Ce qu’il faut retenir :
→ Le cadmium est un métal lourd hautement toxique que l’on retrouve surtout dans les engrais phosphatés. Après avoir été épandu dans les champs, le cadmium est absorbé par les végétaux et contamine les aliments.
→ Entre autres maladies, le cadmium peut provoquer des troubles de la reproduction, des atteintes rénales et une faiblesse osseuse, jusqu’à entraîner de l’ostéoporose. Il est également associé à un risque accru de cancer.
→ Certains aliments sont naturellement riches en cadmium : abats, coquillages. D’autres concentrent moins de cadmium, mais sont plus régulièrement consommés : pain, pommes de terre, céréales.
→ Les aliments contenant du fer ou du zinc peuvent freiner l’accumulation du cadmium dans le corps. Il est recommandé de consommer plus de produits issus de l’agriculture biologique.
Les agences sanitaires alertent sur ses dangers depuis plus de dix ans. Le cadmium, un métal lourd hautement toxique, contamine l’ensemble de la population française, principalement à travers le tabac et l’alimentation.
Début juin, une énième mise en garde des professionnel·les de santé a poussé le ministre de la santé, Yannick Neuder, à annoncer devant l’Assemblée nationale un remboursement de son dépistage «à l’hôpital» et chez les médecins généralistes «à l’automne».
D’où vient le cadmium ?
À l’instar des autres métaux, le cadmium est naturellement présent dans l’environnement. Découvert en 1817 par le chimiste allemand Friedrich Stromeyer, il a depuis été largement utilisé dans l’industrie. Fort de sa résistance à la chaleur, ce métal toxique est devenu un allié incontournable pour la production de batteries, de certains revêtements anticorrosion et de peintures.
Mais le cadmium se retrouve surtout dans les engrais phosphatés, des fertilisants fabriqués à partir de roches contenant du phosphore, nutriment essentiel à la croissance des plantes. Thibault Sterckeman, ingénieur de recherche à Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae) estime que «les engrais phosphatés sont à l’origine de 60% à 75% des entrées de cadmium dans les sols».
Pour les populations riveraines des sites métallurgiques, comme celles de l’usine Metaleurop dans le Pas-de-Calais, c’est la double peine. Leur exposition au métal toxique provient à la fois de leur environnement direct et de leur consommation quotidienne.
Car après avoir été épandu dans les champs, le cadmium contenu dans les engrais est absorbé par les végétaux et contamine in fine les aliments. En dehors du tabac, l’alimentation est la principale source d’exposition au cadmium, pointe Santé publique France.
Pourquoi est-ce dangereux pour la santé ?
«Une fois dans l’organisme, le cadmium va réagir avec d’autres molécules», précise Thibault Sterckeman. Transporté par le sang, il s’accumule principalement dans les reins et le foie, pouvant atteindre le pancréas, les poumons et les os.
Dès 2019, l’Anses observe en France un dépassement de la dose hebdomadaire tolérable (DHT), limite avant laquelle un effet sur la santé est à prévoir. Fixé par semaine à 2,5 microgrammes de cadmium par kilogramme de poids corporel, ce seuil est franchi «chez 0,6% des adultes et 15% des enfants».
Or, cette contamination pourrait être sous-estimée. «La DHT est basée sur l’apparition de troubles osseux», explique Pierre Souvet, cardiologue et président de l’Association santé environnement France (AESF). Le médecin note l’existence «d’études récentes qui montrent que le risque cardio-vasculaire augmente dès l’absorption» et que le cadmium «aggraverait la mortalité globale».

La liste de ses dégâts sur la santé est longue. Entre autres maladies, le cadmium peut provoquer des troubles de la reproduction, des atteintes rénales et une faiblesse osseuse, jusqu’à entraîner de l’ostéoporose.
Il est également associé à un risque accru de cancer, établi depuis 2012 par le Centre international de recherche sur le cancer (Circ). Celui du pancréas est «particulièrement inquiétant», poursuit Pierre Souvet. En 2022, la France était le quatrième pays au monde ayant le plus grand nombre d’apparitions de nouveaux cas, rapporte Le Monde.
