Désordres de grandeur

En France, moins de surfaces agricoles et toujours plus d’irrigation alors que les sécheresses se multiplient

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Les données du dernier recensement agricole révèlent que la part des terres irriguées a crû de 14% en dix ans, alors que la surface agricole a diminué dans le même temps, selon une analyse effectuée par la fédération France nature environnement.

Tous les dix ans, les directions régionales de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt (DRAAF) effectuent un recensement agricole sur leur territoire. Mené dans chaque département de France métropolitaine et d’outre-mer, il rassemble diverses données, sur le profil social des exploitant·es agricoles ou sur la répartition des terres. France nature environnement (FNE) a passé au crible les informations au sujet de l’irrigation. Le réseau d’associations tire la sonnette d’alarme face à une situation jugée « préoccupante ».

Entre 2010 et 2020, la surface agricole irriguée a augmenté d’environ 14% ; une hausse particulièrement forte dans un contexte où les épisodes de sécheresse se multiplient, et alors que l’agriculture capte 45% de l’eau consommée chaque année en France.

En parallèle, la surface agricole utile (SAU) a diminué de 3,46% sur la même période. Pour Alexis Guilpart, coordinateur du réseau « Eau et milieux aquatiques » de FNE, une analyse fine par filière et par territoire serait nécessaire pour expliquer avec précision cette hausse paradoxale. Mais de manière générale, « il y a un recours à l’irrigation plus courant, notamment pour des cultures qui se contentaient de l’eau de pluie jusqu’ici, pour maintenir ou assurer les rendements face à des conditions climatiques bouleversées ». Pas de changement notable dans les types de cultures choisies ou les technologies utilisées, confirme-t-il à Vert. Mais un climat plus rude et des terres moins perméables – conséquence de l’agriculture industrielle.

Alors que les céréales restent les cultures les plus irriguées en France, deux types de plantations connaissance une forte évolution : FNE compte 43% de surfaces d’oléagineux (qui servent à faire de l’huile, comme le colza ou le tournesol) irriguées en plus ; +32% pour les praires. « Toutes les irrigations ne se font pas au même moment et ne se valent pas », argue Alexis Guilpart. « Alors que le maïs s’arrose au cœur de l’été et utilise l’intégralité de l’eau, l’irrigation des prairies est printanière et l’eau retourne en partie dans l’hydrosystème. »

Si la tendance générale est à la hausse, les données n’ont pas toutes la même signification au niveau local. On note une augmentation de la surface irriguée de 77,71% dans les Hauts-de-France, qui comptait très peu de zones irriguées dix ans auparavant ; une évolution qui peut se révéler moins problématique qu’en Nouvelle-Aquitaine, par exemple. Dans cette région, qui dénombrait déjà en 2010 près de 400 000 hectares de surface agricole dépendants de l'arrosage, une augmentation de 2,79% pourrait se révéler plus critique, en augmentant la pression qui pèse sur la ressource dans une région déjà en déficit chronique d’eau.

« Cette stratégie face à une hausse du besoin en eau pour assurer le rendement, et donc la rentabilité des cultures, n’est pas durable et constitue un risque de mal adaptation face au changement climatique. Si l’irrigation peut être nécessaire pour certaines cultures, et acceptable à certains niveaux et sur certains territoires, dépendre totalement de l’eau est une impasse : c’est une ressource renouvelable, mais pas illimitée », conclut l’expert. Pour l’association, « la question de la ressource en eau doit être débattue collectivement, et sans déconnecter entre eux les postes de consommation, pour trouver un équilibre durable dans sa gestion ».

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