Réaction atomique. À la stupéfaction générale, le gouvernement a dévoilé la semaine dernière un projet de fusion-dissolution de plusieurs organismes d’expertise et de contrôle du nucléaire. Il vante l’accélération des procédures tandis que certain·es s’inquiètent de la possible mise au pas du secteur.
Pour la concertation, on repassera. La semaine dernière, le gouvernement s’est lancé de manière inattendue dans une grande réforme de la sûreté nucléaire française, prenant de court même les plus initié·es. De ce chantier imprévu, on retient surtout la disparition de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) ou plutôt sa dissolution au sein d’autres entités existantes, en particulier l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN). Les dirigeants des organismes ont douze jours (!) pour soumettre au gouvernement de premières propositions.
Pour justifier son empressement, celui-ci s’est hâté de vanter les bienfaits d’un tel remaniement. Pour commencer, cette réforme conduira, selon lui, « à conforter l’indépendance et les moyens de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) » en augmentant ses effectifs. Aujourd’hui, les 1700 expert·es de l’IRSN dépendent du gouvernement. Demain, elles et ils intégreront une autorité administrative indépendante, dont l’intégrité est garantie par statut. Tout le monde est gagnant. Surtout, la fusion IRSN/ASN permettra d’accélérer la prise de décision par « un pôle unique ». Une célérité plus que souhaitée alors que les nouveaux chantiers vont se multiplier (Vert).
Pourtant, la réforme fait tiquer, et bien au-delà du cercle classique des pourfendeurs de l’atome. Interrogé·es par Contexte, plusieurs expert·es du secteur soulignent que l’IRSN s’est distinguée dans le passé par ses expertises piquantes et plusieurs rapports fameux, sur les dérives du chantier de Flamanville ou le coût d’un accident nucléaire par exemple. Alors qu’elles étaient publiques, ses expertises ne le seront peut-être plus demain.
À l’inverse, l’Autorité de sûreté nucléaire, malgré son indépendance statutaire, a parfois infléchi ses décisions face aux pressions des industriels : en témoigne sa décision d’autoriser en 2017, la cuve du réacteur de Flamanville, tout en s’émouvant des malfaçons. En bref, les deux organismes sont complémentaires et la nécessité de les fusionner n’est jamais apparue comme évidente.
Surtout, la transparence de l’expertise et sa séparation stricte d’avec les activités de contrôle est un héritage de Tchernobyl. À l’époque, la communication et la gestion du «nuage» avait été désastreuse. C’est pour restaurer la confiance du public dans le système de gestion des risques nucléaires que l’écosystème actuel a été progressivement constitué. Difficile aujourd’hui de comprendre l’intérêt de revenir en arrière. Ces derniers jours, le mécontentement s’est exprimé y compris dans les rangs de la majorité. Le parti En Commun !, présidé par l’ancienne ministre de la Transition écologique, Barbara Pompili, a ainsi publié un communiqué salé pour dire tout le bien qu’il pensait de la réforme.