et verrous» du système.
Alors que le monde agricole est en ébullition depuis plusieurs jours (notre article) et que les barrages se multiplient sur les routes françaises, le Haut conseil pour le climat (HCC — un organisme indépendant d’analyse des politiques publiques en matière de climat) vient de publier son dernier rapport sur l’alimentation et l’agriculture à l’aune des enjeux climatiques.
«Le système alimentaire et la production agricole sont en première ligne des défis climatiques», prévient la présidente du HCC, Corinne Le Quéré. Les sécheresses, les vagues de chaleur et les inondations causent de lourds dégâts et réduisent les rendements. Des impacts amenés à s’amplifier avec le dérèglement climatique, et trop peu anticipés par le secteur : «On est encore trop sur une gestion de crise, une adaptation réactive avec un niveau insuffisant de préparation», souligne Corinne Le Quéré.
En parallèle, l’agriculture contribue au réchauffement climatique, puisqu’elle représentait 18% des émissions de gaz à effet de serre de la France en 2021 — dont 59% étaient liées à l’élevage. Pour le HCC, les réductions mesurées (-7,9% entre 2015 et 2021, pour un objectif de ‑22% d’ici à 2030) tiennent davantage des difficultés économiques de la filière (notamment bovine) que des politiques mises en place.
Malheureusement, «la structure et le fonctionnement du système alimentaire freinent l’adoption de pratiques agricoles et alimentaires bas-carbone», constate le HCC, qui déplore notamment une offre alimentaire trop centrée sur les produits transformés et issus des animaux.
En effet, si les agriculteur·rices sont contraints de réduire leurs élevages sans que la consommation de viande ne baisse, cette mesure aura pour effet d’augmenter les importations. Ces «freins et verrous» nécessitent des changements profonds, comme la revalorisation des revenus des agriculteur·rices pour soutenir des pratiques plus vertueuses, la réorientation des aides, le développement de l’agroécologie et de l’agriculture «climato-intelligente» (la sélection de plantes et d’espèces résistantes à la chaleur par exemple).
«Chaque option nécessite des précautions pour ne pas aller dans la maladaptation, comme le recours croissant à l’irrigation massive dans des territoires où les apports en eau sont amenés à diminuer», alerte Corinne Le Quéré.
«En suivant une approche d’ensemble, une réduction de 50% des émissions de gaz à effet de serre du secteur agricole à l’horizon 2050 est réalisable», avancent les auteur·rices du rapport. Un scénario qui passe notamment par «une baisse de la consommation de protéines animales d’au moins 30%, une diminution de la part de l’azote minéral apporté aux cultures de 40 à 100% et un développement de l’agroécologie et de l’agriculture biologique pour atteindre 50% de la surface agricole utilisée».
Une chose est certaine : il est plus qu’urgent d’amorcer la transformation de la filière. «Le statu quo n’est pas une option alors que le réchauffement climatique s’intensifie», avertit Corinne Le Quéré.
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Photo d’illustration : Angelina Litvin/Unsplash