L'édito

«Boycotter la COP28 serait le meilleur service à rendre à l’industrie fossile»

  • Par

Good COP, bad COP ? Alors que la 28ème con­férence mon­di­ale (COP28) sur le cli­mat est sur le point de s’ouvrir à Dubaï (Émi­rats arabes unis), des voix appel­lent à boy­cotter ce som­met organ­isé par un pays pétroli­er. Or, c’est tout le con­traire qu’il faudrait faire.

N’y avait-il pas meilleur sol que celui du 7ème pro­duc­teur mon­di­al de pét­role pour inviter les dirigeant·es de la Terre entière à phos­pho­r­er sur le cli­mat ? Ou de meilleur can­di­dat que Sul­tan Al Jaber, prési­dent de la com­pag­nie pétrolière nationale (l’Adnoc) comme chef d’orchestre des négo­ci­a­tions ? Prob­a­ble­ment. Mais le jeu de la diplo­matie inter­na­tionale en a décidé ain­si (nos expli­ca­tions). Cela ne remet nulle­ment en cause la néces­sité de ce som­met à l’heure où tous les voy­ants sont au cramoisi.

→ Para­doxale­ment, l’accueil de la con­férence par ce pays si par­ti­c­uli­er remet au cen­tre du jeu l’indispensable sor­tie des éner­gies fos­siles, men­tion­nées pour la pre­mière fois pen­dant la COP26 de Glas­gow, en 2021.

→ Les COP con­stituent le seul espace où l’ensemble des pays du globe peut se retrou­ver pour par­ler de cli­mat. Si elles don­nent l’impression de n’avoir eu aucun effet notable, ten­tez d’imaginer à quoi ressem­blerait un monde dans lequel le sujet serait resté can­ton­né à la poli­tique intérieure de chaque État. Aujourd’hui, si la France, l’Allemagne et d’autres pays sont for­cés par leur jus­tice de réduire leurs émis­sions rapi­de­ment, c’est notam­ment au nom des promess­es qu’ils ont faites après la COP21 de Paris en 2015. Cette COP doit aus­si être l’occasion de faire le bilan de l’Accord de Paris, et d’acter l’indigence des poli­tiques actuelles pour accélér­er tous azimuts.

→ Le finance­ment des «Pertes et dom­mages» — les destruc­tions dans les pays les plus pau­vres causées par une crise cli­ma­tique large­ment due aux émis­sions de gaz à effet de serre des pays rich­es -, est un sujet vital pour une part crois­sante de la pop­u­la­tion mon­di­ale, qui sera au cœur des négo­ci­a­tions.

→ Boy­cotter la COP, c’est don­ner encore moins d’é­cho aux voix, déjà si ténues, des représentant·es des pays en développe­ment, des peu­ples autochtones et des com­mu­nautés mar­gin­al­isées. Ces con­férences per­me­t­tent de chauss­er d’autres lunettes que celles de l’Occident pour con­sid­ér­er la crise cli­ma­tique ; aujourd’hui, le cen­tre de grav­ité de l’action mon­di­ale pour le cli­mat ne se situe pas dans les quartiers aisés des métrop­o­les européennes, mais bien dans le Sud géopoli­tique.

C’est pré­cisé­ment parce que le grand pub­lic ne prête qua­si­ment aucune atten­tion à ces COP qu’elles peu­vent accouch­er d’aussi piètres résul­tats, sans con­séquences poli­tiques pour les dirigeant·es. Boy­cotter cet événe­ment déjà si peu suivi serait le meilleur ser­vice à ren­dre aux lob­by­istes de l’industrie fos­sile et à tous les par­ti­sans de l’inaction cli­ma­tique. Pour empêch­er de négoci­er en rond, prenons-nous de pas­sion pour la COP28 !

Pho­to d’il­lus­tra­tion : Pré-COP à Abou Dabi, fin octo­bre 2023. © COP28 / Flickr