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Une brouille dans le potage

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Jeter de la soupe sur nos consciences assoupies est-il la bonne solution pour nous sortir du déni ?


Van Gogh aspergé de soupe : pure folie ou coup de génie ?

Casser la croûte. Vendredi, à la National Gallery de Londres, deux militantes du mouvement Just Stop Oil ont aspergé de soupe l'un des plus célèbres tableaux du maître néerlandais, Les Tournesols. Le retentissement est mondial, mais l'action divise les écologistes.

Sur la vidéo devenue virale, on peut voir deux très jeunes femmes décapsuler en vitesse une canette de soupe avant d'en jeter le contenu sur le tableau qui leur fait face : un bijou post-impressionniste estimé à 86 millions d'euros ! On peut aussi entendre les cris de surprise et d'effroi poussés par les journalistes convié·es à couvrir l'action. L'un d'entre eux, paniqué, se charge même d'appeler la sécurité pendant que les deux assaillantes s'agenouillent et collent leurs mains au mur avec de la colle glue. « Êtes-vous plus préoccupés par la protection d'une peinture ou par la protection de la planète et des gens ? », questionne l'une d'elle. 

Phoebe Plummer (à gauche) et Anna Holland (à droite) plaideront non coupable lors de leur procès pour dégradation, prévu le 13 décembre © Just Stop Oil / Handout / Anadolu Agency via AFP

La peinture, protégée par une vitre, n'a subi aucun dégât mais la souillure a enflammé la toile et les médias. Une fois n'est pas coutume, des critiques sévères sont venues de certains écologistes. En France, le candidat d'EELV à la présidentielle, Yannick Jadot, a ainsi jugé que « le climat mérite mieux que cette caricature imbécile ». « Ce ne sont pas des "militants écologistes", ce sont des imbéciles », a tweeté pour sa part le journaliste Hugo Clément. Dans l'ensemble, les détracteur·rices ont souligné le fait qu’il n’y avait aucun rapport entre l’art et le changement climatique. S'attaquer au premier ne ferait donc que desservir la cause en choquant inutilement le grand public.

À l'inverse, de nombreux soutiens ont salué la profondeur du message et son intense retentissement. L'action a en effet illustré avec succès l'absurdité qui consiste à sacraliser une œuvre d'art, dont la valeur est largement spéculative, au moment même où les conditions de vie sur Terre ne sont plus assurées. « Il n'y a pas d'art sur une planète morte », ont ainsi scandé de nombreux·ses internautes. « OK, écoutez-moi, c'était en fait une action visionnaire et inspirée », a même défendu Peter Kalmus, climatologue à la Nasa, sur Twitter. 

· Ce week-end, ces scientifiques du mouvement Scientist Rebellion (notre article) se sont mobilisé·es dans plusieurs villes de France et d'Europe. Elles et ils ont interrompu un forum « zéro carbone » auquel participait TotalEnergies à Toulouse, perturbé la Fête de la science à Paris et organisé une conférence-occupation à Nice. 60 chercheur·ses de 12 nationalités ont également bousculé l'ouverture du Sommet mondial de la santé, à Berlin, brandissant des pancartes telles que « crise climatique = crise sanitaire ». - Reporterre
 

· Dimanche, plusieurs milliers de manifestant·es se sont rassemblé·es à Paris à l'appel des partis de la Nupes pour marcher « contre la vie chère et l'inaction climatique ». Ils étaient 29 500 selon le comptage du cabinet Occurrence réalisé pour un collectif de médias, 30 000 selon la police et 140 000 selon les organisateurs·rices. - France info
 

· Dimanche encore, la Première ministre Élisabeth Borne a annoncé que la ristourne de 30 centimes sur le prix de l'essence, qui devait prendre fin le 1er novembre, sera prolongée jusqu'à la mi-novembre. Elle a également exhorté les entreprises qui le peuvent à augmenter les salaires. La cheffe du gouvernement tente d'apaiser les tensions sociales alors que des grèves devraient toucher plusieurs secteurs mardi. - Le Monde (abonné·es)
 

· Nos confrères du Monde ont dressé un portrait-robot des propriétaires de jets privés en France. Sur 270 appareils volant régulièrement, 40 sont détenus par des membres des 500 plus grandes fortunes de France ou par des groupes du CAC40. Une dizaine appartient à des sportifs, quelques autres à des industriels « adeptes de loisirs motorisés », et on compte moins de dix femmes propriétaires. Certain·es revendiquent fièrement leurs engagements environnementaux.

