«Mettons en avant un programme pro-ouvrier, anti-guerre et d’urgence climatique dans cette élection», a lancé Jill Stein en annonçant sa candidature à la présidence américaine, qui aura lieu le 5 novembre prochain. À 74 ans, elle est la seconde candidate la plus âgée derrière l’ancien président Donald Trump (78 ans). Investie par le Green party (Parti vert), elle a déjà mené campagne lors des élections présidentielles de 2012 (où elle a obtenu 0,36% des voix) et 2016 (0,98%).
Médecin, Jill Stein est entrée dans les combats écologistes à travers le prisme de la santé environnementale. Dès les années 1990, elle a constaté les liens entre l’exposition à des produits chimiques et certaines maladies, et lutté pour l’amélioration ou la fermeture de plusieurs infrastructures toxiques — centrales à charbon, incinérateurs de déchets — installées autour de communautés précaires. Un thème qui lui tient toujours très à cœur, précise son site de campagne.
Pour un Green New deal
La candidate défend le principe d’un «Green New deal», en référence au New Deal, ce programme d’investissements massifs lancé par Franklin D. Roosevelt dans les années 1930 pour redynamiser l’économie face à la Grande dépression. Jill Stein promeut une politique écosocialiste, marquée bien plus à gauche que les démocrates américains.
«Aux États-Unis, le Parti vert est vu comme étant très radical et d’extrême gauche», explique Jérôme Viala-Gaudefroy, docteur en civilisation américaine et maître de conférences à Sciences Po Saint-Germain-en-Laye. Comme le font souvent les petit·es candidat·es à la présidentielle étasunienne, Jill Stein dénonce «la faillite du système à deux partis», qui ne voit qu’une alternance entre républicains et démocrates et qu’elle promet de remplacer par «une démocratie multi-partis inclusive».
Elle s’illustre par ses positions très fortes sur les sujets écologiques : 100% d’énergies renouvelables et la neutralité carbone d’ici à 2035, interdiction des pesticides dangereux, élimination progressive du plastique et des produits chimiques dans l’agriculture, etc. Jill Stein cible particulièrement les énergies fossiles, dont son pays est le deuxième plus gros consommateur mondial derrière la Chine : elle appelle à mettre fin à toutes les subventions accordées à l’industrie fossile et à interdire la fracturation hydraulique — le fracking. Cette technique vise à extraire des hydrocarbures en fracturant la roche à l’aide de produits projetés à haute pression dans le sol, et son impact sur les nappes phréatiques est délétère. Un sujet qui la distingue de Kamala Harris : autrefois opposée au fracking, l’actuelle vice-présidente a récemment rétropédalé sur la question et assuré qu’elle ne bannirait pas la méthode, qu’elle estime pourvoyeuse d’emplois dans des États électoralement stratégiques.
Une plume face aux géants
Dans un pays marqué par l’hégémonie des deux formations politiques principales, la probabilité que le Parti vert l’emporte est proche de zéro. Mais cela ne signifie pas que la candidature de Jill Stein ne pourrait pas influencer l’élection. Le Parti vert est souvent critiqué pour avoir «gâché» des élections et permis à des républicains de gagner — notamment en 2016, où Donald Trump l’a emporté face à Hillary Clinton.
Un impact nuancé par Jérôme Viala-Gaudefroy : «On accuse régulièrement le troisième candidat de faire perdre le second. En réalité, il s’agit souvent d’un vote de contestation, et on ne peut pas mesurer avec certitude la part des électeurs qui auraient voté autrement et de ceux qui se seraient simplement abstenus».
«Tout ce que vous faites, c’est vous présenter une fois tous les quatre ans pour parler à des gens qui sont énervés à juste titre, mais se montrer seulement une fois tous les quatre ans pour faire ça, ce n’est pas sérieux», a fustigé Alexandria Ocasio-Cortez, élue à la Chambre des représentants et figure de la frange très à gauche du Parti démocrate, il y a plusieurs semaines sur Instagram. La candidate écologiste a alors répondu en accusant l’élue démocrate de soutenir un génocide à Gaza.
Arrêtée en avril dernier lors d’un rassemblement pro-palestinien à Saint-Louis, dans le Missouri, Jill Stein fait de la guerre à Gaza l’une de ses principales lignes de campagne. Elle réclame notamment un cessez-le-feu immédiat ainsi que la fin de «l’occupation et de l’apartheid israélien». Ce positionnement tranché, à l’inverse de Kamala Harris qui dénonce la situation sans remettre en cause le partenariat historique des États-Unis avec Israël, pourrait bien faire la différence, puisque la candidate verte attire par ce biais le vote des musulman·es.
De récents sondages la donnent même devant l’actuelle vice-présidente dans les intentions de vote des votant·es de confession musulmane dans les trois États clés que sont le Michigan, l’Arizona et le Wisconsin ; ces fameux «swing states», où le vote entre démocrates et républicains est indécis (là où il est plutôt constant au fil des élections dans la plupart des États, marqués à droite ou à gauche) et qui peuvent faire basculer l’élection.
«La nature est là pour qu’on l’exploite»
Loin derrière le pouvoir d’achat ou l’immigration, l’écologie est une thématique bien peu présente dans la campagne présidentielle cette année. Un sujet qui n’a jamais passionné les électeur·ices américain·es. Le Parti vert américain ne détient que très peu d’élus locaux, étatiques ou fédéraux — quelque 149 sur les 500 000 élu·es que compte le pays, avance le Guardian.
«Pour des raisons culturelles, l’environnement a toujours généré du scepticisme aux États-Unis, raconte Jérôme Viala-Gaudefroy. Il y a cette croyance très ancrée dans l’ADN américain que la nature est là pour qu’on l’exploite, et que la technologie va tout résoudre. Les politiques écologiques y sont souvent vues comme une menace à la liberté, ce qui fait que les partis sont plutôt frileux sur le sujet». Malgré les efforts de Jill Stein pour tenter de mettre l’écologie à l’agenda, le sujet a bien peu de chance de faire basculer l’élection d’ici au 5 novembre prochain.
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