Calottes râpées. Le courant océanique circumpolaire antarctique pourrait perdre en intensité à cause de la fonte des glaces de l’Antarctique, révèle une nouvelle étude. Au risque d’accentuer la variabilité du climat.
Les calottes glaciaires fondent à vue d’œil, les scientifiques l’ont démontré à maintes reprises. Ce que l’on ne savait pas encore, c’est que lorsque celle de l’Antarctique se désagrège, elle relargue de l’eau douce qui risque de modifier le courant le plus important de la planète : le courant circumpolaire antarctique – les courants marins sont des mouvements continus de l’eau dirigés par la gravité, le vent et la densité de l’eau.
Celui-ci est cinq fois plus puissant que le célèbre Gulf Stream, ce courant de l’Atlantique qui régule les températures de la planète, et cent fois plus que le fleuve Amazone. Il joue un rôle indispensable dans la régulation du climat : il déplace d’immenses colonnes d’eau à travers tous les océans et les connecte entre eux en agissant comme un «tapis roulant océanique», explique Bishakhdatta Gayen, scientifique à l’université de Melbourne et coauteur de l’étude parue sur le sujet ce lundi dans la revue scientifique Environmental research letters.
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Avec ses collègues, il a utilisé l’un des superordinateurs les plus performants d’Australie pour modéliser la façon dont la fonte des calottes glaciaires pourrait modifier le courant circumpolaire antarctique. Cette dernière «déverserait de grandes quantités d’eau douce» dans le courant, ce qui changerait la teneur en sel de l’océan et rendrait plus difficile la circulation de l’eau froide entre la surface et les profondeurs.
Or, les eaux plus froides peuvent absorber de plus grandes quantités de chaleur de l’atmosphère. «L’océan est extrêmement complexe et finement équilibré», souligne Bishakhdatta Gayen. Si ce moteur actuel tombe en panne, les conséquences pourraient être graves, notamment une plus grande variabilité du climat, avec des extrêmes plus marqués dans certaines régions, et un réchauffement planétaire accéléré en raison d’une réduction de la capacité de l’océan à agir en tant que puits de carbone.»
Le courant pourrait ralentir de 20%
Si les émissions de combustibles fossiles augmentent d’ici à 2050, le courant pourrait ralentir d’environ 20%, selon les résultats de cette analyse.
Les algues telles que le varech méridional et les mollusques pourraient plus facilement coloniser l’Antarctique, ce qui perturberait les équilibres alimentaires, détaillent les chercheurs. La biodiversité risquerait alors de diminuer, ainsi que la productivité des pêcheries dont dépendent de nombreuses communautés côtières.
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Même dans le cas où le réchauffement climatique serait limité à un seuil de 1,5 degré, le courant antarctique pourrait ralentir. «De nombreux scientifiques s’accordent à dire que nous avons déjà dépassé cet objectif de 1,5°C [fixé par l’accord de Paris en 2015, NDLR], indique le climatologue et co-auteur de l’étude Taimoor Sohail, et il est probable qu’il fasse plus chaud, avec des impacts sur la fonte des glaces de l’Antarctique.»
L’équipe de recherche, composée de chercheurs australiens, indiens et norvégiens, a noté que ses résultats contrastaient avec ceux d’études antérieures qui avaient observé une accélération du courant. Ils rappellent que cette dernière ne s’est pas encore concrétisée, puisque le courant demeure stable pour le moment. Ils préconisent de réaliser des observations et modélisations supplémentaires pour mieux comprendre comment cette «région mal observée» réagit au changement climatique.
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