Montagne dort. L’annulation de la prolongation de la concession de ce vaste projet de mine d’or en Guyane a été confirmée par le tribunal administratif de Bordeaux ce mercredi. Un recours devant le Conseil d’État est encore possible.
«On est contents de cette victoire ! Le juge dit qu’on arrête le projet de Montagne d’Or parce qu’il y a des enjeux de biodiversité exceptionnels.» Joint par Vert, Nolwenn Rocca, coordinateur de l’association Guyane nature environnement (GNE), à l’initiative de ce combat judiciaire, peut savourer. La cour administrative d’appel de Bordeaux a confirmé ce mercredi que les concessions de la compagnie minière Montagne d’Or, qui porte un gros projet d’extraction à ciel ouvert en Guyane depuis plusieurs années, ne pouvaient pas être prolongées.
Ce projet «présente un risque d’atteintes graves à l’environnement» au regard de la nature «extrêmement polluante» et de «l’importance» de sa dimension industrielle, estime la cour, dont la décision peut encore faire l’objet d’un recours devant le Conseil d’État. «S’il n’y a aucun pourvoi dans les six jours, c’est la fin du projet sur cette zone», espère Nolwenn Rocca.
Montagne d’Or est le plus grand projet d’extraction d’or primaire jamais proposé en France, porté par le consortium russo-canadien Nordgold-Orea mining (ex-Columbus gold).
Depuis plusieurs années, la compagnie envisage d’ouvrir une mine d’or à ciel ouvert d’au moins 2,5 kilomètres de long sur 400 mètres de large et plus d’une centaine de mètres de profondeur, en bordure de la Réserve biologique intégrale de Lucifer Dékou-Dékou, au nord-ouest de la Guyane.
«D’importants enjeux de continuité écologique»
Fin 2020, le tribunal administratif de Cayenne avait annulé une décision du 21 janvier 2019 par laquelle le ministère de l’économie refusait de prolonger deux concessions pour 25 ans, comme demandé depuis 2018 par les promoteurs de Montagne d’Or. Décision que la cour administrative d’appel de Bordeaux avait confirmée à l’été 2021.
Mais en février 2022, le Conseil constitutionnel avait déclaré contraire à la Loi fondamentale française une partie de l’ancien code minier qui permettait de renouveler des concessions sans tenir compte des conséquences environnementales, ouvrant une voie de recours contre le projet controversé en Guyane.
En octobre 2023, le Conseil d’État, saisi par le ministère de l’économie, avait annulé les arrêts de la cour administrative d’appel de Bordeaux de 2021 et renvoyé l’affaire devant cette même cour. «Au regard de ce nouveau cadre juridique», la cour a cette fois examiné les conséquences environnementales des prolongations de concessions demandées par la compagnie minière, concluant à la légalité du refus opposé par l’administration.
Elle relève ainsi que les concessions en question, totalisant environ 40 kilomètres carrés, «sont situées dans la forêt équatoriale de Guyane, qui constitue l’une des écorégions les plus riches du monde en termes de biodiversité» et que la zone présente «d’importants enjeux de continuité écologique».
«C’est vraiment un changement de paradigme sur les documents miniers, se félicite Nolwenn Rocca. La concession a été regardée dans un grand ensemble. Elle est située entre deux massifs forestiers qui constituent une réserve biologique intégrale. Le juge a réfléchi à l’impact global sur la continuité entre ces deux massifs. On espère que ça fera jurisprudence pour les autres projets en cours de prolongation de concessions.»
L’ancien code minier, dans sa version antérieure à la refonte due à la loi Climat et résilience de 2021, permettait que des concessions soient prolongées de droit lorsque les gisements sur lesquels elles portent étaient encore exploités.
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