Entretien

Guiz, ex-chanteur de Tryo, sort son premier album solo : «Dans chacun de mes projets, il y a toujours une dose d’écologie»

À ta Guiz. Son nouveau disque, «Utopia», sort ce vendredi 11 avril. Depuis sa terre d’exil en Bretagne, l’ancien chanteur de Tryo a accepté de causer à Vert de lui, de musique et d’écologie. Des sujets intimement liés.
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Guizmo, le chanteur de Tryo et auteur de leur chanson phare L’hymne de nos campagnes, devient Guiz, pour son premier album solo. Après les derniers concerts du groupe à l’été 2023, il s’est exilé dans sa maison de Québriac (Ille-et-Vilaine) pour créer. Utopia sort ce 11 avril, et on y parle d’écologie. Après la parution d’un premier titre en novembre, le second a été dévoilé en janvier et s’intitule Bye bye – l’histoire d’une terre qui regarde d’un œil désabusé l’humanité courir à sa perte. L’écologie a traversé les 25 ans de carrière d’un chanteur qui a mis avant les autres ce sujet sur le devant de la scène artistique. Pour Vert, il revient sur son parcours, et sur les racines de son engagement.

Qu’est devenu le Guizmo de «L’Hymne de nos campagnes» ?

Je suis à la campagne justement, je me suis exilé de la région parisienne ! J’ai une vie rurale à Québriac, je suis actuellement dans ma maison en terre et en pierre. J’anime un stage d’écriture toute la semaine, La Plume en chanson, avec une dizaine de stagiaires. L’idée est de faire de la création commune, d’apprendre des techniques d’écriture, de mettre en musique des chansons… Je suis en pleine intensité créative en ce moment !

Guiz présente son premier album solo, et l’écologie n’est jamais loin. © Evarly

C’est là aussi qu’est né ce projet de premier album solo ? Comment le définiriez-vous ?

L’album a été enregistré ici, à domicile, au studio de la chouette – un lieu rénové dans une vieille ferme que j’avais achetée aux tout débuts de Tryo. Le groupe s’est arrêté à l’été 2023 : après les festivals, on a décidé de marquer une grande pause… pour partir vers d’autres horizons, pour aller explorer d’autres univers, d’autres manières de faire de la musique.

J’ai appelé cet album Utopia, ça résume l’idée de ce disque : même dans une période pessimiste, il faut garder de l’optimisme, continuer à véhiculer de bonnes valeurs, penser à notre environnement. Dans chaque album que j’ai pu faire avec Tryo, il y a toujours une dose d’écologie et d’envie de bien faire pour notre planète.

Aviez-vous conscience d’être un porte-étendard de cette cause à la grande époque de Tryo ?

Sincèrement, non. En tout cas, pas au tout début. C’est venu après. On s’est vite rendu compte de la puissance du morceau L’Hymne de nos campagnes – il nous a un peu dépassés, ce titre. C’est lui qui a vraiment lancé l’aventure Tryo. Ensuite, on s’est rapprochés d’assos, on a essayé de comprendre un peu mieux le monde dans lequel on vivait, et ce qu’on pouvait faire, à notre échelle, pour améliorer les choses. On a bossé avec Greenpeace, installé des stands sur les concerts, mis des bulletins d’adhésion dans les albums… On a même fait notre bilan carbone sur une tournée d’une quarantaine de dates. On a compté l’eau utilisée dans les salles, l’électricité, le gasoil dans les bus… tout ce qu’une tournée peut impliquer, en fait.

© 2024 Salut Ô Productions

Après ça, on a essayé d’améliorer plein de petites choses au fil des tournées. À l’époque, le plastique, c’était vraiment un gros sujet. Alors on a commencé à venir avec nos propres gobelets, nos laveuses… On allait jusqu’aux zéniths pour montrer qu’on pouvait laver les gobelets au lieu de balancer du plastique à usage unique. Avec Tryo, on a lancé pas mal d’initiatives dans ce sens, pour faire évoluer les pratiques dans notre milieu – qui, il faut le dire, est quand même super polluant. On a aussi encouragé le covoiturage : ceux qui venaient ensemble avaient droit à une place gratuite. C’étaient des petites actions, pour amorcer une prise de conscience collective, faire bouger les choses… mais toujours sans culpabiliser personne.

