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Cinq fois où l’écologie a gagné en 2024 (3/5) : pas de ferme-usine à saumons dans les champs bretons

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Ils promettaient saumons et merveilles. À Plouisy, dans les Côtes-d’Armor, les habitant·es ont lutté contre l’implantation d’une méga ferme-usine à saumons dans une zone industrielle jusqu’à l’abandon du projet par l’entreprise.

Plusieurs victoires écolos, comme la récente libération du militant anti-chasse à la baleine Paul Watson ou la suspension par la Norvège de ses projets d’extraction minière sous-marine, ont rythmé l’année 2024. Mais celle-ci a aussi été marquée par le succès de plusieurs luttes locales contre des projets polluants ou destructeurs pour l’environnement. Vert revient sur cinq fois où les mobilisations locales ont payé.

«Le projet était absurde : ça consistait à faire un élevage de saumons dans les champs !», s’exclame Jean Sarasin, membre du collectif Dourioù Gouez («eaux sauvages», en breton). Il vit dans le Trégor, à proximité de la petite commune de Plouisy (Côtes-d’Armor), 2 000 habitant·es, et s’est mobilisé contre cette installation pendant plusieurs années.

Initié en 2016 par l’entreprise norvégienne Smart Salmon, le projet consistait à implanter une ferme-usine dans la zone industrielle de Plouisy pour y produire quelque 8 000 tonnes de saumons par an. La construction nécessitait notamment la bétonisation de dix hectares de terres agricoles pour une usine de 55 000m2.

Trois groupes d’acteurs se sont mobilisés contre la méga ferme-usine : le collectif Dourioù Gouez – créé en 2021 -, les élu·es locaux·les et diverses associations et syndicats, comme Eau et rivières de Bretagne, la Confédération paysanne et la Fédération régionale de la conchyliculture.

600 mètres cube d’eau par jour

Les opposant·es dénonçaient une consommation d’eau démesurée : quelque 600 mètres cube par jour, soit l’équivalent des besoins quotidiens de 4 000 personnes, prélevés sur les réseaux de l’agglomération. De quoi générer inquiétudes et incompréhension chez les habitant·es : «On n’a jamais compris pourquoi ils avaient choisi de venir ici plutôt qu’au bord de la mer», raconte Jean Sarasin. D’autres projets de fermes-usines sont en cours d’installation à Boulogne-sur-mer (Pas-de-Calais) et au Verdon-sur-mer (Gironde) – la proximité du littoral facilite l’approvisionnement en eau.

Mobilisation devant les locaux de l’agglomération de Guingamp-Paimpol, en janvier 2023. © Collectif Dourioù Gouez

Les riverain·es craignaient aussi des rejets dans le fleuve du Trieux, souvent sujet à des pollutions, ainsi qu’un mal-être animal considérable pour les saumons, entassés dans des bassins.

Elles et ils n’ont même pas eu besoin d’aller en justice puisque l’autorisation de la préfecture n’a jamais été accordée à l’entreprise. À la place, les opposant·es ont organisé de nombreuses mobilisations publiques et des Fest-noz – des fêtes bretonnes traditionnelles – pour sensibiliser la population locale et faire parler du projet dans la presse.

Un projet désavoué par les élu·es du coin

Initialement plébiscitée par la plupart des élu·es locaux·les, l’installation de Smart Salmon a vite été désavouée par la commune de Plouisy. En 2021, l’agglomération de Guingamp-Paimpol avait acté la vente des terres à l’entreprise norvégienne, mais le conseil municipal de Plouisy s’est officiellement positionné contre le projet en 2023.

Ces six derniers mois, il semblait clair que l’installation de la ferme-usine avait de l’eau dans le gaz. «On sentait que ça battait de l’aile car ils avaient supprimé le nom de Plouisy sur le site de Smart Salmon», se rappelle Jean Sarasin.

Début novembre, la préfecture des Côtes-d’Armor a confirmé au Télégramme que l’entreprise avait retiré son dossier de demande d’autorisation environnementale le 31 octobre, entérinant l’abandon du projet – même si rien n’empêche Smart Salmon de déposer une nouvelle demande à l’avenir. «Ouf», a alors réagi l’association Eau et rivières de Bretagne. «À partir du moment où les élus étaient contre, ils pouvaient difficilement progresser», remarque Jean Sarasin.

Le collectif Dourioù Gouez se félicite de cette victoire locale. À présent, il aimerait aller encore plus loin et soutient un moratoire sur les projets de fermes-usines en France. Cette demande fait l’objet d’une forte mobilisation en Bretagne, où de nombreux collectifs luttent contre l’industrialisation de l’agriculture. En France, Greenpeace a recensé quelque 3 000 fermes-usines en activité en 2023.


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