Devant le Panthéon où sont enterrés « les grands Hommes de la Nation », quelques centaines de lycéen·es et étudiant·es se sont rassemblé·es cet après-midi pour redonner un souffle aux grèves du vendredi pour le climat, initiées en 2018 par la Suédoise Greta Thunberg. Venu·es avec leurs ami·es, parfois avec leurs professeur·es, elles et ils peaufinent leurs pancartes sur le parvis. On peut y lire : « Papa, désolée, je sèche pour la planète » ou encore « Portrait de la jeunesse en feu ». Quelques parents sont venu·es avec leurs jeunes enfants, et sont également présents le syndicat Solidaires, plusieurs organisations écologistes dont Alternatiba Paris, Greenpeace et Sortir du nucléaire, ainsi que le cinéaste Cyril Dion et le candidat des Verts à la présidentielle, Yannick Jadot.
Membre de Youth For Climate et coorganisatrice de la marche, Marie s’enthousiasme auprès de Vert du retour de la grève pour le climat : « Avec le Covid, c’était compliqué de continuer à créer du lien. Ça fait plaisir de se retrouver. » Justice climatique et sociale, opposition à la guerre en Ukraine… Aujourd’hui, pour l’étudiante, les raisons de lutter sont multiples. Marie rappelle aussi que l’un des enjeux du mouvement est de « donner une place aux MAPA (Most Affected People and Areas) — personnes et territoires les plus affectés, NDLR - ceux qui polluent le moins et subissent le plus les effets du réchauffement climatique ».
Parmi ces MAPA : les opposant·es au projet Eacop, venu·es d’Ouganda et de Tanzanie où TotalEnergies espère creuser 400 nouveaux puits de pétrole et construire le plus long pipeline chauffé au monde (notre article). Avant le départ du cortège, des prises de paroles redisent l’importance de la solidarité avec ces activistes, en première ligne du chaos climatique. Celles et ceux-ci subissent arrestations et intimidations dans leur pays pour avoir osé contester ce projet. « Stop Eacop ! », martèle la foule, en soutien.
De passage en France, Hannah et Rieke, Allemandes et futures paysagistes, tiennent à poursuivre la grève à Paris. Hannah est membre d’Extinction Rebellion et milite pour le climat et la justice sociale depuis les débuts du mouvement Fridays For Future. Pour elle, « ce n’est pas logique d’avoir une croissance infinie dans un monde aux ressources finies. Il faut que la politique change les choses. »
Pour Savannah et Étienne, étudiant·es à Science Po Paris, la grève prend d’autant plus de sens à l’approche de la présidentielle. Tou·tes deux sont frustré·es par l’inaction du gouvernement alors que « les solutions existent ». La jeune femme voudrait par exemple « arrêter de fermer les petites lignes de train et investir dans les transports publics pour qu’ils soient accessibles à tous ». La question des mobilités s’est d’ailleurs invitée dans la grève scolaire, avec la publication d’un communiqué commun de Youth For Climate et des syndicalistes Solidaires du groupe RATP. Plusieurs intervenant·es ont affirmé la complémentarité entre la grève pour le climat et celle des employés des transports en commun parisiens le même jour, qui avait pour but de protester contre l’ouverture à la concurrence afin que les transports restent un service public.
Une fois mis en branle, le cortège défile devant les bibliothèques étudiantes, la faculté de Jussieu ou encore le lycée Henri IV, au son de musiques à propos (« I don’t want to go to school ») et de slogans éprouvés mais toujours d’actualité : « La jeunesse emmerde le Front National » ou encore « Il faut changer le système, pas le climat ».
Avant d’arriver sur la place de la Bastille, le cortège fait de brèves haltes pour scander le mot d’ordre de l’ensemble des mouvements de grève pour le climat à travers le monde : « What do we want ? Climate justice ! When do we want it ? Now ! » (« Que voulons-nous ? La justice climatique ! Quand la voulons-nous ? Maintenant ! »). La fin du défilé laisse la parole à des personnes impliquées dans plusieurs luttes locales, dont les défenseur·es des jardins ouvriers d’Aubervilliers (Seine-Saint-Denis). Ceux-ci devaient être rasés pour laisser la place à un solarium, mais les opposant·es à ce projet ont obtenu gain de cause après une action en justice.
En classe de terminale, Leïla et Emy auront participé à leur première grève pour le climat. Elles peuvent compter sur le soutien de leur professeur de maths, qui les a sensibilisées à l’écologie. Elles en sont sûres, Leïla et ses amies reviendront pour la prochaine grève : « C’est notre futur, on est obligées. »
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