Un budget en hausse… ou pas
Les ministères de la Transition écologique et énergétique disposeront en 2023 d’une ligne de dépenses équivalent à 59,6 milliards d’euros, soit une hausse de 15% par rapport à 2022. Mais au moins douze milliards d’euros correspondent aux mesures exceptionnelles de lutte contre l’inflation des prix de l’énergie (bouclier tarifaire, chèques énergie, etc). Les ministres concernés récusent l’idée d’une hausse en trompe‑l’œil. Ils arguent notamment que le soutien aux renouvelables coûte infiniment moins cher en 2023 qu’en 2022 (voir plus bas).
Le bouclier tarifaire coûtera 45 milliards d’euros mais…
Le gouvernement va consentir à des dépenses inédites pour protéger les ménages de l’inflation des prix de l’énergie : limiter la hausse des prix du gaz et de l’électricité à 15% coûtera la bagatelle de 45 milliards d’euros. Et le versement de chèques énergie aux plus modestes pèsera pour cinq milliards de plus. Toutefois, le ministère de la Transition énergétique estime que la dépense nette ne sera que de douze milliards d’euros, car il intègre dans ses comptes des recettes inédites générées par les énergies renouvelables.
… les énergies renouvelables génèrent un gain de 38 milliards d’euros
En effet, les énergies renouvelables autrefois subventionnées par l’État vont générer une importante rentrée d’argent en 2023. L’explication est la suivante : l’État promet un « complément de rémunération » aux producteurs d’électricité renouvelable lorsque les prix de marché sont inférieurs à un prix garanti. Mais avec l’envolée des prix de marché, ce sont désormais les producteurs qui reversent leur trop-perçu à l’État, à hauteur de 30 milliards d’euros pour 2023. L’État économise en outre huit milliards d’euros, correspondant aux « compléments » qu’il a versé l’année dernière lorsque les prix de marché étaient encore inférieurs aux prix-cibles.
La taxation des superprofits attendue au tournant
Alors que les énergies renouvelables sont largement mises à contribution, la taxation des profits exceptionnels générés par les producteurs d’énergie fossile est la grande absente de ce projet de loi. Obstinément refusée par Bruno Le Maire, le ministre de l’Économie, et Emmanuel Macron, elle est ardemment réclamée à gauche. Lors du projet de loi de finances rectificative pour 2022, cet été, seules dix voix avaient manqué pour faire adopter un amendement en ce sens. Les député·es de la Nupes comptent bien retenter leur chance lors de l’examen du projet de loi en séance plénière.
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Dix milliards en plus pour la transition : on ne sait pas si la promesse du candidat Macron est tenue
Alors en campagne pour sa réélection, le chef de l’État avait promis en mars de dédier dix milliards d’euros supplémentaires à la transition écologique chaque année. À ce stade, impossible de dire si la promesse du quinquennat est tenue, car les périmètres ont changé et de nombreux arbitrages restent à prendre. Du reste, « le seul examen des ministères de la Transition écologique et énergétique n’est pas suffisant », ont souligné les conseillers d’Agnès Pannier-Runacher et Christophe Béchu lors d’un point presse. « Il faut raisonner sur un périmètre plus large comprenant les collectivités territoriales ou encore les financements apportés par la Caisse des dépôts. Nous n’avons pas d’inquiétude à ce sujet », indiquent-ils également. On préférerait tout de même être rassuré·es.
Un fonds vert de 1,5 milliard d’euros pour les collectivités
Annoncé par Élisabeth Borne cet été, le fonds dédié aux projets de transition écologique des collectivités est confirmé. Celles-ci pourront en bénéficier dans le cadre de leurs projets de renaturation, de revalorisation des friches ou de rénovation énergétique de leur bâti. Mais contrairement à ce qui a été annoncé, il ne s’agit pas uniquement d’argent frais. Les dotations existantes comme celle du fonds de revalorisation « fonds friches » (750 millions d’euros) seront notamment fondues dans le nouveau budget ainsi que les 150 millions d’euros déjà prévus par la stratégie nationale pour la biodiversité à destination des territoires.
Des effectifs stables sur tout le quinquennat
Selon les ministres Agnès Pannier-Runacher (énergie) et Christophe Béchu (écologie), les effectifs de l’État liés à la transition écologique ont connu « vingt ans de baisse ininterrompue ». Ils resteront stables cette année et sur tout le quinquennat, ce qui représentent 70 000 agents centraux, départementaux et régionaux. La filière des énergies renouvelables réclamait une hausse des effectifs pour les projets renouvelables, car ils sont en forte augmentation.
Près de dix milliards d’euros consacrés aux mobilités
Le ministère des transports revendique une hausse importante de son budget, à 9,7 milliards d’euros, contre 8 milliards d’euros en 2022. Cela comprend notamment 1,3 milliard d’euros d’aides supplémentaires « au verdissement du parc automobile », à savoir la poursuite du bonus écologique et la prime de conversion pour l’aide à l’acquisition de véhicules plus performants. 250 millions d’euros sont également dédiés au plan vélo.
Toujours plus d’aides à la rénovation
Destiné à stimuler la rénovation énergétique des logements, le dispositif MaPrimeRenov’ est à nouveau revalorisé pour atteindre 2,5 milliards d’euros sur 2023. Cette hausse du budget sera assortie d’une modification des barèmes pour encourager les rénovations globales. Plusieurs études ont démontré que la réalisation de gestes de rénovation isolés nuisaient à leur efficacité. Or, pour l’heure, 86% des travaux subventionnés par MaPrimeRénov’ sont des rénovations mono-gestes, majoritairement des remplacements de chaudière (72%).
Le soutien aux hydrocarbures réduit, mais pas abandonné
En novembre 2021, lors de la 26ème conférence des Nations unies sur le climat (COP26), la France s’était engagée, avec 38 autres pays signataires, à mettre fin à tout nouveau soutien public direct au secteur des énergies fossiles « non atténuées » (c’est-à-dire sans dispositif de récupération des gaz à effet de serre). L’État avait promis de cesser d’apporter sa garantie aux entreprises françaises qui exercent ces activités à l’étranger dès 2023. Toutefois, « dans une optique de transition énergétique, il reste possible d’octroyer des garanties publiques pour des projets de centrales électriques fossiles qui améliorent l’intensité carbone du mix énergétique du pays de destination », précise l’exposé des motifs. Une exception qui fait toute la différence puisque cela signifie, par exemple, que des projets de centrales à gaz ou au fioul pourront encore être garantis, s’ils permettent de réduire la production à base de charbon.