Décryptage

Élections européennes : quel bilan pour les alliés d’Emmanuel Macron ?

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Au Par­lement européen, les frenchies du groupe Renew sont perçu·es comme d’influents moteurs de la tran­si­tion écologique. Leur débâ­cle annon­cée en juin au prof­it de l’extrême droite est un coup dur pour le Pacte vert européen.

Dans l’hémicycle européen, où aucune des sept familles poli­tiques ne pèse plus de 25% des voix, les cen­tristes du groupe Renew ont gag­né en 2019 une troisième place stratégique : celle de faiseur de roi. Un rôle d’autant plus cru­cial que, sur les sujets cli­mat, «ni les cham­pi­ons ni les destruc­teurs de la planète ne peu­vent obtenir une majorité» sans eux, résume l’association Bloom dans son récent bilan de la man­da­ture européenne.

« Leader par­mi les cen­tristes », la France est le pays le mieux représen­té chez Renew (23 eurodéputé·es sur 102), de sorte qu’«elle a vécu pen­dant cinq ans l’âge d’or de l’influence au Par­lement», explique l’expert en poli­tique européenne Phuc-Vinh Nguyen, de l’Institut Jacques Delors.

Sans doute portée par la «vague verte» qui a mar­qué les élec­tions européennes de 2019, les frenchies de Renew ont rapi­de­ment choisi de met­tre leur influ­ence au ser­vice des sujets cli­mat. «Leur meilleure déci­sion a été de pren­dre la tête de la com­mis­sion Envi­ron­nement au Par­lement», illus­tre Phuc-Vinh Nguyen – les groupes les mieux élus choi­sis­sent les com­mis­sions qu’ils souhait­ent présider.

C’est cette com­mis­sion, présidée par Pas­cal Can­fin, qui a eu la charge de pré-tra­vailler l’essentiel des textes du Pacte vert européen (ou Green deal), ce paquet de près de 70 lois des­tiné à met­tre l’Europe sur la voie de la neu­tral­ité car­bone en 2050. «Pour cette rai­son, Pas­cal Can­fin est aujourd’hui recon­nu comme l’un des prin­ci­paux archi­tectes du Green deal», souligne Phuc-Vinh Nguyen.

© Pietro Naj-Olear­i/U­nion européenne

Entre divisions internes et électoralisme

Quand le groupe Renew, com­posé de 24 pays, a enduré des dis­sen­sions, «la délé­ga­tion française a usé de son influ­ence pour con­tenir les dérives droitières», analyse Phuc-Vinh Nguyen. «Sur les sujets cli­mat, elle a tra­vail­lé dur pour tenir les troupes», ajoute-t-il. Même si «les Tchèques et les Alle­mands ont tou­jours voté con­tre le Green deal», recon­naît aujourd’hui Pas­cal Can­fin auprès de Vert.

Les sujets agri­coles ont notam­ment mis la cohérence du groupe à rude épreuve. Renew s’est divisé sur le règle­ment sur la restau­ra­tion de la nature ou sur la baisse des pes­ti­cides, de sorte que l’issue des votes est chaque fois restée en sus­pens jusqu’à la fin. Si le pre­mier texte est passé de justesse, ce ne fut pas le cas du sec­ond.

Ces derniers mois, même la délé­ga­tion française s’est lais­sé gag­née par une «logique très élec­toral­iste face à la mon­tée de l’extrême droite», a estimé la respon­s­able agri­cul­ture de Green­peace, Suzanne Dalle, lors d’une con­férence de presse. Le groupe a par exem­ple validé le détri­co­tage express des mesures envi­ron­nemen­tales de la poli­tique agri­cole com­mune (PAC).

Enfin, les eurodéputés Renew se sont distingué·es des autres Français·es par leur sou­tien sys­té­ma­tique aux accords de libre-échange (avec le Cana­da, la Nou­velle-Zélande, le Chili et le Viet­nam) que beau­coup d’experts jugent incom­pat­i­bles avec la lutte con­tre le réchauf­fe­ment cli­ma­tique. Une posi­tion que Pas­cal Can­fin «assume totale­ment», cri­ti­quant même le «tro­pisme anti-com­merce en France».

À quelques semaines des élec­tions européennes, les divers sondages prédis­ent un échec cuisant aux alliés d’Emmanuel Macron à Brux­elles, tan­dis que le Rassem­ble­ment nation­al creuse l’écart. «Si les Français·es sont moins fort au sein de Renew, le Green deal sera moins soutenu», assure Pas­cal Can­fin.

Au niveau européen, c’est tout le groupe Renew qui est même men­acé de per­dre sa troisième place au prof­it des groupes d’extrême droite ECR et ID. Après la vague verte de 2019, la marée brune de 2024 ?