Le Collectif citoyen Jeux olympiques et paralympiques (JOP) 2030, France Nature Environnement, Attac ou la Ligue des droits de l’Homme ont manifesté devant le Comité international olympique (CIO) à Lausanne, en Suisse, le 24 octobre dernier. Ces associations ont réclamé des consultations publiques au sujet de l’organisation des JOP d’hiver 2030 dans les Alpes françaises mais ont trouvé porte close. Delphine Larat, juriste et fondatrice du Collectif JOP 2030, rit jaune : «Ils se sont barricadés.» Elle commence à s’habituer. De la décision d’être candidat à l’organisation des olympiades jusqu’au choix des infrastructures : le grand public n’a jamais été consulté.
Rembobinons. Le CIO a attribué les Jeux olympiques et paralympiques d’hiver 2030 à la France en juillet 2024, après le retrait de l’ensemble des autres candidats. Le projet est impulsé par les deux régions hôtes, Auvergne-Rhône-Alpes et Provence-Alpes-Côte d’Azur, qui y voient un catalyseur touristique. Et il fait face à un calendrier historiquement serré : cinq ans et demi entre l’attribution et la cérémonie d’ouverture.

L’absence de concertation publique a incité les associations à saisir le comité des Nations unies en charge du respect de la Convention d’Aarhus sur la démocratie environnementale. Ce texte, signé par la France en 1998, assure le droit à l’information et des processus de décision démocratiques pour tout projet susceptible de transformer l’environnement. L’organisation des JOP dans les Alpes françaises en 2030, qui affectera un large secteur – de la Savoie aux Alpes-Maritimes, en passant par les Hautes-Alpes –, rentre a priori dans cette catégorie. C’est la première fois qu’un projet olympique passe devant ce comité.
Les requérant·es sont donc attendu·es à Genève ce mardi. L’État est également invité à participer pour le contradictoire, mais n’a pas confirmé sa présence. L’instance onusienne devra d’abord juger de la recevabilité de la requête, avant d’éventuellement ouvrir le dossier sur le fond. L’avocat du collectif, Jérôme Graefe, développe : «Le comité va vérifier que les conditions sont remplies et que les recours nationaux ont été tentés.»
Trois tribunaux saisis
Ce recours international intervient après plusieurs tentatives en France. Le 5 avril 2024, le groupe parlementaire La France insoumise a écrit au président de la Commission nationale du débat public (CNDP) pour lui demander de s’autosaisir. Mais l’institution a répondu qu’elle ne pouvait rien faire en l’absence de saisine des maîtres d’ouvrage : les régions Aura et Paca, et l’État. Dans son courrier, le président de la CNDP rappelle un point important : «La saisine de la CNDP par le maître d’ouvrage d’un projet est obligatoire lorsque le coût estimé du projet est supérieur à 460 millions d’euros». À l’heure actuelle, le budget de ces Jeux dépasse les 2 milliards d’euros.
Pour forcer les maîtres d’ouvrage à effectuer cette saisine, le collectif JOP 2030 a lancé en septembre des recours dans les tribunaux administratifs de Lyon, Marseille et Paris. Les villes abritent respectivement le Comité d’organisation des Jeux olympiques (Cojop), l’entreprise publique de maîtrise d’ouvrage et le Comité national olympique. Le Conseil d’État évalue lequel de ces tribunaux est le plus compétent pour juger l’affaire.
Delphine Larat compte sur le recours onusien pour accélérer cette procédure : «Si on est reçu sur le fond à Genève, ça montre le sérieux de nos arguments devant les tribunaux administratifs.». Pour Jerôme Graefe, le recours devant le comité d’Aarhus pourrait également servir à changer les règles à l’avenir : «Le fait que seule la saisine de la CNDP par les maîtres d’ouvrage déclenche l’organisation d’un débat questionne quant au respect du droit du public de participer aux décisions qui les concernent.»
Le Cojop promet des concertations ciblées
De son côté, le Cojop l’assure : «Il y aura des concertations pour certaines infrastructures, c’est prévu.» Problème, ces concertations au cas par cas évitent un débat plus général sur les Jeux olympiques en tant que tels. Or, c’est bien ce que préconise l’Autorité environnementale dans un avis publié fin 2024 : «En application du droit en vigueur, les JOP 2030 doivent faire l’objet d’une démarche d’évaluation environnementale unique, globale, à engager le plus en amont possible de l’évènement.» Questionné spécifiquement sur cet avis de l’Autorité environnementale, le Cojop n’a pas fait de commentaire supplémentaire.
Jerôme Graefe compte bien mettre en avant ce point devant le comité d’Aarhus : «La participation du public doit intervenir au début de la procédure, c’est-à-dire lorsque toutes les options sont encore possibles.»
Une précipitation qui inquiète
Plus d’un an après la signature du contrat olympique, le délai semble dépassé. Les associations espèrent donc que les recours permettront une concertation globale sur ce qu’il reste à décider. Et les sujets ne manquent pas : à quasiment quatre ans des Jeux, seul un schéma préférentiel, dévoilé cet été, présente les infrastructures dans les grandes lignes. «Il n’y a pas de plan précis, pas de décisions», argue Jean Gaboriau, représentant de l’association de protection de la montagne Mountain Wilderness, qui se joint au recours.
En l’absence de véritable prise en compte du public, le militant craint que cette précipitation ne fasse qu’empirer l’impact sur l’environnement des Jeux. Il en veut pour preuve le projet de loi olympique, qui prévoit des procédures de construction accélérée et une dérogation au dispositif zéro artificialisation des sols (soit l’obligation, d’ici à 2050, de compenser la bétonisation d’une surface par un espace équivalent rendu à la nature). «Le texte bafoue les règles environnementales», résume Jean Gaboriau.
Le vote ou non de cette loi est difficile à prédire au vu de la composition du Parlement, tout comme celui du projet de loi de finances 2026 qui contient les garanties financières des Jeux. La reconnaissance de la recevabilité de la procédure par le comité d’Aarhus serait une pression politique supplémentaire sur les parlementaires. La réponse est attendue début décembre. Une pluie d’incertitudes qui ne fait pas perdre à Delphine Larat son sens de l’humour : «On n’a aucune idée de ce qui va se passer pour ces jeux, mais les organisateurs non plus !».
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