Sec machine. Alors que des précipitations sont attendues dans les jours qui viennent dans le Sud de la France touché par la sécheresse, l’inquiétude quant à de possibles pénuries d’eau dans les mois à venir gagne du terrain.
Pas moins de 25 arrêtés préfectoraux de restrictions d’usage de l’eau ont déjà été pris dans dix départements du Sud-Est et de l’Ouest au 22 avril. Dans la Drôme par exemple, il est interdit d’arroser les pelouses et espaces verts en journée, de laver sa voiture hors des stations dédiées ou de remplir sa piscine. Jeudi, Le Progrès s’alarmait d’un prochain été « compliqué » dans le Rhône. Qu’il pleuve ou même qu’il neige ce week-end comme le prévoit Météo-France est une bonne nouvelle, car la France métropolitaine a soif !
Dans de nombreux départements, la pluie n’a pas été suffisamment abondante au moment où les nappes phréatiques sont censées se recharger. « La situation est nettement différente des dernières années, car on a eu un déficit de précipitations de 18,4 % entre septembre et mars à l’échelle de la France », explique à Vert le climatologue Simon Mittelberger. Or, « les précipitations hivernales sont cruciales : il y a moins d’évaporation qu’au printemps et, puisque la végétation n’a pas démarré, les eaux s’infiltrent mieux », précise encore le spécialiste.
Autre phénomène caractéristique de cet hiver : le faible enneigement sur le Massif alpin et la Corse, qui va affaiblir l’irrigation liée à la fonte des neiges. Météo-France, où travaille le climatologue, précise que « la sécheresse des sols superficiels est particulièrement marquée dans le Sud-Est, et notamment en région PACA ». Selon le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM), qui gère les ressources et les risques du sol et du sous-sol, la situation des stocks d’eau souterraine s’est aussi rapidement aggravée au mois de mars. Si le Centre, le Bassin parisien, la Garonne et le littoral languedocien semblent s’en tirer pour le moment, « la situation est particulièrement préoccupante sur les nappes [d’eau souterraine, NDLR] entre Vendée, Périgord et Maine, ainsi que sur les nappes de Provence et de la Côte d’Azur », précise l’établissement public dans un communiqué.
Et la situation pourrait ne pas s’améliorer dans les semaines qui viennent. Météo-France prévoit un printemps plus chaud et plus sec que les normales. « Évidemment, il peut y avoir une hétérogénéité au niveau des territoires », précise Simon Mittelberger, qui n’exclut pas des phénomènes pluvieux imprévisibles. « Récemment, la tempête Diego a permis d’humidifier des sols très secs en PACA, dans le Grand Est et en Nouvelle-Aquitaine », rappelle-t-il, évoquant également des phénomènes orageux importants au printemps 2018. Mais si la situation perdure conformément aux tendances, sans pluie et avec un sol sec, les agriculteurs devront irriguer les cultures plus tôt que d’habitude. Toutes les cases seront alors cochées pour une nouvelle sécheresse estivale.
Fin mars déjà, l’hydrologue Emma Haziza expliquait à France info que « depuis 2017, on a des sécheresses historiques […] Cette anormalité devient la normalité ». Du côté de Météo-France, on observe une augmentation de 5 % de la moyenne des surfaces touchées par les sécheresses depuis les années 1960–1970. Dans un rapport parlementaire publié en juin 2020, les député·es écrivaient : « Le constat est indéniable : les changements climatiques vont intensifier et aggraver les situations de pénurie d’eau ». C’est chaud.
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