Décryptage

À la COP28, l’idée d’un traité pour interdire la prolifération des énergies fossiles fait son chemin

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Plus contraignant que les textes des COP sur le climat, ce projet de traité qui vise à sortir pour de bon du pétrole, du charbon et du gaz a été rejoint par de nouveaux pays à l’occasion de la COP28 de Dubaï.

Après les îles Palaos, la Colombie et les Samoa, c’est l’État de Nauru, dans le Pacifique, qui a rejoint l’initiative, lundi matin, à la COP28. L’annonce porte à douze le nombre de pays qui soutiennent officiellement le texte, en plus du Parlement européen, de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), de 95 villes et gouvernements locaux, et de milliers de scientifiques et d’ONG.

Cette initiative a vu le jour en 2019, portée par les pays du Pacifique qui sont particulièrement vulnérables à la montée des eaux, causée par le dérèglement climatique. Le texte repose sur trois branches : la fin de tout nouveau projet d’exploitation fossile, une sortie progressive de la production en cours, et des investissements dans une transition juste, notamment en garantissant l’accès aux énergies renouvelables au monde entier. Le tout dans une perspective d’équité, où les pays du Nord – historiquement les plus gourmands en fossiles et les plus responsables de la crise -, doivent faire les plus gros efforts.

Les manifestations pour l’adhésion au traité se déroulent partout dans le monde, comme ici à New York en septembre 2023 / © fossilfueltreaty.org

Le traité se voit comme complémentaire de l’Accord de Paris (2015), qui reste muet sur le rôle du pétrole, du gaz ou du charbon dans le changement climatique, alors que ces énergies émettent 80% des gaz à effet de serre dans le monde. « Le cadre de la gouvernance internationale climatique ne permet pas pour le moment de s’attaquer à la cause profonde de la crise climatique qui est la production des fossiles », détaille à Vert, Viviana Varin, responsable de la communication pour le traité. Pour preuve : la première fois et unique fois qu’une COP a évoqué une énergie fossile – le charbon – c’était fin 2021 à Glasgow (Royaume-Uni).

Dans une chronique au Guardian, le journaliste George Monbiot mise aussi sur cette option qui consiste « à contourner le processus de la COP en élaborant de nouveaux traités contraignants ». Ces traités, comme celui sur la non-prolifération des armes nucléaires (2017), la convention sur l’interdiction des mines antipersonnel (1997) et de la convention sur les armes à sous-munitions (2008), peuvent être mis en place sans la participation des nations puissantes, dans un premier temps. Pour prendre à bras-le-corps l’urgence climatique, le professeur de politique environnementale Anthony Burke suggère un texte contraignant sur la déforestation et l’élimination du charbon, ainsi qu’une version renforcée de celui sur la non-prolifération des combustibles fossiles.

Une flopée de nouveaux membres

Le Vanuatu a été le premier pays à soutenir officiellement le traité en septembre 2022, à l’occasion de l’Assemblée générale des Nations unies, suivi d’une poignée de pays insulaires jusqu’à cet automne. C’est surtout le soutien de la Colombie, annoncé au tout début de la COP28, qui a changé la donne. Bogota est parmi les plus gros producteurs de charbon et de pétrole à l’échelle mondiale. « C’est un grand pas pour la campagne du traité qui prend une nouvelle ampleur puisque la Colombie est un pays de poids dans la région, et que le président souhaite se positionner en tant que leader sur la sortie des énergies fossiles », se réjouit Viviana Varin.

Outre le pays sud-américain, les soutiens au traité demeurent de petites nations et surtout de petits producteurs de fossiles. Est-ce suffisant pour entraîner une dynamique globale d’adhésion au texte ? Ses initiateur·rices veulent croire que oui : « C’est toute la force des traités, de pouvoir créer une pression internationale sans avoir besoin de s’appuyer sur les plus gros producteurs dès le début. On peut tout à fait faire bouger les lignes avec un groupe de pays pionniers », explique Viviana Varin. L’organisation est déjà en discussion avec plusieurs pays qui pourraient soutenir le texte en 2024, dont le Kenya ou l’Irlande par exemple. Quand une quinzaine d’États l’auront rejoint, l’objectif est d’ouvrir un mandat officiel de négociation au sein des Nations unies afin d’avancer sur la question.

Et la France dans tout ça ?

La France, qui se vante souvent d’être une championne du climat, serait-elle prête à intégrer une telle initiative ? Et pourquoi pas, si l’on en croit le président Emmanuel Macron qui, face au document du traité présenté par un activiste dans les couloirs de la COP28, il y a quelques jours, s’est exclamé « moi je vous le signe tout de suite ! ». Heureusement, le militant du réseau de jeunes engagé·es pour l’écologie CliMates qui a interpellé le président a filmé sa réaction. Alors, on signe quand ?


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