Ça Trump énormément. Le rédacteur en chef de Vert revient sur le retour de Donald Trump à la Maison Blanche. La conclusion d’une campagne présidentielle menée à coups de fake news, relayées pas des médias, influenceurs et réseaux sociaux complices. Cliquez ici pour (ré)écouter cette chronique diffusée sur France inter le 6 novembre 2024.
Mathieu Vidard : Loup, vous allez nous raconter ce à quoi il faut s’attendre pour le climat, avec l’élection de Donald Trump.
Ces dernières années, l’actualité nous avait habitués à de grands coups dans la figure, au moment où on se croyait tranquille. Ce matin, elle nous assène un sucker punch [un coup bas, NDLR] bien vicieux, dans la nuque, avec des petites mains toutes potelées et oranges.
Pour celles et ceux qui s’intéressent à l’égalité ou la démocratie, aux droits des femmes, des minorités ou des personnes immigrées et à l’avenir de la planète, la sensation qui domine depuis ce matin est celle d’un cauchemar éveillé.
Cette phrase paraît toujours irréelle : les États-Unis viennent, une fois encore, d’élire Donald Trump à la tête du pays. Un Donald Trump encore plus outrancier, méthodique et dangereux que celui de 2016.
Une chose n’a pas changé : pour lui, le changement climatique est toujours un «canular», créé par les Chinois pour freiner l’économie américaine. Mais Donald Trump a de nouvelles cordes à son arc : selon lui, si les scientifiques parlent moins de «réchauffement» que de «changement» climatique aujourd’hui, c’est parce qu’en réalité il fait de plus en plus froid.
Lors de son précédent mandat, entre deux clashs avec Greta Thunberg, il avait détricoté une centaine de réglementations environnementales, sur le climat, la qualité de l’air et de l’eau, l’extraction d’énergies fossiles, etc. Cette fois, il pourrait carrément supprimer son Agence de protection de l’environnement, dont la mission est de «protéger la santé humaine et de sauvegarder les éléments naturels essentiels à la vie». Mais aussi l’Agence américaine d’observation océanique et atmosphérique (la NOAA), une référence mondiale dans l’étude du climat. En somme, Donald Trump veut détruire les institutions scientifiques qui démontrent l’impact démesuré des Américain·es sur le climat et l’urgence de changer de braquet.
Et cet impact sur le climat mondial, quel est-il justement ?
En matière climatique, comme dans beaucoup d’autres domaines, les États-Unis ne sont pas un pays comme les autres. Notamment parce qu’il s’agit toujours du premier producteur mondial de pétrole. Et, en plus de retirer le soutien fédéral aux énergies renouvelables, Donald Trump veut encourager les forages de nouveaux puits de pétrole et de gaz avec ce terrible slogan martelé pendant toute la campagne : «Drill baby, drill» (fore chéri, fore).
Si aujourd’hui les États-Unis émettent moins de gaz à effet de serre que la Chine – ils sont tout de même au deuxième rang mondial -, il s’agit toujours du premier contributeur à la crise climatique, si l’on compte tout le carbone relargué à travers l’Histoire. Et l’empreinte carbone moyenne d’un·e Américain·e est toujours deux fois supérieure à celle d’un·e Français·e ou d’un·e Chinois·e et 100 fois celle d’un·e Ethiopien·ne.
En 2016, Donald Trump avait déjà retiré son pays de l’Accord de Paris sur le climat, au sein duquel la quasi-totalité des pays du globe se sont engagés à contenir le réchauffement climatique bien en dessous de 2°C, et si possible à 1,5°C. Joe Biden avait fait machine arrière en 2020. En 2023, les États-Unis s’étaient même accordés avec la Chine (c’est la déclaration de Sunnyland) pour réduire leur impact sur la crise climatique et respecter l’accord de Paris. Donald Trump balaiera tout ça d’un trait de plume.
Non seulement son geste risque de briser les négociations climatiques mondiales, mais il pourrait décourager d’autres pays de faire des efforts, et pulvérisera définitivement la marque de 1,5°C. Une catastrophe pour les peuples et les pays les plus vulnérables à la crise climatique.
Quelles leçons pouvons-nous en tirer ?
Le plus cauchemardesque dans tout cela, c’est peut-être le rapport au réel de dizaines de millions d’électeur·ices gavé·es de fake news par Donald Trump – par exemple, l’histoire invraisemblable d’immigré·es Haïtien·nes qui mangeraient des chiens et des chats. Des mensonges insensés, relayés par des médias, influenceurs et réseaux sociaux complices.
Comme le Monde l’a raconté, Elon Musk a employé des techniques de manipulation encore plus folles que celles des services secrets russes. Cette extrême droite vit dans un monde parallèle, où ce sont les avortements qui causent les ouragans et pas le changement climatique – le journaliste Tucker Carlson a vraiment dit ça. Un monde où les faits n’ont aucune valeur et où la science est mise au pas.
Et cette extrême droite, elle gagne.
Toute ressemblance avec notre pays ne serait pas fortuite. Gare à celles et ceux qui n’entendront pas cet avertissement.
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