Reportage

«Avec leurs chansons, la grève, c’est chouette !» : au cœur du cortège parisien avec les ambianceurs de manifs

Fête du bruit. Entre 500 000 et un million de personnes ont défilé ce jeudi partout en France à l'appel de l'ensemble des syndicats. Techno, danses, klaxons… à Paris, la musique et la bonne ambiance étaient à l'honneur pour défendre la justice sociale et environnementale. Vert vous raconte.
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Il est 14 heures, Paris s’éveille. Et avec elle un puissant cortège d’au moins 55 000 personnes (selon les autorités), toutes rassemblées «pour la justice sociale, fiscale et environnementale», comme le proclame la grande banderole de tête tenue par les responsables syndicaux.

«DJ de manif» et membre de Planète Boum Boum, RemremX a enflammé le cortège parisien. © Esteban Grépinet/Vert

L’ensemble des organisations de travailleur·ses françaises (CFDT, CGT, FO, CFE-CGC, CFTC, Unsa, FSU, Solidaires) avaient appelé à une grande journée de grève et de manifestations dans tout le pays ce 18 septembre, dans la continuité du mouvement «Bloquons tout» du 10 septembre. Leader de la CGT, Sophie Binet a salué «un succès», avec plus d’un million de manifestant·es dans tout le pays, selon son syndicat (506 000 d’après la police).

«On est loin des manifs-merguez»

Loin des craintes de violences des autorités – la veille, le préfet de police s’était dit «très inquiet» de la présence potentielle de casseur·ses –, le cortège parisien a relié la place de la Bastille à celle de la Nation dans le calme et, surtout, la bonne ambiance. Pour l’occasion, le collectif de techno-activistes Planète Boum Boum a repris du service pour «amener de la joie militante» dans une foule compacte et déterminée.

«C’est super important de montrer plein d’émotions, c’est ce qui nous connecte aux autres et nous rend plus forts», glisse auprès de Vert Lucie Chhieng, de Planète Boum Boum, casquette à cœurs sur la tête et micro en main. Créé pendant les mobilisations contre la réforme des retraites de 2023, le groupe techno-écolo entend «lutter dans la joie, par la danse, par le chant».

De nombreux «Siamo tutti antifascisti» ont ponctué la marche. © Esteban Grépinet/Vert

Platines et grosses enceintes, juché·es sur un camion de Solidaires, elles et ils ambiancent la marche au son de nouveaux slogans contre le premier ministre Sébastien Lecornu, et de leurs grands classiques de manif. À l’image de la chanson On veut du fret ferroviaire, composée l’an dernier pendant la lutte des cheminot·es contre le démantèlement de la régie publique de trains de marchandises.

«On est liés à vie, sourit Julien Troccaz, cheminot et secrétaire fédéral à SUD-Rail. Avec leurs chansons, la grève, c’est chouette ! C’est un renouveau du syndicalisme, on est loin des classiques manifs-merguez.»

Peu de heurts, beaucoup de musique

D’autres artistes – comme le collectif militant communistes des Inverti·e·s – rejoignent la remorque pour enflammer la rue. «Taxez les riches», «Siamo tutti antifascisti» et autres slogans rythment l’avancée, tandis que quelques fumigènes rouges sont craqués par des militant·es de SUD-Rail.

Dans la foule de danseur·ses de tout âge qui suivent le camion, tout le monde salue une manifestation «festive» et «joyeuse». «Ça fait du bien quand ça se passe dans le calme», sourit Arthur Castagnac, drapeau de la Confédération paysanne en main. Le jeune homme, qui travaille dans une ferme urbaine, est venu dans le cortège parisien pour dénoncer «un système capitaliste qui nous mène droit à notre perte».

Comment faire des tubes de manif ? Planète Boum Boum nous révèle ses secrets. © Vert

Un peu plus loin, Nadja Le Nail, kinésithérapeute dans le milieu médico-social, revendique «défendre la santé, l’école, les médias publics». Elle salue aussi une ambiance «chaleureuse», mais s’inquiète de la présence massive de policier·es qui bloquent l’accès au cortège puis fouillent son sac et celui de son fils de huit ans.

En milieu d’après-midi, le ministère de l’intérieur a fait état de 141 interpellations dans toute la France, dont 21 à Paris. 16 personnes ont également été placées en garde à vue dans la capitale. Loin des traditionnelles images de feux de poubelles et de blacks blocks, seuls quelques heurts ont été signalés en fin de parcours.

Grands classiques et coups de klaxon

Dans la suite du défilé, les traditionnels camions et ballons géants des différentes fédérations syndicales rythment la marche au son de parodies musicales et de classiques des manifestations. Là, une enceinte de Solidaires crache Antisocial du groupe de rock Trust. Plus loin, un syndicaliste de la CGT, debout sur un camion, harangue ses camarades sur Charger du Triangle des Bermudes.

Dans la foule plus éparse de la queue de cortège, les manifestant·es de la Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC) font un bruit d’enfer avec leurs cornes de brume attachées autour du cou. «C’est notre truc à nous, s’amuse Valérie d’Anglade, assistante sociale, au milieu du vacarme. C’est une belle manifestation, pas comme celle du 10 septembre à laquelle nous avons refusé de nous joindre car elle a été récupérée par les politiques.»

Valérie d’Anglade, syndicaliste à la CFTC, est venue marcher «pour les salaires et le pouvoir d’achat». © Esteban Grépinet/Vert

Celle qui décrit son syndicat comme «pacifique» et «apolitique» raconte même avoir sifflé avec ses camarades contre des élu·es du Parti socialiste présent·es derrière eux pour les faire partir. À l’issue de cette journée de mobilisation, elle se dit «prête à retourner dans la rue», selon ce que décidera l’intersyndicale. Une journée de manifestations intitulée «Climat, justice, libertés», soutenue par des syndicats et associations écologistes, est prévue partout en France le 28 septembre.

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