Pourquoi la France est-elle particulièrement contaminée ?
La population française est fortement exposée au cadmium. Chez les enfants, les concentrations mesurées par le programme national français de biosurveillance Esteban s’avèrent quatre fois plus élevées que celles des jeunes allemands.
La principale explication réside dans la teneur en cadmium des engrais phosphatés français. Les gisements mondiaux contiennent plus ou moins de ce métal toxique, et la France utilise pour sa production des roches riches en cadmium, importées principalement du Maroc.
La législation y est aussi pour beaucoup. Depuis 2019, l’Agence nationale de sécurité sanitaire recommande d’abaisser la concentration maximale autorisée dans les engrais à 20 microgrammes de cadmium par kilogramme (mg/kg) de phosphore.
À l’image de la Slovaquie, de la Finlande ou de la Hongrie, qui appliquent déjà la règle des 20mg/kg, la Commission européenne a indiqué vouloir atteindre ce seuil d’ici à 2034.
Pour l’heure, la décision n’a pas été traduite dans le droit français. Si les concentrations maximales en cadmium autorisées dans les engrais européens sont fixées à 60 mg/kg depuis 2022, il faudra attendre juillet 2026 pour que la France abaisse son seuil réglementaire à 40 mg/kg. Toujours loin des recommandations initiales de l’Anses.
Quels sont les aliments à éviter ?
En attendant l’adoption de seuils plus contraignants, il est d’ores et déjà possible d’adapter son alimentation. Certains aliments sont naturellement riches en cadmium comme les abats et rognons (en particulier le foie et les reins car ces organes filtrent les toxines du corps), les coquillages ou les fruits de mer. Le cardiologue Pierre Souvet invite donc «à éviter» ces aliments dits «concentrateurs».
D’autres aliments concentrent moins de cadmium, mais sont plus régulièrement consommés. C’est le cas du pain ou des pommes de terre, contribuant respectivement à 22% et 12% de l’exposition de la population au cadmium.
En haut de la liste de ces «contributeurs» : les céréales données aux enfants pour le petit-déjeuner. L’étude Esteban a ainsi montré que «les enfants qui consommaient presque 20 grammes par jour de céréales du petit-déjeuner ont une imprégnation par le cadmium augmentée de 8,63% par rapport aux enfants qui en consomment très peu».
À l’inverse, les aliments contenant du fer ou du zinc peuvent freiner l’accumulation du cadmium. «À l’intérieur de l’organisme, le zinc a une vertu : il crée des protéines qui vont être capables de capter le cadmium et d’inhiber sa toxicité», rapporte Pierre Souvet, qui recommande de tendre vers une alimentation variée et riche en fibres.
Une recommandation renforcée pour les femmes, plus vulnérables que les hommes au cadmium en raison de carences en fer liées à leurs menstruations, souligne Santé publique France.
Quid du bio ?
Autre piste mentionnée par le cardiologue : augmenter la part d’aliments issus de l’agriculture biologique. L’objectif est notamment formulé par le programme national nutrition santé, visant à atteindre le seuil hebdomadaire de 20% de produits bio par semaine. Selon l’étude Baranski, parue en 2014, les niveaux de contamination en cadmium sont ainsi 48% inférieurs à l’agriculture traditionnelle.
«L’autre avantage du bio, poursuit l’ingénieur Thibault Sterckeman, c’est qu’il fertilise avec de la matière organique, qui se transforme en humus. Or cet humus à la propriété de retenir le cadmium et de réduire sa disponibilité vis-à-vis des racines.»
Le chercheur déplore néanmoins «un manque d’études sur les grandes cultures mises en cause dans l’exposition des populations». Les sols ont en effet une «mémoire», rappelle l’OMS.
Thibault Sterckeman abonde : «Le problème avec le bio, c’est qu’il risque d’hériter de parcelles conventionnelles qui ont des sols contaminés. Si les pesticides disparaissent progressivement, le cadmium est un élément minéral, il ne se dégrade pas.»