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Caillou dans la chaussure des multinationales, l’activisme actionnarial se développe

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La Bourse ou la vie. De plus en plus de militant·es en cols blancs s’im­mis­cent dans l’ac­tion­nar­i­at des entre­pris­es pour les inciter à de meilleures pra­tiques. Ces six derniers mois, le phénomène a atteint son plus haut niveau, selon un rap­port de la banque Lazard.

L’ac­tivisme action­nar­i­al est une branche de l’in­vestisse­ment durable qui con­siste à influ­encer de l’in­térieur les pra­tiques de cer­taines sociétés. En devenant action­naire, il est en effet pos­si­ble d’in­ter­peller les dirigeant·es en soumet­tant des déc­la­ra­tions ou des réso­lu­tions à l’ordre du jour des assem­blées générales, en faisant usage de son droit de vote ou encore en dia­loguant avec les instances de direc­tion. Certes, l’influence est pro­por­tion­nelle au nom­bre d’actions détenues et les fonds « respon­s­ables » sont, la plu­part du temps, très minori­taires. Mais la banque Lazard a tout de même relevé quelques réus­sites nota­bles dans son rap­port annuel.

Des activistes de Green­peace per­turbent l’assem­blée générale des action­naires de Total, en 2018 au Palais des con­grès de Paris © Green­peace

Elle men­tionne par exem­ple la cam­pagne acharnée de l’homme d’af­faires améri­cain Carl Icahn à l’en­con­tre de la chaîne de fast-food McDon­ald’s pour que celle-ci se four­nisse auprès d’en­tre­pris­es plus respectueuses de la con­di­tion ani­male. En févri­er dernier, le mul­ti­mil­liar­daire est par­venu à faire nom­mer deux des siens au con­seil d’ad­min­is­tra­tion de l’en­tre­prise. En France, note la banque, le fonds d’in­vestisse­ment Miro­va a demandé un change­ment de gou­ver­nance à la tête d’Orpea après les révéla­tions de mal­trai­tance des pen­sion­naires dans les maisons de retraite du groupe.

Au cours des trois pre­miers mois de l’an­née, pas moins de 73 nou­velles cam­pagnes d’ac­tivisme action­nar­i­al ont été lancées, ce qui en fait un trimestre record, en hausse de 33 % sur un an. Les fonds respon­s­ables sont par­venus à obtenir 38 sièges dans des con­seils d’ad­min­is­tra­tion de divers­es entre­pris­es et se bat­tent pour l’ob­ten­tion de 85 sièges sup­plé­men­taires. Si les Américain·es sont les champion·nes de l’ac­tivisme action­nar­i­al avec 60 % des cam­pagnes compt­abil­isées, la France n’est pas en reste. Au pre­mier trimestre 2022, elles ont con­cen­tré 27 % des cam­pagnes menées en Europe.

À ce sujet, le groupe Total­En­er­gies attire par­ti­c­ulière­ment les faveurs de ces fonds avec le dépôt de réso­lu­tions à répéti­tion. En mars, le fonds Clear­way Cap­i­tal a appelé la major pétrolière à se retir­er de Russie à la suite de l’in­va­sion de l’Ukraine. Peu de temps après, celle-ci a annon­cé qu’elle ces­sait l’im­por­ta­tion de pét­role (mais pas de gaz) en prove­nance de Russie. En out­re, la prochaine assem­blée générale du groupe, pro­gram­mée en mai, prévoit deux réso­lu­tions con­cer­nant le cli­mat. La pre­mière, portée par des action­naires néerlandais·es, demande que l’en­tre­prise se fixe des objec­tifs con­formes à l’Ac­cord de Paris sur le cli­mat et sur la lim­i­ta­tion de la hausse des tem­péra­tures (à 1,5 °C au-dessus de la moyenne de l’ère pré-indus­trielle). La sec­onde émane d’ac­tion­naires français·es qui deman­dent à Total­En­er­gies de fournir des pré­ci­sions sur la baisse de ses émis­sions à court (trois à cinq ans) et moyen terme (huit à dix ans), ain­si que sur l’évo­lu­tion de son mix énergé­tique.