526 000 hectares. C’est la surface de forêts détruite au Brésil entre 2018 et 2023 par le groupe Casino, dans le cadre de ses activités de commercialisation de viande bovine par sa filiale locale, Grupo Pão de Açúcar. Soit l’équivalent de… 50 fois la surface de la ville de Paris. Ces chiffres proviennent d’un rapport, publié mercredi 23 avril par l’Instituto centro de vida (ICV), une ONG spécialisée dans l’analyse des dégâts environnementaux des chaînes d’approvisionnement en viande et en soja. Celui-ci pointe l’impact de Casino – propriétaire des magasins Franprix, Naturalia et Monoprix – sur l’Amazonie : dans cette région, ce sont 327 000 hectares de végétation qui ont disparu.

L’étude s’appuie sur une méthodologie fondée sur des données variées : revenus annuels du groupe, prix de la viande bovine, nombre de terres converties… qui permettent «d’estimer les surfaces de végétation naturelle perdues annuellement, liées à leur conversion en pâturages nécessaires à la production de viande bovine vendue par le groupe», explique l’ICV.
Raquel Carvalho, analyste pour l’organisation, explique : «Nous nous sommes efforcés de surmonter le manque de traçabilité, tout en étant en mesure de fournir une estimation solide de la déforestation dans la chaîne d’approvisionnement du supermarché». L’experte espère que les travaux de l’organisation contribueront à «responsabiliser davantage les acteurs privés qui opèrent des chaînes d’approvisionnement à haut risque de déforestation».
Casino dans les mains de la justice française
Ces révélations arrivent au moment où le groupe Casino est poursuivi en justice en France. En 2021, une coalition de onze ONG – parmi lesquelles France nature environnement et Notre affaire à tous – et de représentant·es de peuples autochtones du Brésil et de Colombie a assigné le distributeur devant le tribunal judiciaire de Paris. Les plaignant·es lui reprochent de ne pas avoir pris les mesures nécessaires pour exclure de sa chaîne d’approvisionnement la viande issue de la déforestation et de l’accaparement de terres autochtones. Et ce, alors même qu’il était soumis au «devoir de vigilance».
Depuis 2017, une loi oblige les grandes entreprises à prévenir les atteintes graves aux droits humains et à l’environnement, y compris à l’étranger. Après plusieurs années de blocages procéduraux, Casino a récemment renoncé à ses recours, permettant à la justice d’entrer enfin dans le cœur du dossier.
Même si Casino a depuis mis fin à ses activités au Brésil et en Colombie, les organisations requérantes réclament réparation pour les dommages causés avant ce retrait. D’après l’association Notre affaire à tous, «ce rapport pourrait devenir une pièce centrale de la procédure, voire une référence pour d’autres affaires similaires».
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