«Le gouvernement n’a pas compris l’urgence d’agir», déplore auprès de Vert Zoé Lavocat, coordinatrice de la campagne «Aires marines protégées» de l’association de protection de l’océan Bloom. À trois mois de la Conférence des Nations unies sur l’Océan (UNOC-3), qui se tiendra à Nice (Alpes-Maritimes) en juin prochain, les collectifs de défense de l’environnement dénoncent les trop faibles ambitions de la France. Emmanuel Macron présentera ses positions précises sur la protection des océans dimanche 30 mars et lundi 31 mars, au sommet SOS Océan à Paris.
Les associations lui demandent de défendre la fin totale de la pêche au chalut de fond dans les aires marines protégées. Cette technique qui consiste à racler les profondeurs marines à l’aide d’immenses filets n’est pas sélective, car elle rafle tous les poissons sur son passage, y compris les juvéniles, qui ne se sont pas encore reproduits. Alors, les espèces ne peuvent pas se renouveler.
Bloom a lancé une pétition pour interpeller le président de la République à ce sujet et, lundi dernier, des militant·es écologistes se sont rendues dans des supermarchés à Rennes, Clermont-Ferrand, Montpellier et six autres villes pour sensibiliser les consommateur·ices à la question des aires marines protégées.
Elles et ils ont communiqué une liste rouge des navires concernés aux acteurs de la grande distribution. Leur intention ? Demander à Carrefour, E.Leclerc et consorts de s’assurer qu’elles ne s’approvisionnent pas via ces chalutiers.

Dans un rapport qui vient de paraître, Bloom et des chercheur·ses de l’Institut Agro et du Muséum national d’histoire naturelle montrent qu’il est possible de mettre un terme à cette pratique de pêche. Selon cette étude, 85% des volumes de poissons capturés ainsi pourraient être pêchés par des lignes, casiers et filets ; et, dans 30% des cas, cette transition serait opérable facilement en transférant des quotas de pêche des grands chalutiers aux pêcheurs artisanaux.
Les scientifiques détaillent également l’impact environnemental de cette méthode et soulignent la nécessité d’y mettre un terme. Elles et ils indiquent que le chalutage de fond est responsable de 90% de la destruction des habitats des fonds marins. Les stocks capturés par les chaluts constituent 88% des ressources surexploitées, toujours selon Bloom. Or, cette pratique continue d’être autorisée, y compris dans les aires marines protégées – contrairement à ce que leur nom laisse penser. La plus «chalutée» d’Europe se trouve d’ailleurs en France, le long du talus du golfe de Gascogne.
La ministre de la transition écologique, Agnès Pannier-Runacher, prône une interdiction «au cas par cas» et non systématique du chalutage de fond dans les aires marines protégées. Pour Zoé Lavocat, «quand on connaît les impacts du chalutage de fond sur les écosystèmes, on ne peut pas proposer une solution parcellaire qui hiérarchise des espaces vulnérables déjà détruits».
Seulement 1,6% des eaux françaises bénéficient d’une protection haute ou intégrale, selon une analyse publiée dans la revue Marine Policy en 2021. Pourtant, dans un rapport en 2019, confirmé en 2020, l’Union internationale pour la conservation de la nature (IUCN) indiquait qu’une aire marine protégée n’était efficace qu’à la condition de ne subir aucune infrastructure ni activité industrielle, y compris celle de pêche au chalut par des navires de plus de douze mètres.
Une technique de pêche peu rentable
En plus de causer des dommages environnementaux, le chalutage de fond est peu rentable économiquement, comme l’indique un rapport publié mardi par le programme Pristine seas du National Geographic, destiné à documenter et protéger les océans.
L’étude montre que cette pratique coûte entre 330 millions et 11 milliards d’euros chaque année à l’Europe. Grande émettrice de CO2, cette technique libère le carbone stocké dans les sédiments (ces particules en suspension qui se déposent en couche au fond de la mer) en raclant les fonds marins, et accentue les dégâts du réchauffement climatique. Ces derniers, additionnés aux coûts d’exploitation et aux subventions dont bénéficie la pêche, représentent un coût total supérieur à celui des bénéfices (emplois, revenus de la pêche, produits finis).
Des conclusions corroborées par le rapport de Bloom, qui précise que «les chalutiers captent 70% des subventions publiques, soit 135 millions d’euros d’aides en moyenne par an». Ce sont des flottes moins rentables par kilogramme pêché et par euro de capital investi, par rapport aux arts dormants, c’est-à-dire la pêche à la ligne et au casier.
Des mobilisations dans toute la France
Afin d’interpeller le gouvernement sur une interdiction du chalutage plus stricte et protectrice, Bloom participe, avec 60 ONG et personnalités, à une coalition citoyenne sur la protection de l’océan en parallèle du sommet SOS Océan. Une affiche de sensibilisation sur les aires marines protégées a été installée dans la station de métro Trocadéro, qui permet de se rendre à l’évènement.
D’autres associations internationales comme Seas at risk, Oceana, Earthecho international, Rise up ou encore The Transform bottom trawling coalition mobilisent le grand public pour demander l’interdiction du chalutage en amont du sommet. «La France possède le deuxième espace maritime mondial, insiste Zoé Lavocat, si elle protégeait réellement ses eaux et ses aires marines protégées, cela aurait un impact concret sur la santé des océans».
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