C’est une première historique dans la lutte contre la désinformation climatique. Jeudi, le Conseil d’État a confirmé la sanction adressée par l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) en juillet 2024 à CNews, la chaîne d’informations du milliardaire Vincent Bolloré, pour propos climatosceptiques.
La séquence mise en cause a été diffusée le 8 août 2023, sur le plateau de l’émission «Punchline Été». L’économiste Philippe Herlin, proche soutien du politique d’extrême droite Éric Zemmour et alors partisan d’une liste antitransition énergétique aux élections européennes, y avait partagé sa vision du dérèglement climatique : «Le réchauffement climatique anthropique est un mensonge, une escroquerie. […] Nous expliquer que c’est à cause de l’Homme ça non, ça c’est de l’ordre du complot, et pourquoi ça a autant de poids ? Parce que ça justifie l’intervention de l’État dans notre vie, et ça absout l’État de devoir diminuer ses dépenses publiques. […] C’est une forme de totalitarisme.» Le tout, sans aucune contradiction en plateau, alors que l’origine humaine du réchauffement climatique fait officiellement consensus dans le monde scientifique depuis le rapport de 2021 du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec).
20 000 euros d’amende
Après la diffusion de l’extrait sur les réseaux sociaux, l’association QuotaClimat – qui milite pour une meilleure représentation des enjeux environnementaux dans les médias – avait immédiatement saisi l’Arcom. Entre janvier et octobre 2025, elle a recensé 148 cas de désinformation climatique sur CNews, ce qui fait de la chaîne le principal relais de ce type de discours (notre article). Pour ne pas avoir apporté de contradiction aux propos de Philippe Herlin, CNews a été condamnée en juillet 2024 à une amende de 20 000 euros… avant de faire appel de la décision devant le Conseil d’État.

Jeudi, la plus haute juridiction administrative a rendu sa décision et conforté celle de l’Arcom. Elle rejette les arguments avancés par la chaîne : l’autorité de régulation «n’a pas fait une inexacte application de ses pouvoirs», sa décision n’est «ni disproportionnée, ni porteuse d’une atteinte excessive à la liberté d’expression». La chaîne de Vincent Bolloré devra donc bien payer une amende de 20 000 euros ainsi que 3 000 euros de frais de justice à verser à l’Arcom.
Habituée des sanctions
Dans un post LinkedIn, l’association QuotaClimat se félicite de cette décision qui «marque la fin d’un régime d’impunité face à la diffusion de fausses informations sur le climat dans l’espace médiatique, où la production d’information obéit à des contraintes déontologiques et légales». Elle estime que, par son choix, le Conseil d’État réalise «un pas de géant pour la lutte contre la désinformation climatique».
Il s’agit de la première amende infligée à CNews pour des propos climatosceptiques. Mais la chaîne n’en est pas à sa première sanction de l’Arcom. CNews et C8, autre chaîne du groupe Bolloré qui a cessé d’émettre en mars 2025, totalisent plus de 52 sanctions et demeurent les seules antennes françaises à avoir été condamnées à des amendes pour propos discriminatoires ou incitation à la haine.
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