Make America grey again. Alors qu’il a réchappé à une nouvelle tentative d’assassinat ce week-end, Donald Trump poursuit sa campagne présidentielle au coude-à-coude avec la démocrate Kamala Harris. Son éventuelle réélection début novembre laisse présager le pire pour le climat et la biodiversité.
L’écologie, la grande absente de son programme
Quand il n’est pas en train de nier la réalité du dérèglement climatique en évoquant un «canular», Donald Trump n’hésite pas à éclipser totalement l’écologie de son programme. C’est simple : sur le document programmatique de 28 pages du Parti républicain pour l’élection présidentielle du 5 novembre prochain, les termes «climat», «environnement» ou même «agriculture» ne sont mentionnés à aucune reprise. L’ancien président d’extrême droite (2017–2021) préfère axer sa campagne sur l’immigration, l’avortement ou le pouvoir d’achat.
Les fossiles à tout prix : «Fore, bébé, fore»
S’il est réélu, Donald Trump a promis deux grandes mesures dès le premier jour de son nouveau mandat : fermer la frontière avec le Mexique et «forer à tout-va». Le milliardaire américain n’a jamais caché son obsession pour le pétrole. C’est d’ailleurs l’objet d’un slogan régulièrement scandé lors de ses meetings : «Drill, baby, drill» («Fore, bébé, fore»). Il dénonce les restrictions «paralysantes» qui pèsent sur la production domestique d’énergie et promet de «libérer l’énergie américaine» pour détruire l’inflation et faire chuter les prix. Il compte pour cela s’appuyer sur les énergies fossiles, dont le pétrole et le gaz naturel, et le nucléaire afin d’assurer l’indépendance du pays. «Nous allons FORER, BÉBÉ, FORER et nous redeviendrons indépendants en énergie, voire dominants», insiste son programme.
Détricoter le bilan de Joe Biden
À l’instar de la politique conduite lors de son premier mandat, le candidat républicain promet un vaste retour en arrière en matière de politiques environnementales. Pour rappel, entre 2017 et 2021, la première administration Trump avait adopté quelque 176 mesures réglementaires destinées à affaiblir la politique climatique du pays, rappelle la prestigieuse université de Columbia.
Lors de cette nouvelle campagne, il s’est notamment engagé à détricoter l’«arnaque verte» que représente le vaste plan de décarbonation de l’économie américaine de Joe Biden — l’Inflation reduction act (notre article), et ses 420 milliards de dollars (378 milliards d’euros) d’investissements dans la transition. Reste à savoir s’il serait effectivement en mesure de le faire dans l’éventualité où il serait réélu à la Maison Blanche : cela dépend en effet des rapports de force en vigueur à la Chambre des représentants (l’équivalent de l’Assemblée nationale) et au Sénat.
L’ancien président prévoit également de retirer à nouveau les États-Unis de l’Accord de Paris pour le climat — son premier retrait de 2017 avait été annulé par Joe Biden dès son arrivée au pouvoir, début 2021. Enfin, il compte revenir sur les mesures prises par le président démocrate sur l’électrification du parc automobile — au moins la moitié des véhicules neufs sur le marché doivent être électriques d’ici à 2030.
La recherche en sursis
Une grande ombre plane au-dessus du potentiel retour du milliardaire républicain dans le bureau ovale : celle du «projet 2025». Ce vaste plan de 922 pages, aussi appelé «projet de transition présidentielle» est un ensemble de propositions réalisé par le think tank conservateur Heritage foundation à l’intention de Donald Trump. Si ce dernier n’a pas reconnu la paternité du «projet 2025», nombre de ses contributeurs sont proches du milliardaire, voire ont servi sous sa première administration.
«Extrémisme climatique», «fanatisme», «la menace perçue du changement climatique» : les auteur·ices du projet 2025 ne mâchent pas leurs mots et détaillent leurs intentions pour réduire l’action américaine sur le climat. Le «projet 2025» prévoit notamment de «limiter étroitement le financement» de nombreux efforts de recherche sur le sujet.
Au programme : un affaiblissement conséquent de l’Agence de protection de l’environnement (EPA, un organisme indépendant du gouvernement) et le démantèlement de l’Administration nationale des océans et de l’atmosphère (NOAA), qualifiée de «l’un des principaux moteurs de l’industrie alarmiste sur le changement climatique qui, en tant que tel, nuit à la prospérité future des États-Unis». Cette institution comprend notamment les services météorologiques du pays et plusieurs organismes de recherche sur le climat.
Un scénario inquiétant à l’international
En mars 2024, une analyse du site spécialisé sur le climat Carbon brief projetait qu’une victoire de Donald Trump à la présidentielle pourrait entraîner l’émission de quatre milliards de tonnes de gaz à effet de serre supplémentaires d’ici à 2030, par rapport à la réélection de Joe Biden (alors candidat). Soit l’équivalent des émissions annuelles combinées du Japon et de l’Union européenne ; ou bien encore des 140 pays les moins émetteurs au monde.
C’est sans compter le signal climatique néfaste qu’enverrait sa réélection à l’échelle internationale, alors qu’il faut absolument intensifier les efforts dans le monde entier. «Une action accélérée et équitable pour atténuer les effets du changement climatique et s’y adapter est essentielle», rappelle la synthèse du dernier rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, qui cite la coopération internationale comme l’un des «éléments clés pour stimuler l’action climatique».
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