Mercredi soir à Paris, une foule s’est rassemblée en soutien à la famille de Paul Varry, cycliste tué la veille par un automobiliste en SUV. L’ambiance a oscillé entre recueillement, colère et incompréhension. Vert y était.
Il est 20h, lorsqu’un cliquetis de sonnettes de vélo, accompagné d’applaudissements nourris, envahit la place de la Madeleine à Paris (8ème) mercredi soir. Une foule s’est massée près du lieu où Paul Varry, 27 ans, a été tué par un automobiliste, la veille.
Membre de Paris en selle, association pour le développement du vélo comme moyen de transport, il a été écrasé par un homme de 52 ans qui conduisait un véhicule utilitaire sportif (SUV), et avec qui il venait d’avoir une altercation. Les témoins ont «perçu une attitude volontaire du conducteur lors du mouvement de la voiture vers le cycliste», a indiqué le parquet de Paris mercredi. Une enquête pour meurtre a été confiée au premier district de police judiciaire.
«Il y a une impunité totale !» Cécile Reynaud, membre de l’association Mieux se déplacer à bicyclette (MDB) ne décolère pas. Elle raconte : «Des automobilistes font rugir leur moteur pour mettre la pression aux cyclistes. On m’a déjà menacée, coincée contre une barrière. Et quand j’ai porté plainte, en donnant le numéro d’immatriculation, il n’y a eu aucune suite». L’association MDB a lancé mercredi un appel à témoignages aux cyclistes et aux piéton·nes victimes de violences routières, afin de «montrer l’ampleur du phénomène», explique Cécile Reynaud.
«Violences motorisées»
Devant l’église de la Madeleine, de nombreux·ses cyclistes dénoncent les «violences motorisées». Un hashtag particulièrement utilisé sur les réseaux sociaux ces dernières heures. Et certain·es portent des t-shirts avec l’inscription : «SUV, permis de tuer». Ces grosses voitures «sont très dangereuses en milieu urbain», juge Stein van Oosteren, porte-parole du collectif Vélo Île-de-France, et auteur du livre «Pourquoi pas le vélo?». Un piéton a jusqu’à deux fois plus de risques d’être tué en cas de collision avec un SUV qu’avec une voiture standard, rappelle le World Wildlife Fund (WWF) dans une étude publiée début octobre.
«Phase de transition»
Beaucoup dénoncent également le «climat de tension» qui progresse entre les différents usagers de la route. «Sur les plateaux télé, il y a des personnalités politiques qui montent les voitures contre les vélos. On doit au contraire apaiser les débats», défend auprès de Vert Annie Lahmer, conseillère régionale (Les Écologistes) d’Île-de-France. Ce rapport tendu entre automobilistes, cyclistes et piéton·nes est propre à la «phase de transition» de moyens de déplacement à Paris, estime Stein van Oosteren. «La pratique du vélo a augmenté, et la ville n’est plus adaptée aux besoins. Des solutions d’aménagement urbain existent pour prévenir les accidents : les carrefours à la hollandaise [intersections dans lesquelles les cyclistes sont séparé·es des voitures, NDLR] ou la réduction de la vitesse à 30 kilomètres/heure en agglomération», ajoute-t-il.
D’une manière générale, les accidents surviennent «là où les aménagements manquent», donc plus souvent à la campagne qu’en ville. «Plus il y a de cyclistes, plus ils sont visibles, et moins ils ont d’accidents», rappelait mercredi Alexis Frémeaux, président de MDB, au Monde. Toutefois, en France – outre-mer compris -, 236 cyclistes sont mort·es sur les routes en 2023, selon l’Observatoire national interministériel de la sécurité routière. Pour la troisième année consécutive, le seuil symbolique des 200 morts a été dépassé.
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