Prévisions pour mercredi 19 octobre, au plus fort de la vague de chaleur © Meteologix

Chaud devant. Depuis ce week-end et jusqu’au milieu de la semaine, la France connaît une vague de douceur inhabituelle pour un mois d’octobre. Le Sud-Ouest subit des températures estivales, avec un pic à 32,6 °C atteint ce dimanche à Oloron, dans les Pyrénées-Atlantiques. Des niveaux « proches des records pour la période » sont attendus, note Météo-France, tandis que le seuil de 25 °C, qui détermine un épisode de chaleur, devrait être atteint quotidiennement et parfois de manière étendue jusqu’au week-end. Cette séquence anormale pour un mois d’octobre vient se rajouter à une année 2022 déjà très marquée par les nombreuses vagues de chaleur et canicules. Une dynamique corrélée au réchauffement climatique, qui multiplie la récurrence et l’intensité des épisodes de chaleur extrême (notre infographie).

Plus d'informations à lire sur vert.eco

Connaître son empreinte carbone, première étape avant d’agir pour le climat

Masse carbone. Quelles actions quotidiennes pèsent le plus lourd dans votre impact sur la planète ? Quels leviers actionner pour le réduire ? Calculez votre empreinte carbone pour le savoir.

L’empreinte carbone permet d’évaluer nos émissions individuelles ou collectives sur une année et ainsi savoir comment les atténuer. Par souci de simplicité, on utilise pour tous les gaz à effet de serre une seule norme rapportée au CO2.

Selon le ministère de la transition écologique, les Français ont une empreinte carbone de 9 tonnes d’équivalent CO2 par an et par personne. Un chiffre qui omet la la déforestation importée, d’autres gaz à effet de serre non pris en compte, ainsi que la vapeur d’eau liée aux trainées de condensation des avions, selon le cabinet de conseil Carbone 4 - qui table plutôt sur 9,9 tonnes.

Pour respecter l’Accord de Paris sur le climat et maintenir la hausse des températures à +2 °C, voire à +1,5 °C, en 2100 par rapport à l’ère pré-industrielle, il faudrait en tout cas que l’empreinte carbone des Français·es ne dépasse pas les 2 tonnes dès 2050.

Pour que chacun puisse prendre conscience de son impact individuel, l’Agence de la transition écologique (Ademe) a mis au point un simulateur. Réalisable en une petite dizaine de minutes, il permet d’évaluer les grands domaines d’émissions individuelles et donne des pistes d’actions pour les réduire.

Mise en place à l’origine pour fixer les objectifs de réduction à atteindre pour les États, l’empreinte carbone s’applique de plus en plus à l’échelle individuelle. S’il est impossible d’avoir une photographie précise de ses émissions, elle reste le meilleur outil pour connaître les ordres de grandeur de son impact sur le climat. En donnant des clés pour agir à son échelle de manière personnalisée, l’empreinte carbone est un préalable important pour se mettre en action.

Pour lire notre article en intégralité, rendez-vous sur vert.eco

Latour de la question

Le sociologue et philosophe Bruno Latour, décédé la semaine dernière, laisse derrière lui un héritage important pour imaginer l'écologie. Pour le découvrir ou le redécouvrir, Arte republie une série d'entretiens, datés d'octobre 2021, durant lesquels il a retracé les grandes lignes de sa pensée (relire notre article).

© Arte

+ Alban Leduc, Justine Prados et Gabrielle Trottmann ont contribué à ce numéro.