Démine d’or. Guyane Nature Environnement se bat depuis 2017 contre un projet de mine d’or à ciel ouvert en bordure de la Réserve biologique intégrale de Lucifer Dékou-Dékou, au nord-ouest de la Guyane. En novembre dernier, la justice administrative leur a donné raison. Définitivement ?
Plusieurs victoires écolos, comme la récente libération du militant anti-chasse à la baleine Paul Watson ou la suspension par la Norvège de ses projets d’extraction minière sous-marine, ont rythmé l’année 2024. Mais celle-ci a aussi été marquée par le succès de plusieurs luttes locales contre des projets polluants ou destructeurs pour l’environnement. Vert revient sur cinq fois où les mobilisations locales ont payé.
Les opposant·es seront fixés le 20 janvier. Passé ce délais de deux mois depuis le jugement du tribunal administratif de Bordeaux, la compagnie Montagne d’Or ne pourra plus formuler de recours pour son projet de mine d’or en Guyane.
Le jugement en question a été prononcé par la cour administrative d’appel de Bordeaux le 27 novembre dernier. Après sept ans de lutte, il a confirmé que les concessions de la compagnie minière Montagne d’Or ne pouvaient pas être prolongées. La raison invoquée ? La protection de la biodiversité. Ce projet de mine d’or à ciel ouvert d’au moins 2,5 kilomètres de long sur 400 mètres de large et plus d’une centaine de mètres de profondeur, est situé en bordure de la Réserve biologique intégrale de Lucifer Dékou-Dékou, au nord-ouest de la Guyane. Il «présente un risque d’atteintes graves à l’environnement» au regard de la nature «extrêmement polluante» et de «l’importance» de sa dimension industrielle, avait estimé la cour.
La biodiversité prise en compte dans son ensemble
De quoi enthousiasmer Nolwen Rocca, coordinateur de l’association Guyane nature environnement (GNE), à l’initiative de ce combat judiciaire, joint par Vert ce jour-là : «On est contents de cette victoire ! C’est vraiment un changement de paradigme sur les documents miniers, se félicitait-il alors. La concession a été regardée dans un grand ensemble. Elle est située entre deux massifs forestiers qui constituent une réserve biologique intégrale. Le juge a réfléchi à l’impact global sur la continuité entre ces deux massifs. On espère que ça fera jurisprudence.»
Il faut dire que la décision était attendue, l’affaire se promenant de juridiction en juridiction depuis plusieurs années. C’est en 2017 que le projet éclot. France Nature Environnement et Guyane Nature Environnement saisissent alors la Commission nationale du débat public (CNDP) pour organiser un débat d’ampleur nationale. Celui-ci est refusé par la compagnie Montagne d’Or, qui préfère une concertation publique sous sa propre conduite.
L’État contraint à indemniser la compagnie ?
Commence alors la valse juridique. Fin 2020, le tribunal administratif de Cayenne annule une décision de 2019 par laquelle le ministère de l’économie refusait de prolonger deux concessions pour 25 ans, comme demandé depuis 2018 par les promoteurs de Montagne d’Or. Décision confirmée par la cour administrative d’appel de Bordeaux à l’été 2021… Avant qu’en février 2022, le Conseil constitutionnel ne déclare contraire à la loi une partie de l’ancien code minier qui permettait de renouveler des concessions sans tenir compte des conséquences environnementales, ouvrant une voie de recours contre le projet.
En octobre 2023, le Conseil d’État avait annulé les arrêts de la cour administrative d’appel de Bordeaux de 2021 et renvoyé l’affaire devant cette même cour. En novembre dernier, «au regard de ce nouveau cadre juridique», la justice a examiné les conséquences environnementales des prolongations de concessions demandées par la compagnie minière, concluant à la légalité du refus d’exploitation.
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Mais au-delà du recours encore possible, le bouquet final pourrait s’avérer empoisonné, comme nous l’apprend Nolwen Rocca : «L’État est attaqué par l’entreprise russe Nordgold [actionnaire majoritaire dans le projet Montagne d’Or, NDLR] au titre d’un traité international, et risque de devoir payer jusqu’à 4 milliards d’euros d’indemnités à Montagne d’or, parce qu’Emmanuel Macron et le ministre de l’époque avaient dans un premier temps affiché leur soutien au projet. La compagnie se fonde là-dessus pour demander une indemnisation.»
La société se base sur le traité bilatéral d’investissement France-Russie (traité franco-russe de 1989, dit de «protection des investissements») pour demander à l’État français 4,5 milliards de dollars, soit 3,86 milliards d’euros, de dédommagement. Ce sera à un tribunal arbitral de Singapour de statuer. Encore un dossier conséquent à déminer.