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Le bassin méditerranéen bout sous un dôme de chaleur

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Un «dôme de chaleur» asso­cié à une masse d’air très chaud s’est blo­qué cette semaine au-dessus du Maghreb, de l’I­tal­ie, de l’Es­pagne, du Por­tu­gal, de la Croat­ie, de la Grèce et du sud est de la France. Les lit­toraux comme la mer sont en sur­chauffe.

Plusieurs records de tem­péra­ture ont été bat­tus mar­di en France — dans les Alpes, les Pyrénées et en Corse. Le record européen, atteint en 2021 dans le sud de l’Italie (48,8 °C), a été frôlé dans la région, où plusieurs pointes à plus de 46°C ont été relevées. Le directeur général de l’Organisation mon­di­ale de la san­té (OMS) a rap­pelé que «les vagues de chaleur mett[ai]ent notre san­té et nos vies en dan­ger». Les ser­vices d’urgence du sud-est de la France sont sur la brèche ; le quo­ti­di­en Libéra­tion s’interroge sur la fin prochaine du tourisme esti­val en Méditer­ranée.

Pour faire très sim­ple : de l’air est empris­on­né dans un anti­cy­clone qui ne bouge pas. «Il faut imag­in­er une bulle d’air chaud, sec, et plutôt sta­tique, avec peu d’évaporation, explique à Vert Christophe Cas­sou, cli­ma­to­logue au Cen­tre nation­al de recherche sci­en­tifique (CNRS) et co-auteur du Groupe d’ex­perts inter­gou­verne­men­tal sur l’évo­lu­tion du cli­mat (Giec). Vers 10 ou 12 kilo­mètres d’altitude, des mou­ve­ments d’air con­ver­gent, ils font pres­sion sur cette bulle d’air dans laque­lle l’air se com­presse et se réchauffe. On peut faire une analo­gie avec une pompe à vélo».

Le dôme de chaleur au dessus de la Méditer­ranée le 18 juil­let 2023 © Météo France

Si l’appellation «dôme de chaleur» est récente, le phénomène est con­nu de longue date sur l’ensemble de la planète. Météo-France souligne que les hautes tem­péra­tures seront de plus en plus fréquentes à l’avenir. La barre sym­bol­ique des 40°C a été franchie 105 fois en France mét­ro­pol­i­taine entre 2000 et 2009, 129 fois entre 2010 et 2019… et déjà 73 fois entre 2020 et 2022.

De manière générale, les phénomènes de fortes chaleurs devi­en­nent plus fréquents, plus intens­es, et plus longs. Plusieurs sont en cours dans l’hémisphère nord, des États-Unis à la Chine. «Ces épisodes de chaleur ne sont pas con­nec­tés, mais con­comi­tants. Ils atteignent sou­vent des records en rai­son d’un réchauf­fe­ment chronique de l’atmosphère dû à l’influence humaine général­isée et crois­sante, explique encore Christophe Cas­sou. Dopés par l’influence humaine, les effets des dômes de chaleur vont devenir plus forts. L’air qui vient actuelle­ment du Sahara sur la Méditer­ranée est, lui aus­si, plus chaud pour la même rai­son», souligne le co-auteur du Giec.

La mer est aussi en surchauffe

Or, lorsqu’un dôme de chaleur sur­plombe une masse d’eau, un autre réchauf­fe­ment se pro­duit en miroir : «on a une réponse qua­si immé­di­ate au niveau des tem­péra­tures de sur­face de la mer», explique à Vert Thibault Guinal­do, océanographe au Cen­tre Nation­al de Recherch­es Météorologiques. «Une aug­men­ta­tion en fréquence et en inten­sité des vagues de chaleur atmo­sphérique provo­quera une aug­men­ta­tion des vagues de chaleur océaniques», lesquelles ont déjà dou­blé à l’échelle du globe depuis les années 80, pour­suit le spé­cial­iste.

Actuelle­ment très chaude, avec d’importantes anom­alies de tem­péra­tures, la Méditer­ranée est en sit­u­a­tion de canicule marine mod­érée (Vert), con­fir­mant que les vagues de chaleur atmo­sphériques «se propa­gent dans l’océan, et ajoutent de la chaleur à un sys­tème qui subit déjà le réchauf­fe­ment cli­ma­tique», pré­cise l’auteur prin­ci­pal d’une étude récente sur le sujet. Pour l’heure, «on ne sait pas encore si les pro­fondeurs sont impactées». L’été dernier, les spé­cial­istes ont mesuré jusqu’à 27°C à plus de quinze mètres de pro­fondeur, avec des con­séquences impor­tantes sur les espèces inca­pables de migr­er.

«On con­nait les actions à met­tre en œuvre pour lim­iter les con­séquences, ajoute Thibault Guinal­do. L’océan se réchauffe parce qu’il absorbe 90% de l’excédent de chaleur du “sys­tème terre”. Donc pour l’océan, qui est le régu­la­teur du cli­mat, c’est sim­ple : il faut couper les émis­sions de gaz à effet de serre. Car, un océan qui se réchauffe, c’est des con­séquences sur la total­ité du globe, y com­pris sur le con­ti­nent».

«Il y a une rela­tion qua­si pro­por­tion­nelle entre la quan­tité de CO2 cumulée dans l’atmosphère et le niveau de réchauf­fe­ment glob­al, ajoute Christophe Cas­sou. Mais le mes­sage impor­tant, c’est que nous avons éval­ué que si on arrê­tait d’émettre des gaz à effet de serre du jour au lende­main, la tem­péra­ture glob­ale — et les événe­ments extrêmes asso­ciés — se sta­bilis­eraient immé­di­ate­ment, en deux ou trois ans, même si le niveau de la mer et la fonte des calottes glaciaires con­tin­ueraient à un rythme plus faible. L’inertie vient de l’inaction de nos sociétés humaines».