Régime détox. La Commission européenne vient de publier sa « feuille de route » pour éliminer les substances chimiques les plus dangereuses pour la santé et l’environnement des produits de grande consommation d’ici à 2030.
L’annonce faite ce lundi par l’Union européenne pourrait marquer un tournant dans l’histoire de l’industrie chimique. Pilier de la stratégie « zéro pollution » du Pacte vert (ou Green deal) européen, les restrictions annoncées ce lundi 25 avril ciblent « un large éventail d’usages, industriels, professionnels et dans les produits de consommation », a précisé le commissaire européen à l’environnement, Virginijus Sinkevicius.
Dans le viseur de l’Union européenne (UE), pas moins de 12 000 substances présentes dans 74 % des 300 millions de tonnes de produits chimiques produits chaque année par l’industrie européenne (Eurostat).
Parmi les produits qui devraient être interdits d’ici la fin de la décennie : tous les bisphénols (qui assouplissent les plastiques) ou les PFAS (poly- et perfluoroalkylées). Ces « polluants éternels », ainsi appelés en raison de leur extrême persistance dans l’environnement, sont utilisés dans les vêtements « outdoor », les emballages alimentaires, les poêles anti-adhésives, la crème solaire ou les mousses anti-incendie. Autres produits visés : les retardateurs de flammes (présents des sièges de voiture au matelas des berceaux en passant par les couches et tétines des bébés) ou les plastiques PVC (polychlorure de vinyle, remplis d’additifs toxiques).
La majorité de ces substances constituent de potentiels perturbateurs endocriniens, et 1 775 d’entre elles sont considérées comme potentiellement cancérogène, mutagène et toxique pour la reproduction (CMR — voir la liste ici).
Jusqu’à maintenant, les restrictions européennes ciblaient essentiellement les CMR et s’appliquaient surtout aux jouets et cosmétiques. La liste noire publiée hier par la Commission marque l’entrée dans une phase d’interdiction massive avec la volonté de cibler, dans leur ensemble, les six grands groupes de substances selon leur dangerosité et de l’étendue de leurs usages quotidiens. De cette manière, il ne serait plus possible aux industriels de changer légèrement la recette d’une substance interdite pour ne rien changer : c’est ainsi qu’après l’interdiction du bisphénol A, les fabricants avaient créé le bisphénol S, potentiellement plus dangereux encore pour le système hormonal (Futura sciences).
« C’est la plus importante interdiction de produits chimiques toxiques à ce jour », a applaudi le Bureau européen de l’environnement (BEE — fédération de plus de 140 organisations). Ce dernier espère toutefois que la liste des substances inscrites sur la feuille de route de l’UE ne sera pas amoindrie ; il existe « un risque important que l’industrie obtienne de longs délais et de larges exemptions » et il est encore nécessaire de préciser la notion d’« usage essentiel », selon Tatiana Santos, spécialiste des produits chimiques au sein du BEE (Libération). Entre 2000 et 2017, les ventes mondiales de produits chimiques ont plus que doublé et devraient encore doubler d’ici à 2030, voire quadrupler d’ici à 2060…
Cette feuille de route de la Commission va entraîner une révision en profondeur du règlement européen « Reach » sur les substances chimiques d’ici à 2027. Au total, d’après le BEE, entre 5 000 et 7 000 substances devraient être interdites d’ici à 2030.
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