Risques et Perry. Ce lundi après-midi, au Texas (États-Unis), la chanteuse américaine Katy Perry s’est envolée dans une fusée Blue Origin – l’entreprise du patron d’Amazon Jeff Bezos – pour une excursion de onze minutes dans l’espace. Un voyage censé rendre «fière sa fille», mais au lourd bilan environnemental.
À Corn Ranch, à l’ouest du Texas, Katy Perry a décollé vers 15 heures à bord de la fusée New Shepard en direction du cosmos. La star planétaire était accompagnée de cinq autres célébrités – dont l’épouse de Jeff Bezos – pour ce qui était le onzième vol habité opéré par Blue Origin. Sur son compte Instagram, fin février, Katy Perry s’était dite «plus que jamais motivée pour être un exemple pour [sa] fille Daisy, lui montrer que les femmes doivent occuper l’espace». Un discours féministe qui cache le lourd impact environnemental d’un voyage réservé aux ultra-riches ?

La fusée a emmené l’équipage à environ 100 kilomètres d’altitude, à la frontière entre l’atmosphère terrestre et l’espace. Pendant un court instant, les six passagères ont pu détacher leur ceinture de sécurité pour flotter en apesanteur, avant de redescendre immédiatement vers la Terre et d’atterrir doucement à l’aide de gros parachutes.
L’entreprise de Jeff Bezos jure œuvrer «pour le bien de la Terre». Comme l’explique France info, la fusée utilisée n’émet pas directement de gaz à effet de serre : elle utilise deux carburants, de l’oxygène et de l’hydrogène liquide, qui ne relâchent pas de CO2 lors du vol. Mais l’hydrogène en question doit bel et bien être produit, et c’est généralement cette étape qui pose problème.
«Il existe deux méthodes pour produire de l’hydrogène : soit en utilisant du pétrole, soit en utilisant de l’électricité», explique à Vert Emmanuelle Rio, enseignante-chercheuse en physique à l’Université Paris-Saclay et co-autrice d’un article publié en 2020 sur le sujet. Sachant qu’aux États-Unis l’électricité est principalement produite à partir d’énergies fossiles (elle repose peu sur l’énergie nucléaire, contrairement à la France), on peut être assuré que «la production de ce gaz a généré du CO2 en amont du vol.»
15,5 tonnes de CO2 par personne pour onze minutes de vol
Le site dédié au «développement durable» TreeHugger a estimé à 24 tonnes la quantité de carburant nécessaire pour lancer la fusée. Il en déduit que la quantité de CO2 émise à chaque lancement s’élève à 93 tonnes. Si l’on divise ce total par le nombre de passagères dans la capsule ce lundi – c’est-à-dire six –, chacune d’entre elles serait responsable de l’émission de 15,5 tonnes de CO2. Soit l’équivalent de ce qu’émet un·e Français·e en… un an et demi.
«Ces vols spatiaux sont un accaparement des richesses par quelques-uns, dénonce Emmanuelle Rio. Je ne parle pas d’argent, mais de richesse environnementale.» Au coût environnemental de la production d’hydrogène, rappelle-t-elle, il faut ajouter celui de la construction de la fusée et des infrastructures qui l’entourent. Des coûts «non-négligeables», d’après la chercheuse, qui évoque entre autres les conséquences de la bétonisation du site. D’après un travail de Lucas Chancel dont s’est fait l’écho Libération en 2021, la somme des émissions «directes» et «indirectes» de ces vols pousserait le bilan à 429 tonnes de CO2 par passager·e. Ce qui équivaut à ce qu’un·e Français·e émet en 43 ans.
Au retour de son voyage cosmique, Katy Perry a confié : «Aller dans l’espace, c’était incroyable. […] Mais le plus important, ce n’est pas moi. C’est de créer de l’espace [sic] pour les prochaines femmes.» En réponse à cet argument, Emmanuelle Rio rappelle : «Les femmes ont toute leur place dans la construction d’un monde qui ne court pas à sa perte. Et ce n’est pas parce que l’on est une femme que l’on a le droit de dégrader l’environnement.»
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