Décryptage

La France a‑t-elle vraiment rénové 650 000 logements en 2021, comme le prétend Emmanuel Macron ?

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Came isole. Jeu­di dernier, lors de la présen­ta­tion de son pro­gramme pour la prési­den­tielle de 2022, Emmanuel Macron a annon­cé que 650 000 loge­ments avaient été rénovés en 2021. Un chiffre exagéré, qui mélange des travaux de main­te­nance et d’entretien avec des travaux d’isolation réelle­ment per­for­mants, selon certain·es professionnel·les du secteur.

D’après l’A­gence nationale de l’habi­tat (Anah), sur les 644 073 primes accordées pour rénover son loge­ment en 2021, 68 % cor­re­spon­dent à un change­ment du sys­tème de chauffage, 26 % à un suivi de l’isolation, et 3 % à des travaux de ven­ti­la­tion. « Pour le gou­verne­ment, qual­i­fi­er le change­ment de fenêtre ou de chaudière de réno­va­tion énergé­tique fait aug­menter les chiffres. Mais ces “gestes de travaux” ne relèvent pas d’une réno­va­tion con­forme à l’objectif de per­for­mance à 2050 [au niveau des bâti­ments basse con­som­ma­tion (BBC) — dont la con­som­ma­tion énergé­tique doit être inférieure de 80 % à la con­som­ma­tion nor­male règle­men­taire, NDLR] », note Vin­cent Legrand, directeur de Doré­mi, une entre­prise de l’économie sociale et sol­idaire désireuse de sor­tir les Français·es de la pré­car­ité énergé­tique.

Selon un rap­port de l’Agence de la tran­si­tion écologique (Ademe) de jan­vi­er 2021, bap­tisé « Réno­va­tion per­for­mante par étapes », ces travaux devront être com­plétés d’i­ci à 2050 pour véri­ta­ble­ment col­mater le flux de chaleur. « L’enquête sur les travaux de réno­va­tion énergé­tique des maisons indi­vidu­elles menée en 2018 par l’Ademe mon­trait que 75 % des travaux con­sid­érés comme des « réno­va­tions énergé­tiques » ne con­dui­saient pas à un seul saut de classe énergé­tique [le pas­sage à la classe supérieure dans le diag­nos­tic de per­for­mance énergé­tique – DPE, NDLR]. Ces résul­tats ont été jugés si calami­teux que l’enquête suiv­ante, en 2021, n’a curieuse­ment pas été amenée à repren­dre cette analyse, pour­tant fon­da­men­tale… », explique encore Vin­cent Legrand.

Le rythme et l’am­pleur des réno­va­tions req­uis pour attein­dre la neu­tral­ité car­bone en 2050, selon le Plan de trans­for­ma­tion de l’é­conomie française pro­posé par le think tank The shift project.

Pour rénover effi­cace­ment son loge­ment et attein­dre une bonne per­for­mance énergé­tique, « il faut assur­er la con­ti­nu­ité entre la menuis­erie et l’isolation, entre l’isolation des murs et la toi­ture, entre l’enveloppe du bâti­ment et la chaudière », pré­cise le pro­fes­sion­nel. Pour lui, seuls 40 000 loge­ments ont été rénovés de manière per­for­mante en 2021 au niveau BBC. Il s’agit en grande majorité des loge­ments col­lec­tifs, avec moins de 5 000 réno­va­tions per­for­mantes en maisons (d’après l’étude Perf In Mind de jan­vi­er 2022).

Jeu­di dernier, Emmanuel Macron l’a promis : « L’objectif est de rénover au moins 700 000 loge­ments par an » au cours du prochain quin­quen­nat. Voilà qui tombe bien, pour attein­dre la neu­tral­ité car­bone (soit l’équili­bre entre le CO2 que nous émet­tons et celui qui peut être absorbé) en 2050, il faudrait rénover, chaque année, entre 700 000 et 800 000 loge­ments aux normes BBC (notre arti­cle). Mais le can­di­dat compte-t-il les réno­va­tions de manière aus­si légère que le prési­dent ?