Et le gagnant est… De la Guerre froide à la guerre verte. Ce lundi, le documentaire d’Anna Recalde Miranda a remporté le prix Empreinte de la 21ème édition du festival Parisciences. Cet évènement, qui s’est tenu au Muséum national d’histoire naturelle et à l’Institut de physique du globe de Paris, présentait gratuitement «une sélection du meilleur de la production française et internationale récente de films scientifiques». Parmi les 17 catégories en compétition, l’une d’elles, la sélection Empreinte, était consacrée aux films documentaires traitant des enjeux climatiques et environnementaux.
Parmi les sept films en compétition, Le village qui voulait replanter des arbres, de Brigitte Chevet, a reçu un prix coup de cœur du jury – dont Vert faisait partie. Une plongée dans le village breton de Martigné-Ferchaud, qui éclaire l’histoire et les écueils du remembrement. Ce regroupement de parcelles agricoles à grande échelle dans la France des années 1950 à 1980 visait à créer des champs plus grands, cultivables par des machines. Et ce, notamment en arrachant les haies. Aujourd’hui, Léa, «technicienne bocage», met toute son énergie à replanter ce qui a été détruit.
Revenons au grand gagnant du prix Empreinte : De la Guerre froide à la guerre verte. Vert avait chroniqué ce documentaire lors de sa sortie au cinéma, en mars dernier. Nous republions ici l’article que nous lui avions consacré.

Au Paraguay, «passé et futur se confondent dans une réalité flottante», annonce dès le début du film la documentariste Anna Recalde Miranda. Le passé : la dictature d’Alfredo Stroessner, qui a accédé au pouvoir en 1954 et y est resté jusqu’en 1989, avec le soutien des États-Unis. La réalisatrice italo-paraguayenne plonge dans les archives de ces années de terreur, durant lesquelles les opposant·es politiques, communistes, socialistes et alternatifs ont été poursuivi·es, torturé·es et assassiné·es.
«Désert vert»
De cette période reste un désastre écologique : huit millions d’hectares du pays ont été confiés aux amis du dictateur. Un accaparement des terres qui ne connaît pas de frontières. Le film nous emmène également au Brésil, pays voisin qui a connu le même phénomène. Des deux côtés de la délimitation entre les États, on retrouve des paysages similaires, ceux d’un «désert vert», sans arbre ni insecte, où ne fleurit que du soja planté sur les ruines de la démocratie et de l’environnement.
Il en pousse tellement que les industriels eux-mêmes ont qualifié ces terres malhabidas (mal acquises, en français) de «République du soja». Massivement déforestées, cultivées de façon intensive à grand renfort de pesticides et d’OGM, elles sont réservées à l’exportation de cette légumineuse, principalement vers l’Europe et la Chine. Au fil de ses rencontres avec des témoins clés de cette période et de ses discussions avec des scientifiques et journalistes, Anna Recalde Miranda montre la continuité entre les dictatures paraguayennes et brésiliennes et le règne de l’agroindustrie.
Avec le même arsenal de surveillance et de répression, l’agroindustrie défend férocement ses terres spoliées face au mouvement des «Paysans sans terre» et aux populations autochtones qui veulent les récupérer. En se rendant à leurs côtés, la réalisatrice dévoile la lutte acharnée de ces peuples pour avoir le droit d’habiter et de cultiver leur territoire, de défendre leur environnement, au prix d’un harcèlement continu et de multiples assassinats.
Un documentaire saisissant, qui retrace le contexte historique ultra-violent dans lequel s’est développée et persiste encore l’agriculture productiviste au Paraguay et au Brésil.
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