Les archives qui racontent des décennies de mensonges de l’industrie pétrolière

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Elles car­bu­rent au men­songe. Des doc­u­ments con­fi­den­tiels de nom­breuses com­pag­nies pétrolières révè­lent com­ment celles-ci ont délibéré­ment men­ti au sujet des effets nocifs de leurs pro­duits, dont elles avaient par­faite­ment con­nais­sance.

C’est un véri­ta­ble « tré­sor de doc­u­ments internes » sur lequel le Guardian a pu met­tre la main. Des décen­nies d’archives issues des grands pétroliers nord-améri­cains, qui racon­tent une longue his­toire de déni et de dis­sim­u­la­tion, entamée dans les années 1960. 

A l’époque, on com­mence juste à pren­dre con­science des effets san­i­taires de la com­bus­tion de pét­role. En 1967, le Cana­di­en Impe­r­i­al Oil, fil­iale d’Exxon, recon­naît dans une note privée que « l’in­dus­trie pétrolière, directe­ment ou indi­recte­ment, est un con­tribu­teur majeur à plusieurs des prin­ci­pales formes de pol­lu­tion ». Les voitures sont « de loin, la plus grande source de pol­lu­tion », con­state Shell, un an plus tard, dans un rap­port tech­nique interne. Ce même doc­u­ment pré­cise que le dioxyde de soufre, issu de la com­bus­tion, génère des « dif­fi­cultés res­pi­ra­toires » et que le dioxyde d’a­zote peut endom­mager les poumons. En 1980, Impe­r­i­al Oil con­state même des anom­alies con­géni­tales chez les enfants de tra­vailleurs du pét­role.

La cou­ver­ture de la note tech­nique interne de Shell, datant de juil­let 1968.

En 1990, Exxon admet en interne que les par­tic­ules fines (PM) nées de la com­bus­tion ont « des impacts poten­tiels sur la sécu­rité et la san­té ». Pour­tant, six ans plus tard, le géant du pét­role affirmera publique­ment que le lien de causal­ité entre l’ab­sorp­tion de PM et une mor­tal­ité accrue n’est pas attesté. Ce qui, pour­tant, ne fai­sait déjà plus guère de doute depuis une impor­tante étude de 1987 menée sur la pop­u­la­tion améri­caine.

Côté pile, une con­science aiguë des risques. Côté face, le men­songe dans des pub­lic­ités ou des déc­la­ra­tions offi­cielles, le recours à des think tanks et à des études bidon. L’une des tech­niques favorites des indus­triels, récem­ment racon­tée par le bril­lant doc­u­men­taire La fab­rique de l’ig­no­rance (en replay sur arte.tv) : semer le doute en jouant la sci­ence con­tre elle-même. D’un prob­lème à l’autre, la stratégie reste la même : « d’abord ils décou­vrent, puis ils con­spirent, ensuite ils nient et enfin, ils tem­po­risent », explique au Guardian Geof­frey Supran, chercheur de l’u­ni­ver­sité d’Har­vard spé­cial­iste du change­ment cli­ma­tique chez les pétroliers. Une riche enquête et des décen­nies d’archives à retrou­ver dans le Guardian (anglais).