Un «dôme de chaleur» associé à une masse d’air très chaud s’est bloqué cette semaine au-dessus du Maghreb, de l’Italie, de l’Espagne, du Portugal, de la Croatie, de la Grèce et du sud est de la France. Les littoraux comme la mer sont en surchauffe.
Plusieurs records de température ont été battus mardi en France – dans les Alpes, les Pyrénées et en Corse. Le record européen, atteint en 2021 dans le sud de l’Italie (48,8 °C), a été frôlé dans la région, où plusieurs pointes à plus de 46°C ont été relevées. Le directeur général de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a rappelé que «les vagues de chaleur mett[ai]ent notre santé et nos vies en danger». Les services d’urgence du sud-est de la France sont sur la brèche ; le quotidien Libération s’interroge sur la fin prochaine du tourisme estival en Méditerranée.
Pour faire très simple : de l’air est emprisonné dans un anticyclone qui ne bouge pas. «Il faut imaginer une bulle d’air chaud, sec, et plutôt statique, avec peu d’évaporation, explique à Vert Christophe Cassou, climatologue au Centre national de recherche scientifique (CNRS) et co-auteur du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec). Vers 10 ou 12 kilomètres d’altitude, des mouvements d’air convergent, ils font pression sur cette bulle d’air dans laquelle l’air se compresse et se réchauffe. On peut faire une analogie avec une pompe à vélo».
Si l’appellation «dôme de chaleur» est récente, le phénomène est connu de longue date sur l’ensemble de la planète. Météo-France souligne que les hautes températures seront de plus en plus fréquentes à l’avenir. La barre symbolique des 40°C a été franchie 105 fois en France métropolitaine entre 2000 et 2009, 129 fois entre 2010 et 2019… et déjà 73 fois entre 2020 et 2022.
De manière générale, les phénomènes de fortes chaleurs deviennent plus fréquents, plus intenses, et plus longs. Plusieurs sont en cours dans l’hémisphère nord, des États-Unis à la Chine. «Ces épisodes de chaleur ne sont pas connectés, mais concomitants. Ils atteignent souvent des records en raison d’un réchauffement chronique de l’atmosphère dû à l’influence humaine généralisée et croissante, explique encore Christophe Cassou. Dopés par l’influence humaine, les effets des dômes de chaleur vont devenir plus forts. L’air qui vient actuellement du Sahara sur la Méditerranée est, lui aussi, plus chaud pour la même raison», souligne le co-auteur du Giec.
La mer est aussi en surchauffe
Or, lorsqu’un dôme de chaleur surplombe une masse d’eau, un autre réchauffement se produit en miroir : «on a une réponse quasi immédiate au niveau des températures de surface de la mer», explique à Vert Thibault Guinaldo, océanographe au Centre National de Recherches Météorologiques. «Une augmentation en fréquence et en intensité des vagues de chaleur atmosphérique provoquera une augmentation des vagues de chaleur océaniques», lesquelles ont déjà doublé à l’échelle du globe depuis les années 80, poursuit le spécialiste.
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Actuellement très chaude, avec d’importantes anomalies de températures, la Méditerranée est en situation de canicule marine modérée (Vert), confirmant que les vagues de chaleur atmosphériques «se propagent dans l’océan, et ajoutent de la chaleur à un système qui subit déjà le réchauffement climatique», précise l’auteur principal d’une étude récente sur le sujet. Pour l’heure, «on ne sait pas encore si les profondeurs sont impactées». L’été dernier, les spécialistes ont mesuré jusqu’à 27°C à plus de quinze mètres de profondeur, avec des conséquences importantes sur les espèces incapables de migrer.
«On connait les actions à mettre en œuvre pour limiter les conséquences, ajoute Thibault Guinaldo. L’océan se réchauffe parce qu’il absorbe 90% de l’excédent de chaleur du “système terre”. Donc pour l’océan, qui est le régulateur du climat, c’est simple : il faut couper les émissions de gaz à effet de serre. Car, un océan qui se réchauffe, c’est des conséquences sur la totalité du globe, y compris sur le continent».
«Il y a une relation quasi proportionnelle entre la quantité de CO2 cumulée dans l’atmosphère et le niveau de réchauffement global, ajoute Christophe Cassou. Mais le message important, c’est que nous avons évalué que si on arrêtait d’émettre des gaz à effet de serre du jour au lendemain, la température globale – et les événements extrêmes associés – se stabiliseraient immédiatement, en deux ou trois ans, même si le niveau de la mer et la fonte des calottes glaciaires continueraient à un rythme plus faible. L’inertie vient de l’inaction de nos sociétés humaines».