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« La planète sèche et nous, on trinque » : les lycéens et étudiants français renouent avec la grève mondiale pour le climat

Fondé par Greta Thunberg, le mouvement Fridays For Future a appelé à une grève mondiale pour le climat vendredi 25 mars. En France, où une cinquantaine de rassemblements étaient organisés par la branche française de Youth For Climate, voilà maintenant plus de trois ans que des jeunes militant·es descendent dans la rue pour exiger une vraie prise en compte des enjeux climatiques par les dirigeant·es de leur pays. Reportage dans le cortège parisien.
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Devant le Pan­théon où sont enter­rés « les grands Hommes de la Nation », quelques cen­taines de lycéen·es et étudiant·es se sont rassemblé·es cet après-midi pour redonner un souf­fle aux grèves du ven­dre­di pour le cli­mat, ini­tiées en 2018 par la Sué­doise Gre­ta Thun­berg. Venu·es avec leurs ami·es, par­fois avec leurs professeur·es, elles et ils peaufinent leurs pan­car­tes sur le parvis. On peut y lire : « Papa, désolée, je sèche pour la planète » ou encore « Por­trait de la jeunesse en feu ». Quelques par­ents sont venu·es avec leurs jeunes enfants, et sont égale­ment présents le syn­di­cat Sol­idaires, plusieurs organ­i­sa­tions écol­o­gistes dont Alter­nat­i­ba Paris, Green­peace et Sor­tir du nucléaire, ain­si que le cinéaste Cyril Dion et le can­di­dat des Verts à la prési­den­tielle, Yan­nick Jadot.

« On a com­mencé à militer en 2018, on était mineurs, et depuis trois ans, rien n’a changé. La jeunesse est de plus en plus méprisée. » Marie, devant le Pan­théon. © Mathilde Picard / Vert

Mem­bre de Youth For Cli­mate et coor­gan­isatrice de la marche, Marie s’enthousiasme auprès de Vert du retour de la grève pour le cli­mat : « Avec le Covid, c’était com­pliqué de con­tin­uer à créer du lien. Ça fait plaisir de se retrou­ver. » Jus­tice cli­ma­tique et sociale, oppo­si­tion à la guerre en Ukraine… Aujourd’hui, pour l’étudiante, les raisons de lut­ter sont mul­ti­ples. Marie rap­pelle aus­si que l’un des enjeux du mou­ve­ment est de « don­ner une place aux MAPA (Most Affect­ed Peo­ple and Areas) — per­son­nes et ter­ri­toires les plus affec­tés, NDLR - ceux qui pol­lu­ent le moins et subis­sent le plus les effets du réchauf­fe­ment cli­ma­tique ».

© Mathilde Picard / Vert

Par­mi ces MAPA : les opposant·es au pro­jet Eacop, venu·es d’Ougan­da et de Tan­zanie où Total­En­er­gies espère creuser 400 nou­veaux puits de pét­role et con­stru­ire le plus long pipeline chauf­fé au monde (notre arti­cle). Avant le départ du cortège, des pris­es de paroles redis­ent l’importance de la sol­i­dar­ité avec ces activistes, en pre­mière ligne du chaos cli­ma­tique. Celles et ceux-ci subis­sent arresta­tions et intim­i­da­tions dans leur pays pour avoir osé con­tester ce pro­jet. « Stop Eacop ! », martèle la foule, en sou­tien.

De pas­sage en France, Han­nah et Rieke, Alle­man­des et futures paysag­istes, tien­nent à pour­suiv­re la grève à Paris. Han­nah est mem­bre d’Extinction Rebel­lion et milite pour le cli­mat et la jus­tice sociale depuis les débuts du mou­ve­ment Fri­days For Future. Pour elle, « ce n’est pas logique d’avoir une crois­sance infinie dans un monde aux ressources finies. Il faut que la poli­tique change les choses»

Pour Savan­nah et Éti­enne, étudiant·es à Sci­ence Po Paris, la grève prend d’autant plus de sens à l’approche de la prési­den­tielle. Tou·tes deux sont frustré·es par l’inaction du gou­verne­ment alors que « les solu­tions exis­tent ». La jeune femme voudrait par exem­ple « arrêter de fer­mer les petites lignes de train et inve­stir dans les trans­ports publics pour qu’ils soient acces­si­bles à tous ». La ques­tion des mobil­ités s’est d’ailleurs invitée dans la grève sco­laire, avec la pub­li­ca­tion d’un com­mu­niqué com­mun de Youth For Cli­mate et des syn­di­cal­istes Sol­idaires du groupe RATP. Plusieurs intervenant·es ont affir­mé la com­plé­men­tar­ité entre la grève pour le cli­mat et celle des employés des trans­ports en com­mun parisiens le même jour, qui avait pour but de pro­test­er con­tre l’ouverture à la con­cur­rence afin que les trans­ports restent un ser­vice pub­lic.

Savan­nah et Éti­enne atten­dent « des poli­tiques autre chose que du green­wash­ing ». © Mathilde Picard / Vert

Une fois mis en bran­le, le cortège défile devant les bib­lio­thèques étu­di­antes, la fac­ulté de Jussieu ou encore le lycée Hen­ri IV, au son de musiques à pro­pos (« I don’t want to go to school ») et de slo­gans éprou­vés mais tou­jours d’actualité : « La jeunesse emmerde le Front Nation­al » ou encore « Il faut chang­er le sys­tème, pas le cli­mat ».

© Mathilde Picard / Vert

Avant d’arriver sur la place de la Bastille, le cortège fait de brèves haltes pour scan­der le mot d’ordre de l’ensemble des mou­ve­ments de grève pour le cli­mat à tra­vers le monde : « What do we want ? Cli­mate jus­tice ! When do we want it ? Now ! » (« Que voulons-nous ? La jus­tice cli­ma­tique ! Quand la voulons-nous ? Main­tenant ! »). La fin du défilé laisse la parole à des per­son­nes impliquées dans plusieurs luttes locales, dont les défenseur·es des jardins ouvri­ers d’Aubervilliers (Seine-Saint-Denis). Ceux-ci devaient être rasés pour laiss­er la place à un solar­i­um, mais les opposant·es à ce pro­jet ont obtenu gain de cause après une action en jus­tice.

Katell, Ari­ane, Matthieu et Joseph étu­di­ent en licence “Fron­tières du vivant” à l’université Paris-Descartes. Trois ans après les pre­mières grèves pour le cli­mat, elles et ils sont de retour dans la rue. Pour Katell, « il y a moins de monde qu’avant la pandémie, mais c’est beau de se retrou­ver et de voir autant de jeunes con­cernés » © Mathilde Picard / Vert

En classe de ter­mi­nale, Leïla et Emy auront par­ticipé à leur pre­mière grève pour le cli­mat. Elles peu­vent compter sur le sou­tien de leur pro­fesseur de maths, qui les a sen­si­bil­isées à l’écologie. Elles en sont sûres, Leïla et ses amies revien­dront pour la prochaine grève : « C’est notre futur, on est oblig­ées. »