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Changement climatique : la note de la Maison Blanche « qui aurait dû changer le monde »

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Retour vers le futur. Le quo­ti­di­en bri­tan­nique The Guardian a tiré des archives de la prési­dence améri­caine un mem­o­ran­dum adressé à Jim­my Carter en juil­let 1977. Les caus­es et les con­séquences du change­ment cli­ma­tique y sont détail­lées avec une clair­voy­ance trou­blante.

Il n’y a aujour­d’hui plus de doute sur le fait que les prin­ci­pales majors pétrolières ont très tôt iden­ti­fié puis caché l’im­pact de leurs activ­ités sur le cli­mat. Le Français Total était par exem­ple au courant dès 1971 comme l’a con­fir­mé une étude récente. Mais les élé­ments con­cer­nant la prise de con­science des poli­tiques sont moins con­nus. À ce titre, le doc­u­ment déter­ré par le Guardian est pré­cieux puisqu’il démon­tre que le prési­dent de la pre­mière puis­sance émet­trice de CO2 aurait pu s’en saisir dès l’été 1977. Le texte, d’une seule page, a en effet été lu par Jim­my Carter sept mois après sa prise de fonc­tion, comme l’at­teste la men­tion « le prési­dent a vu » tam­pon­née sur en-tête. Rédigée par son prin­ci­pal con­seiller sci­en­tifique, le géo­physi­cien Frank Press, elle porte le titre annon­ci­a­teur de « Émis­sions de CO2 fos­siles et pos­si­bil­ité d’un change­ment cli­ma­tique cat­a­strophique ». La suite se lit avec effroi tant les événe­ments décrits sont aujour­d’hui d’ac­tu­al­ité.

Le début de la note déter­rée par The Guardian, où l’on devine le tam­pon « The pres­i­dent has seen » (« Le prési­dent a vu »).

Pour com­mencer, Frank Press y détaille la hausse « expo­nen­tielle » de la com­bus­tion d’én­ergie fos­sile qui a déjà entraîné à l’époque une aug­men­ta­tion inédite du car­bone dans l’at­mo­sphère. « En rai­son de l’ef­fet de serre du CO2, sa con­cen­tra­tion en hausse induira un réchauf­fe­ment cli­ma­tique de 0,5 à 5°C » par rap­port à l’ère pré-indus­trielle, prévient-il. « L’ef­fet poten­tiel sur l’en­vi­ron­nement d’une fluc­tu­a­tion cli­ma­tique d’une telle rapid­ité pour­rait être cat­a­strophique », ajoute-t-il, prédis­ant en par­ti­c­uli­er « de larges pertes de récolte à une époque où la hausse de la pop­u­la­tion mon­di­ale pousse déjà l’a­gri­cul­ture à ses lim­ites ». L’avenir lui don­nera rai­son.

Pour Frank Press, « l’ur­gence du prob­lème vient de notre inca­pac­ité à pass­er à des sources d’én­er­gies non fos­siles une fois que les effets cli­ma­tiques devien­dront évi­dents, peu après les années 2000 ». Une fois de plus, il a eu rai­son, comme en témoigne l’ac­céléra­tion des épisodes extrêmes de pluie, de chaleur ou de vent. Dans le même temps, les éner­gies renou­ve­lables ne parvi­en­nent tou­jours pas à sup­planter les éner­gies fos­siles tant la con­som­ma­tion énergé­tique aug­mente (Vert). À l’époque, Frank Press craig­nait d’ailleurs que « la sit­u­a­tion [ne soit] hors de con­trôle avant que les sources d’én­er­gies alter­na­tives et autres actions cor­rec­tives devi­en­nent effec­tives ».

Le Guardian racon­te, enfin, que cette note au con­tenu explosif est arrivée sur le bureau de Jim­my Carter accom­pa­g­née d’un papi­er volant écrit par Jim Schlesinger, son pre­mier secré­taire à l’Énergie. Celui-ci indique : « mon opin­ion est que les impli­ca­tions poli­tiques de ce prob­lème sont encore trop incer­taines pour jus­tici­er l’im­pli­ca­tion prési­den­tielle et des ini­tia­tives poli­tiques ». La suite, on la con­naît.