Décryptage

Pétrole, «projet 2025» et Accord de Paris : à quoi ressemblerait un second mandat de Donald Trump en matière d’écologie ?

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Make Amer­i­ca grey again. Alors qu’il a réchap­pé à une nou­velle ten­ta­tive d’assassinat ce week-end, Don­ald Trump pour­suit sa cam­pagne prési­den­tielle au coude-à-coude avec la démoc­rate Kamala Har­ris. Son éventuelle réélec­tion début novem­bre laisse présager le pire pour le cli­mat et la bio­di­ver­sité.

L’écologie, la grande absente de son programme

Quand il n’est pas en train de nier la réal­ité du dérè­gle­ment cli­ma­tique en évo­quant un «can­u­lar», Don­ald Trump n’hésite pas à éclipser totale­ment l’écologie de son pro­gramme. C’est sim­ple : sur le doc­u­ment pro­gram­ma­tique de 28 pages du Par­ti répub­li­cain pour l’élection prési­den­tielle du 5 novem­bre prochain, les ter­mes «cli­mat», «envi­ron­nement» ou même «agri­cul­ture» ne sont men­tion­nés à aucune reprise. L’ancien prési­dent d’extrême droite (2017–2021) préfère axer sa cam­pagne sur l’immigration, l’avortement ou le pou­voir d’achat.

Les fossiles à tout prix : «Fore, bébé, fore»

S’il est réélu, Don­ald Trump a promis deux grandes mesures dès le pre­mier jour de son nou­veau man­dat : fer­mer la fron­tière avec le Mex­ique et «for­er à tout-va». Le mil­liar­daire améri­cain n’a jamais caché son obses­sion pour le pét­role. C’est d’ailleurs l’objet d’un slo­gan régulière­ment scan­dé lors de ses meet­ings : «Drill, baby, drill» («Fore, bébé, fore»). Il dénonce les restric­tions «paralysantes» qui pèsent sur la pro­duc­tion domes­tique d’énergie et promet de «libér­er l’énergie améri­caine» pour détru­ire l’inflation et faire chuter les prix. Il compte pour cela s’appuyer sur les éner­gies fos­siles, dont le pét­role et le gaz naturel, et le nucléaire afin d’assurer l’indépendance du pays. «Nous allons FORER, BÉBÉ, FORER et nous rede­vien­drons indépen­dants en énergie, voire dom­i­nants», insiste son pro­gramme.

Don­ald Trump lors d’un meet­ing de cam­pagne dans l’Arizona, en juin 2024. © Gage Skid­more / Flickr

Détricoter le bilan de Joe Biden

À l’instar de la poli­tique con­duite lors de son pre­mier man­dat, le can­di­dat répub­li­cain promet un vaste retour en arrière en matière de poli­tiques envi­ron­nemen­tales. Pour rap­pel, entre 2017 et 2021, la pre­mière admin­is­tra­tion Trump avait adop­té quelque 176 mesures régle­men­taires des­tinées à affaib­lir la poli­tique cli­ma­tique du pays, rap­pelle la pres­tigieuse uni­ver­sité de Colum­bia.

Lors de cette nou­velle cam­pagne, il s’est notam­ment engagé à détri­cot­er l’«arnaque verte» que représente le vaste plan de décar­bon­a­tion de l’économie améri­caine de Joe Biden — l’Inflation reduc­tion act (notre arti­cle), et ses 420 mil­liards de dol­lars (378 mil­liards d’euros) d’investissements dans la tran­si­tion. Reste à savoir s’il serait effec­tive­ment en mesure de le faire dans l’éventualité où il serait réélu à la Mai­son Blanche : cela dépend en effet des rap­ports de force en vigueur à la Cham­bre des représen­tants (l’équivalent de l’Assemblée nationale) et au Sénat.

L’ancien prési­dent prévoit égale­ment de retir­er à nou­veau les États-Unis de l’Accord de Paris pour le cli­mat — son pre­mier retrait de 2017 avait été annulé par Joe Biden dès son arrivée au pou­voir, début 2021. Enfin, il compte revenir sur les mesures pris­es par le prési­dent démoc­rate sur l’électrification du parc auto­mo­bile — au moins la moitié des véhicules neufs sur le marché doivent être élec­triques d’ici à 2030.

La recherche en sursis

Une grande ombre plane au-dessus du poten­tiel retour du mil­liar­daire répub­li­cain dans le bureau ovale : celle du «pro­jet 2025». Ce vaste plan de 922 pages, aus­si appelé «pro­jet de tran­si­tion prési­den­tielle» est un ensem­ble de propo­si­tions réal­isé par le think tank con­ser­va­teur Her­itage foun­da­tion à l’intention de Don­ald Trump. Si ce dernier n’a pas recon­nu la pater­nité du «pro­jet 2025», nom­bre de ses con­tribu­teurs sont proches du mil­liar­daire, voire ont servi sous sa pre­mière admin­is­tra­tion.

«Extrémisme cli­ma­tique», «fanatisme», «la men­ace perçue du change­ment cli­ma­tique» : les auteur·ices du pro­jet 2025 ne mâchent pas leurs mots et détail­lent leurs inten­tions pour réduire l’action améri­caine sur le cli­mat. Le «pro­jet 2025» prévoit notam­ment de «lim­iter étroite­ment le finance­ment» de nom­breux efforts de recherche sur le sujet.

Au pro­gramme : un affaib­lisse­ment con­séquent de l’Agence de pro­tec­tion de l’environnement (EPA, un organ­isme indépen­dant du gou­verne­ment) et le déman­tèle­ment de l’Administration nationale des océans et de l’atmosphère (NOAA), qual­i­fiée de «l’un des prin­ci­paux moteurs de l’industrie alarmiste sur le change­ment cli­ma­tique qui, en tant que tel, nuit à la prospérité future des États-Unis». Cette insti­tu­tion com­prend notam­ment les ser­vices météorologiques du pays et plusieurs organ­ismes de recherche sur le cli­mat.

Un scénario inquiétant à l’international

En mars 2024, une analyse du site spé­cial­isé sur le cli­mat Car­bon brief pro­je­tait qu’une vic­toire de Don­ald Trump à la prési­den­tielle pour­rait entraîn­er l’émission de qua­tre mil­liards de tonnes de gaz à effet de serre sup­plé­men­taires d’ici à 2030, par rap­port à la réélec­tion de Joe Biden (alors can­di­dat). Soit l’équivalent des émis­sions annuelles com­binées du Japon et de l’Union européenne ; ou bien encore des 140 pays les moins émet­teurs au monde.

C’est sans compter le sig­nal cli­ma­tique néfaste qu’enverrait sa réélec­tion à l’échelle inter­na­tionale, alors qu’il faut absol­u­ment inten­si­fi­er les efforts dans le monde entier. «Une action accélérée et équitable pour atténuer les effets du change­ment cli­ma­tique et s’y adapter est essen­tielle», rap­pelle la syn­thèse du dernier rap­port du Groupe d’experts inter­gou­verne­men­tal sur l’évolution du cli­mat, qui cite la coopéra­tion inter­na­tionale comme l’un des «élé­ments clés pour stim­uler l’action cli­ma­tique».