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Bisphénols, PFAS… L’Europe est sur le point d’interdire des milliers de substances chimiques dangereuses pour la santé et l’environnement

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Régime détox. La Com­mis­sion européenne vient de pub­li­er sa « feuille de route » pour élim­in­er les sub­stances chim­iques les plus dan­gereuses pour la san­té et l’environnement des pro­duits de grande con­som­ma­tion d’ici à 2030.

L’annonce faite ce lun­di par l’Union européenne pour­rait mar­quer un tour­nant dans l’histoire de l’industrie chim­ique. Pili­er de la stratégie « zéro pol­lu­tion » du Pacte vert (ou Green deal) européen, les restric­tions annon­cées ce lun­di 25 avril ciblent « un large éven­tail d’usages, indus­triels, pro­fes­sion­nels et dans les pro­duits de con­som­ma­tion », a pré­cisé le com­mis­saire européen à l’environnement, Vir­gini­jus Sinke­vi­cius.

Dans le viseur de l’Union européenne (UE), pas moins de 12 000 sub­stances présentes dans 74 % des 300 mil­lions de tonnes de pro­duits chim­iques pro­duits chaque année par l’industrie européenne (Euro­stat).

Évo­lu­tion de la pro­duc­tion de pro­duits chim­iques entre 2004 et 2020 (l’indice 100 est en 2004). En rose, les sub­stances dan­gereuses pour la san­té, en bleu, les sub­stances dan­gereuses pour l’environnement. © Euro­stat

Par­mi les pro­duits qui devraient être inter­dits d’ici la fin de la décen­nie : tous les bis­phénols (qui assou­plis­sent les plas­tiques) ou les PFAS (poly- et per­flu­o­roalkylées). Ces « pol­lu­ants éter­nels », ain­si appelés en rai­son de leur extrême per­sis­tance dans l’environnement, sont util­isés dans les vête­ments « out­door », les embal­lages ali­men­taires, les poêles anti-adhé­sives, la crème solaire ou les mouss­es anti-incendie. Autres pro­duits visés : les retar­da­teurs de flammes (présents des sièges de voiture au mate­las des berceaux en pas­sant par les couch­es et tétines des bébés) ou les plas­tiques PVC (poly­chlorure de vinyle, rem­plis d’additifs tox­iques).

La majorité de ces sub­stances con­stituent de poten­tiels per­tur­ba­teurs endocriniens, et 1 775 d’entre elles sont con­sid­érées comme poten­tielle­ment can­cérogène, mutagène et tox­ique pour la repro­duc­tion (CMR — voir la liste ici).

Jusqu’à main­tenant, les restric­tions européennes ciblaient essen­tielle­ment les CMR et s’appliquaient surtout aux jou­ets et cos­mé­tiques. La liste noire pub­liée hier par la Com­mis­sion mar­que l’entrée dans une phase d’interdiction mas­sive avec la volon­té de cibler, dans leur ensem­ble, les six grands groupes de sub­stances selon leur dan­gerosité et de l’étendue de leurs usages quo­ti­di­ens. De cette manière, il ne serait plus pos­si­ble aux indus­triels de chang­er légère­ment la recette d’une sub­stance inter­dite pour ne rien chang­er : c’est ain­si qu’après l’interdiction du bis­phénol A, les fab­ri­cants avaient créé le bis­phénol S, poten­tielle­ment plus dan­gereux encore pour le sys­tème hor­mon­al (Futu­ra sci­ences).

« C’est la plus impor­tante inter­dic­tion de pro­duits chim­iques tox­iques à ce jour », a applau­di le Bureau européen de l’environnement (BEE — fédéra­tion de plus de 140 organ­i­sa­tions). Ce dernier espère toute­fois que la liste des sub­stances inscrites sur la feuille de route de l’UE ne sera pas amoin­drie ; il existe « un risque impor­tant que l’industrie obti­enne de longs délais et de larges exemp­tions » et il est encore néces­saire de pré­cis­er la notion d’« usage essen­tiel », selon Tatiana San­tos, spé­cial­iste des pro­duits chim­iques au sein du BEE (Libéra­tion). Entre 2000 et 2017, les ventes mon­di­ales de pro­duits chim­iques ont plus que dou­blé et devraient encore dou­bler d’ici à 2030, voire quadru­pler d’ici à 2060…

Cette feuille de route de la Com­mis­sion va entraîn­er une révi­sion en pro­fondeur du règle­ment européen « Reach » sur les sub­stances chim­iques d’ici à 2027. Au total, d’après le BEE, entre 5 000 et 7 000 sub­stances devraient être inter­dites d’ici à 2030.