Les raisons de la colère. Depuis des mois, les agriculteurs européens manifestent leur mécontentement. En France, la mobilisation a conduit le gouvernement à reporter la présentation de son projet de loi sur l’installation de nouveaux exploitants agricoles. Qu’est-ce qui ne tourne pas rond ? Explications.
Dans les campagnes françaises, depuis la fin octobre, les panneaux de certaines villes et villages sont retournés. Revendiquée par la FNSEA, le syndicat agricole majoritaire en France, et le mouvement des Jeunes agriculteurs (JA), cette initiative entendait signifier au gouvernement, qu’«on marche sur la tête».
En amont de sa rencontre avec le nouveau Premier ministre Gabriel Attal, ce lundi 22 janvier, Arnaud Rousseau, le président de la FNSEA, a promis que la mobilisation allait se poursuivre toute cette semaine.
Ces derniers jours, les actions ont parfois pris un tour musclé : blocage de l’autoroute A64 ; rassemblements devant des administrations et des ronds-points ; explosion d’un bâtiment (vide) de la Direction régionale de l’environnement à Carcassonne (Aude) jeudi dernier, revendiquée par le Comité d’action viticole, un groupe de vignerons languedociens aux méthodes commando.
Des manifestations similaires agitent l’Allemagne et les Pays-Bas. Outre-Rhin, c’est la fin de l’exonération fiscale de la taxe sur les véhicules agricoles qui a réuni à Berlin des milliers de tracteurs mi-janvier. Côté néerlandais, c’est la crise de l’azote qui a mis le feu aux poudres : à l’été 2022, le gouvernement avait annoncé sa décision de diminuer les émissions de gaz à effet de serre en réclamant la réduction de la taille de certains élevages bovins.
Qu’est-ce qui coince en France ?
Depuis fin novembre, les JA et la FNSEA réclament une «respiration normative» : «Nos moyens de production sont régulièrement amputés avec des interdictions de produits phytosanitaires qui laissent les agriculteurs sans solution, les normes d’élevage deviennent de plus en plus contraignantes […] sans parler des accords de libre-échange que l’Union européenne est prête à ratifier», listait à l’automne Hervé Lapie, le secrétaire général de la FNSEA, dans une interview à La Marne agricole.
À six mois des élections européennes, à quelques semaines de l’ouverture du Salon de l’agriculture, et alors que le ministre de l’Agriculture Marc Fesneau devait présenter cette semaine son projet de loi sur l’installation de nouveaux paysans, le coup de pression semble porter ses fruits. Ce dimanche, le ministre indiquait à RTL que le texte serait présenté dans «quelques semaines», augmenté d’un volet «simplification». Simplification ou détricotage des grandes orientations nécessaires à la transition écologique du secteur agricole ?
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