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Cinq fois où l’écologie a gagné en 2024 (5/5) : dans la montagne de Lure, la centrale solaire retoquée par la justice… mais en service

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Tomber dans le panneau. La justice a finalement donné raison aux opposants à l’installation de panneaux photovoltaïques à Cruis, dans les Alpes-de-Haute-Provence. Mais entre temps, l’entreprise Boralex, qui porte le projet, a déjà lancé l’exploitation.

Plusieurs victoires écolos, comme la récente libération du militant anti-chasse à la baleine Paul Watson ou la suspension par la Norvège de ses projets d’extraction minière sous-marine, ont rythmé l’année 2024. Mais celle-ci a aussi été marquée par le succès de plusieurs luttes locales contre des projets polluants ou destructeurs pour l’environnement. Vert revient sur cinq fois où les mobilisations locales ont payé.

Lorsque l’on regarde la photo de la montagne de Lure, dans les Alpes-de-Haute-Provence, difficile de conclure que les opposant·es au projet de parc photovoltaïque l’ont emporté. C’est pourtant bien le cas. Le 31 mai dernier, la Cour administrative d’appel de Marseille a jugé illégal l’arrêté préfectoral qui permettait à l’entreprise canadienne Boralex de déroger au droit environnemental pour mettre en place ses panneaux solaires à Cruis. Le tribunal a estimé que la recherche d’une solution d’implantation alternative «moins impactante pour la biodiversité» avait été «insuffisante».

Au coeur de la montagne de Lure, les panneaux solaires ne passent pas inaperçus. DR.

Mais voilà, les panneaux sont déjà là. Pierre Lavoie, 71 ans, les voit depuis le terrain où il cultive ses amandiers. En lieu et place de ce qui était auparavant une forêt : «La zone avait été incendiée en 2004, puis des cèdres atlas ont été replantés en 2008», se remémore-t-il. Un an plus tard, la société Boralex commence à s’intéresser au secteur, suite à un appel à projets de la commune de Cruis. Après plusieurs années de latence, un permis de construire et de défrichement est délivré en 2017 pour l’implantation d’un parc photovoltaïque.

Une jeune forêt ratiboisée

C’est à ce moment-là que Pierre Lavoie rencontre l’association de défense de l’environnement Amilure, qui vient tout juste de se former. Ensemble, ils organisent l’opposition à ce projet de parc en pleine forêt : «En se penchant sur le dossier de Boralex, on s’est rendu compte qu’il manquait la dérogation concernant la destruction de l’habitat d’espèces protégées. L’entreprise ne pouvait pas défricher sans.»

La société Boralex précise à Vert avoir fait cette demande de dérogation en août 2019. Si le Conseil national de la protection de la nature (CSPN) s’est exprimé contre, le préfet a délivré en janvier 2020 un arrêté d’autorisation, «accordant une dérogation à l’interdiction de destruction d’espèces protégées», ajoute l’entreprise. Le dernier verrou saute, commencent les procédures judiciaires. Un recours en contentieux est lancé en juillet 2020 devant le tribunal administratif de Marseille. L’audience a lieu en janvier 2023. Un mois plus tard, la requête est rejetée.

Le recours n’étant de toute façon pas suspensif, le défrichement a commencé sur le secteur dès septembre 2022, «avec tout le bazar que ça a fait. Il y a eu toutes sortes d’affrontements entre opposants et forestiers», reprend Pierre Lavoie. Après la destruction de la jeune forêt, les travaux débutent durant l’été 2023. Quand en mai dernier, le tribunal marseillais donne finalement raison aux opposant·es, le site est déjà construit.

Boralex prépare une nouvelle étude

«Ils sont rétrospectivement dans l’illégalité, mais on se retrouve devant le fait accompli. C’est une victoire juridique mais la problématique est comment la transformer en victoire de fait», s’interroge le militant. À l’issue du jugement, Boralex a reçu un arrêté préfectoral de mise en demeure pour régulariser la situation administrative du parc solaire de Cruis : démanteler ou reformuler une demande de dérogation.

L’entreprise annonce avoir «fait le choix de produire une nouvelle étude approfondie et actualisée des impacts». Elle doit viser «à proposer les mesures de réduction ou de compensation supplémentaires appropriées aux enjeux de l’étude approfondie des impacts directs et indirects».

L’association compte désormais attaquer l’arrêté préfectoral qui permet l’exploitation. Car depuis le mois d’août, le parc est en service : «On entend les onduleurs. Ils exploitent en ce moment, ce qui n’est pas logique», se désespère Pierre Lavoie. Boralex précise agir en toute légalité : «L’annulation de la dérogation espèces protégées ne remet pas en cause le droit de Boralex d’exploiter la centrale solaire de Cruis, qui permettra d’alimenter annuellement 12 000 personnes en électricité verte.» L’entreprise tient également à rappeler que le permis de construire et l’autorisation de défrichement «n’ont pas été remis en cause et sont purgés de tous recours».


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