Ça ne Trump pas. Donald Trump fera son retour à la Maison Blanche en janvier 2025, après avoir battu la démocrate Kamala Harris ce mercredi. Une élection aux conséquences potentiellement désastreuses pour la planète. Négociations pour le climat, renouvelables, détricotages en tout genre : on fait le tour de la question.
Les énergies fossiles à gogo
«Fore, chéri, fore» : Donald Trump a donné le ton au long de sa campagne. Une des priorités de son second mandat sera de «forer à tout-va» de nouveaux puits de pétrole et de gaz. En encourageant la production de pétrole, le fracking (une technique d’extraction d’hydrocarbures par fracturation du sol, délétère pour les nappes phréatiques et l’environnement), Donald Trump compte faire baisser le coût de l’énergie et redonner du pouvoir d’achat aux Américain·es.
Un déclin des renouvelables pas si certain
Climatosceptique de longue date, le milliardaire américain s’est engagé à détricoter l’Inflation reduction act – le vaste paquet climat lancé par Joe Biden, qui finance notamment le déploiement des renouvelables. Un jeu dangereux, déconnecté de la réalité économique, puisque les renouvelables deviennent des sources d’énergies de plus en plus compétitives. «L’obsession de Trump pour les énergies fossiles est court-termiste et ignore les tendances du marché mondial, explique Linda Karcher, directrice exécutive du think tank européen Strategic perspectives. La demande de pétrole et de gaz diminue dans le monde entier, à mesure que nous passons à des sources d’énergie plus propres. Cela risque de coûter des emplois à ceux-là mêmes qui ont voté pour lui».
Si l’économie américaine est véritablement la priorité de Donald Trump, alors il ne serait pas dans son intérêt de démanteler les infrastructures d’énergies renouvelables. C’est d’autant plus le cas d’un point de vue géopolitique, lorsque l’on s’intéresse à la guerre commerciale qui oppose son pays à la Chine depuis des années. «Dans le logiciel trumpiste, l’idée est que ces biens-là soient produits sur le territoire américain plutôt qu’en Chine, non pas parce qu’il croit à la transition écologique, mais parce qu’il croit à la souveraineté américaine», analyse auprès de Vert Sébastien Roux, sociologue et directeur de recherche au Centre national de la recherche scientifique (CNRS), spécialisé dans les enjeux environnementaux et du conservatisme américain.
«Sur le plan écologique, il faut s’attendre au pire»
La réélection de Donald Trump entraîne un bouleversement majeur du paysage politique américain. Le Sénat a basculé sous contrôle républicain, tandis que la Chambre des représentant·es (l’équivalent de notre Assemblée nationale) est en passe d’être également remportée par le parti conservateur – les derniers décomptes sont toujours en cours. «Cela laisse supposer que l’administration Trump aura une marge de manœuvre importante pour mettre en place les décisions de l’exécutif, souligne Sébastien Roux. Il faut s’attendre au pire. Il n’y a rien à sauver niveau écologie.»
Avec ces quasi pleins pouvoirs, Donald Trump aura la mainmise sur les agences fédérales, dont plusieurs institutions clés pour l’environnement : l’Agence de protection de l’environnement (EPA), l’Administration nationale océanique et atmosphérique (NOAA) ou encore le Bureau de gestion du territoire (BLM), qui gère les terres publiques – et notamment les parcs nationaux, régions riches en hydrocarbures. «Ces agences influentes risquent d’être dirigées par des gens très opposés à toute forme de protection environnementale, négationnistes du changement climatique comme Donald Trump, et qui auront pour agenda de détricoter les administrations dont ils auront la charge», prévient Sébastien Roux.
«Projet 2025»
L’ombre du «projet 2025», plan de quelque 900 pages élaboré par le think tank ultra-conservateur Heritage foundation à l’intention du milliardaire américain, plane également sur la pérennité de ces institutions. Entre autres joyeusetés transphobes et anti-IVG, «le projet 2025» détaille longuement un plan pour limiter le financement des agences environnementales et la recherche en matière de climat. Lors de la campagne, Donald Trump avait affirmé ne pas être à l’origine du «projet 2025», mais un certain nombre de ses proches et ancien·nes collaborateur·ices figurent parmi les auteur·ices du document. Désormais confortablement élu, il n’est pas impossible que Donald Trump s’en inspire une fois réinstallé dans le Bureau ovale.
On peut aussi évoquer le rôle du futur vice-président J.D. Vance, partisan affirmé du fracking, dans cette nouvelle présidence. Alors que l’état de santé et de fatigue de Donald Trump, du haut de ses 78 ans, est souvent pointé du doigt, le vice-président pourrait être amené à prendre de la place sur le plan politique au cours des quatre prochaines années. Lors d’un débat face au colistier de Kamala Harris, Tim Walz, J.D. Vance avait qualifié les sciences du climat de «weird»(«bizarres», en anglais) et ouvertement questionné le lien entre les émissions de gaz à effet de serre et le dérèglement climatique.
Un basculement dans l’action climatique internationale
La réélection de Donald Trump a fait trembler le monde entier et soulevé de nombreuses interrogations, à quelques jours de l’ouverture de la 29ème conférence mondiale (COP29) sur le climat à Bakou (Azerbaïdjan), le 11 novembre. Le futur président a clairement assumé sa volonté de se retirer à nouveau de l’Accord de Paris sur le climat, comme il l’avait fait à sa première arrivée au pouvoir en 2017.
«Si Trump met à exécution sa menace de se retirer de l’Accord de Paris, les États-Unis seront les plus grands perdants. Nous sommes déjà passés par là – le retrait des États-Unis lors de la première présidence Trump n’a pas provoqué l’effondrement de l’Accord, comme certains l’avaient prédit», juge Bill Hare, fondateur de l’institut Climate analytics et ancien co-auteur du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec).
Si les États-Unis n’ont jamais été le fer de lance du multilatéralisme climatique, le retour du milliardaire américain à la Maison Blanche signe tout de même le début d’une nouvelle ère. «Le message envoyé est clair : il faudra faire sans les États-Unis. C’est un renfermement du pays sur lui-même, avec les idées que les engagements internationaux coûtent trop chers et ne sont pas dans l’intérêt des États-Unis», décrypte Sébastien Roux, du CNRS. Autre point d’inquiétude : en 2023, les États-Unis et la Chine s’étaient engagés à renforcer leurs efforts et leur coopération face au changement climatique lors de la déclaration de Sunnylands. Ces ambitions seront-elles complètement remises en cause par le retour du républicain à la Maison Blanche ? Il est encore trop tôt pour le dire, mais il est certain que le signal n’est pas positif pour le moment.
«Trump peut nier le changement climatique autant qu’il veut, mais les lois de la physique n’en ont rien à faire de la politique», tranche Friederike Otto, climatologue et professeure à l’Imperial college de Londres. Fin septembre et début octobre, le pays a été marqué par des catastrophes climatiques aux conséquences désastreuses : les ouragans Helene et Milton, qui ont fait plus de 260 morts. Dérèglement climatique oblige, il y a fort à parier que le climat se rappellera à Donald Trump au cours des quatre prochaines années.
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