La montée du niveau des océans mettra à rude épreuve la résilience de l’humanité d’ici à la fin du siècle et au-delà, et ce même si le réchauffement planétaire ne dépassait pas 1,5°C, préviennent des chercheur·ses dans une étude parue mardi dans la revue Communications earth & environment.
Le rythme d’élévation du niveau des océans a doublé en trois décennies pour atteindre dix centimètres et, si la tendance actuelle se poursuit, il pourrait encore être multiplié par deux d’ici 2100, pour grimper d’environ un centimètre par an, alertent les scientifiques.

«Limiter le réchauffement de la planète à 1,5°C», soit l’objectif le plus ambitieux de l’Accord de Paris sur le climat de 2015, «serait une réussite majeure» et permettrait d’éviter de nombreuses conséquences climatiques désastreuses. «Mais même si cet objectif était respecté, l’élévation du niveau de la mer risque de s’accélérer à des rythmes auxquels il sera très difficile de s’adapter», signale Chris Stokes, auteur principal de l’étude et professeur de géographie à l’université de Durham (Royaume-Uni).
En l’absence de mesures de protection telles que des digues, une élévation supplémentaire du niveau de la mer de 20 centimètres causerait chaque année quelque 1 000 milliards de dollars (environ 885 milliards d’euros) de dégâts dus aux inondations dans les 136 plus grandes villes côtières du monde, comme l’ont montré des recherches antérieures.
Quelque 230 millions de personnes vivent sur des terres situées à moins d’un mètre au-dessus du niveau de la mer, et plus d’un milliard à moins de dix mètres, ce qui pose d’énormes questions liées à l’adaptation des populations à l’élévation du niveau de la mer.
Vers un réchauffement de +2,7°C
Cette hausse du niveau de la mer est due, à parts à peu près égales, à la désintégration des calottes glaciaires (ces grandes étendues de glace continentale) et des glaciers de montagne, ainsi qu’à la dilatation des océans qui se réchauffent en absorbant plus de 90% de l’excès de chaleur provoqué par les activités humaines.
L’étude tire la sonnette d’alarme : le réchauffement actuel de la surface de la Terre – +1,2°C par rapport aux niveaux préindustriels, soit la seconde moitié du 19ème siècle – est déjà suffisant pour élever le niveau des océans de plusieurs mètres au cours des siècles à venir. C’est sans compter les prévisions scientifiques actuelles qui anticipent une trajectoire de réchauffement de l’ordre de +2,7°C d’ici à la fin du siècle.
Dans leur étude, les chercheur·ses ont passé en revue la littérature scientifique depuis le dernier rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec) de l’ONU. Elles et ils se sont notamment concentré·es sur la contribution croissante des calottes glaciaires, un élément qu’avait exclu le Giec en raison des facteurs d’incertitude. Mais, depuis, les choses se sont clarifiées.
En 2021, les scientifiques du Giec prévoyaient une élévation «probable» du niveau de la mer de 40 à 80 centimètres d’ici à 2100, selon la rapidité avec laquelle l’humanité réduira ses émissions de gaz à effet de serre. «Nous nous dirigeons probablement vers les valeurs les plus élevées de cette fourchette», estime désormais Chris Stokes.
«Il faut se fixer un objectif proche de +1°C»
Les données satellitaires révèlent désormais que les calottes glaciaires contenant suffisamment d’eau gelée pour soulever les océans d’environ 65 mètres sont bien plus sensibles au changement climatique qu’on ne le pensait.
La quantité de glace qui fond ou se détache dans l’océan depuis le Groenland et l’Antarctique occidental, qui s’élève actuellement en moyenne à environ 400 milliards de tonnes par an, a quadruplé au cours des trois dernières décennies – loin devant le ruissellement des glaciers de montagne.
«Nous pensions autrefois que le Groenland ne réagirait pas tant que la planète n’atteindrait pas +3°C», a déclaré l’auteur principal de l’étude. Mais «le consensus actuel sur les points de basculement [un seuil à partir duquel un système change irréversiblement d’état, NDLR] pour le Groenland et l’Antarctique occidental se situe autour de +1,5°C».
En examinant de nouvelles données issues des trois périodes géologiques les plus récentes de l’histoire de la Terre, l’étude montre que si l’on remonte au dernier moment où la planète a enregistré des niveaux de CO2 comparables à ceux d’aujourd’hui – soit il y a environ trois millions d’années -, le niveau des mers était de 10 à 20 mètres plus élevé.
«Si l’on veut ralentir l’élévation du niveau de la mer issue de la fonte des calottes glaciaires, il est clair qu’il va falloir revenir à des niveaux de températures inférieures à celles que nous avons actuellement», juge le géographe Chris Stokes. Pour la maintenir «à un niveau gérable, il faut se fixer un objectif de température à long terme proche de +1°C, voire inférieur».
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