Je ne suis pas dans le même état d’esprit que Frah, de Shaka Ponk, à dire : «J’arrête la musique, j’arrête les tournées, parce que je pollue.» J’essaie juste de faire au mieux, avec les moyens que j’ai. La musique, c’est ma vie. Aller à des concerts, c’est ce qui me fait du bien, c’est mon moment à moi, un vrai temps de qualité, pas juste de la consommation débile. Du coup, je prends un peu de recul par rapport à ce discours-là – même si j’adore Frah, et que je soutiens à fond son combat pour l’écologie, pour la libération de Paul Watson. Mais ouais, j’ai envie de les revoir sur scène, c’est aussi pour ça que je dis ça !

Vous avez grandi à Cachan (Val-de-Marne) dans une cité HLM, un paysage très urbain. D’où viennent les fondements de votre amour pour la nature et de cet engagement écolo ?

Je vivais chez mon père qui était enseignant en banlieue, à Cachan ; ma mère vivait en Bretagne, en campagne. Je me suis nourri de ma banlieue, j’y ai rencontré plein de gens, je m’y suis cultivé, j’y ai fait de la musique… Et puis j’avais aussi la campagne, de l’air pur, de la contemplation, des choses simples que nous offrent la nature et le monde rural.

Cette conscience est aussi venue de ma mère qui était déjà beaucoup là-dedans, qui avait son jardin, votait écolo. J’ai eu une famille très politisée, mon père était de gauche aussi, ça faisait partie des discussions. Et puis, il y a eu une rencontre avec une bénévole de Greenpeace, à Rennes, qui cherchait des adhésions dans les rues, dans les débuts où je faisais de la musique. J’ai découvert cette ONG et je me suis intéressé aux problèmes liés à l’écologie, ça m’a vite parlé.

Guiz est devenu un «relais artistique» de l’ONG Sea Shepherd. © Sea Shepherd France

Pourquoi avoir choisi de vous engager pour Sea Shepherd ? Et quel est votre rôle dans l’organisation ?

J’ai découvert Sea Shepherd dans les médias. À l’époque, Nulle Part Ailleurs avait fait un sujet sur Paul Watson, et le personnage m’avait vraiment marqué. Puis, une quinzaine d’années plus tard, on a bossé avec un techos’ qui connaissait des membres de Sea Shepherd, surtout en Bretagne. Ça m’a donné envie de creuser un peu, de mieux comprendre leur action… Et, de fil en aiguille, je suis devenu membre d’honneur. Aujourd’hui, je fais beaucoup le lien entre le monde artistique et l’asso, avec pour objectif de récolter des fonds pour que leurs actions continuent. J’utilise le fait d’avoir un micro pour faire passer le message, pour relayer ce qu’ils font. Je me vois un peu comme un relais artistique. Et, quand je peux, je file un coup de main pour des petits nettoyages de plage avec les copains.

Si une chanson de Tryo devait résumer votre engagement ?

L’hymne de nos campagnes, c’est celle qu’on connaît le plus, mais il y en a plein d’autres. Le morceau Watson résume aussi très bien la situation, il a d’ailleurs été rediffusé pendant son incarcération au Groenland ; Tomber mal parle de la déforestation… Il y a Greenwashing, aussi : on est en plein dedans là, plus que jamais. On parle de la taxe carbone, mais on ne parle jamais de biodiversité, de choses concrètes. Dans chaque album de Tryo, on trouve une chanson qui parle de cette idée fondamentale : prendre soin de là où on vit, la planète, tout simplement. (En riant) J’ai dû trop écouter Cyril Dion je pense !

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