Entretien

«On ne nourrira jamais à 100% les villes avec l’agriculture urbaine, le but c’est de sensibiliser les urbains»

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L’agriculture urbaine est aujourd’hui pra­tiquée dans près de 2 500 lieux et représente env­i­ron 1 500 emplois en France. Professionnel·les et amateur·ices du secteur se don­nent ren­dez-vous ce week-end dans le cadre du fes­ti­val des 48h de l’agriculture urbaine. Des cen­taines d’ateliers d’initiation ou de vis­ites y sont pro­posés au pub­lic dans une trentaine de villes. Dans un entre­tien à Vert, Marie Fiers, respon­s­able de l’association Française d’A­gri­cul­ture Urbaine Pro­fes­sion­nelle, organ­isatrice de l’évènement, se con­fie sur les enjeux et les lim­ites de la pro­duc­tion ali­men­taire en ville.

Quel est l’intérêt de développer l’agriculture dans les villes ?

Con­traire­ment à ce que l’on peut penser, l’enjeu de l’agriculture urbaine n’est pas nourrici­er mais plus péd­a­gogique, autour de la sen­si­bil­i­sa­tion. On ne nour­ri­ra jamais à 100% les villes. Certes la pro­duc­tion de nour­ri­t­ure est impor­tante mais, le but, c’est de sen­si­bilis­er les urbains au méti­er agri­cole pour créer des voca­tions et favoris­er les instal­la­tions dans des exploita­tions rurales, où les agriculteur·ices par­tent mas­sive­ment à la retraite. Il y aus­si des enjeux envi­ron­nemen­taux, par la végé­tal­i­sa­tion des villes. Celle-ci réduit les ilots de chaleur, améliore la cap­ta­tion des eaux de pluie et la cap­ture du car­bone. Enfin au niveau de la san­té, l’agriculture urbaine per­met une ali­men­ta­tion plus saine, garan­tit une activ­ité physique et aide à sor­tir de l’isolement. Le jardin c’est un havre de paix, une sécu­rité en forme de cocon.

En tant que citadin·es, doit-on se mettre à l’agriculture ?

Il faut être réal­iste, jar­diner c’est du temps, c’est de la con­nais­sance que tout le monde ne peut pas se per­me­t­tre d’avoir. Celles ou ceux qui ont la chance d’avoir un jardin, on les incite à cul­tiv­er bien sûr, mais la den­sité des villes ne per­me­t­tra jamais d’avoir une par­celle par foy­er. Notre objec­tif c’est d’avoir plutôt un jardin dans chaque école, pour sen­si­bilis­er les enfants. Nous encour­a­geons aus­si la créa­tion de fer­mes pro­fes­sion­nelles dans les quartiers pri­or­i­taires, avec des den­rées ali­men­taires et une créa­tion d’emplois agri­coles à la clé. Cul­tiv­er est aus­si par­fois une néces­sité, par pré­car­ité pour avoir des fruits et légumes. Dans les listes d’attente des per­son­nes qui souhait­ent avoir une par­celle, il y en a de plus en plus dont la moti­va­tion est ali­men­taire.

Le 19 avril, l’Agence régionale de santé recommandait aux habitant·es d’Île-de-France de ne plus manger d’œufs issus de poulaillers domestiques à cause de la pollution de l’air. Entre faire soi-même ou acheter au supermarché, lequel est le mieux ?

Au super­marché si vous achetez du bio, il n’y a nor­male­ment pas de soucis, mais si vous achetez du con­ven­tion­nel, il y a tous les traite­ments. En auto­pro­duc­tion, le risque san­i­taire est quand même faible. Oui en ville l’air est plus chargé en par­tic­ules fines qu’ailleurs, mais si on lave ses légumes ce n’est pas le prob­lème prin­ci­pal. La pol­lu­tion des sols aux hydro­car­bu­res ou aux métaux lourds peut aus­si être un blocage. Il y a main­tenant une analyse des sols presque sys­té­ma­tique­ment pour chaque pro­jet et cer­tains légumes sont unique­ment choi­sis pour ne pas absorber de pol­lu­ants. On peut croire que si le sol est pol­lué on ne pour­ra rien en faire. En réal­ité, il y a des solu­tion. Dans tous les cas, la bal­ance béné­fices-risques penche large­ment vers la cul­ture de ses pro­pres légumes, autant du point de vue nutri­tion­nel que des béné­fices psy­chiques. Si on perd quelques points de vie, on les regagne en moral !