Chères toutes, chers tous,
Et si l'on interpellait toutes et tous nos journalistes pour interroger les images véhiculées par les médias lors d’événements climatiques extrêmes, tels que la vague de chaleur qui va s’abattre sur la France cette semaine ? Notre rédacteur en chef, Loup Espargilière, en a fait un fil sur Twitter dans l’espoir de sensibiliser ses consœurs et confrères. Retrouvez aussi notre article à ce sujet un peu plus bas dans l’édition du jour.
Est-il raisonnable de ne montrer que des enfants qui s’égayent dans l’eau alors que le monde crève littéralement de chaud ?

Le Qatar s'allie à TotalEnergies pour développer le plus grand champ gazier du monde
C’est la Qata(r). Le géant TotalEnergies sera le premier partenaire du Qatar dans son projet North field east (NFE) : le futur plus grand champ gazier au monde. Une exploitation qui augmentera de 60 % la production de gaz du Qatar, alors que l’émirat en est déjà un des plus gros producteurs, et qui constituera une nouvelle « bombe climatique ».
Dimanche, la major française a annoncé avoir signé un accord avec le Qatar pour exploiter le gisement offshore North Field dans le Golfe persique, aux côtés de la compagnie nationale QatarEnergy. À cheval entre les eaux de l’émirat qatari et de l’Iran, ce champ de gaz naturel, qui représente environ 10 % des réserves planétaires connues, est le plus grand du monde.
Les projets de production de gaz naturel liquéfié (GNL), qui permet l’acheminement de gaz par bateaux méthaniers, sont particulièrement plébiscités ces derniers mois, par exemple aux États-Unis (notre article). Pour certains, ils constituent une alternative au gaz russe dans le contexte de la guerre en Ukraine. Or, le GNL est particulièrement émetteur de CO2 - 2,5 fois plus que le gaz « classique » selon Carbone 4, notamment en raison de son transport et de son maintien à froid.

« C'est une bonne nouvelle pour la lutte contre le changement climatique », a assuré Patrick Pouyanné, PDG de TotalEnergies, qui promeut le gaz « naturel » comme une énergie de transition afin de permettre à certains pays de sortir du charbon - la source de production d’électricité la plus émettrice de CO2. Pourtant, l’Agence internationale de l’énergie et le Giec (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) ont maintes fois rappelé qu’il faut abandonner tout nouveau projet pétrogazier si l’on souhaite contenir le réchauffement climatique au niveau de l’Accord de Paris, c’est-à-dire à +1,5 °C par rapport à l’ère pré-industrielle (notre article).
Dans une récente enquête du Guardian, le North field est d’ailleurs considéré comme la plus grosse « bombe climatique » du monde, selon le nom donné aux projets pétrogaziers responsables de plus d’un milliard de tonnes de CO2 au cours de leur exploitation. Rien de moins.
Ce contrat est présenté comme une opportunité pour la France de se détourner de sa dépendance aux fossiles russes - quitte à sauter à pieds joints avec le Qatar, peu respectueux lui aussi des droits humains. Patrick Pouyanné s’est réjoui sur Twitter : « C’est un jour historique pour TotalEnergies au Qatar. Ce nouveau partenariat contribuera à la sécurité énergétique de l’Europe ». À quel prix ?

· Dimanche, un navire transportant plus de 15 000 moutons vivants a fait naufrage dans le port soudanais de Suakin, en Mer rouge, très probablement en raison d’un chargement excessif. Les autorités portuaires craignent que les animaux, presque tous morts noyés, n’aient « un impact environnemental » et ne perturbent les activités du port. De son côté, la fondation 30 millions d’amis réclame l’interdiction du transport d’animaux vivants. – Le Parisien (AFP)
· Lundi, la fédération professionnelle des entreprises de l’eau (FP2E), qui compte notamment Suez et Veolia, a appelé tous les usagers à la « sobriété » dans leur consommation pour anticiper une situation de sécheresse qui pourrait devenir très critique cet été. Cette semaine, alors que 35 départements sont déjà sous le coup de restrictions d’usage de l’eau, la France attend un nouvel épisode de fortes chaleurs. - GoodPlanet Mag’ (AFP)
· Lundi encore, la nouvelle ministre de la transition écologique Amélie de Montchalin a appelé, à l’antenne de CNews, à faire barrage « à ceux qui, en se repeignant de vert et de rose, sont des anarchistes d’extrême gauche ». Selon elle, les candidat·es de la Nouvelle union populaire, écologique et sociale (Nupes) désireraient « l’anarchie, le désordre, et la soumission ». Candidate aux élections législatives, elle est devancée dans la sixième circonscription de l’Essonne par le socialiste de la Nupes Jérôme Guedj - peu connu pour son « anarchisme d’extrême gauche », qui a recueilli 38,31% des voix au premier tour, contre 31,46% pour la membre du gouvernement. Celle-ci serait contrainte à la démission si elle n’était pas élue.


« Si l’on veut éviter d’être hors-sol, il faut s’empaysanner massivement et à toutes les échelles possibles. »
Geneviève Pruvost défend la prise en charge par chacun·e d’une partie des tâches du quotidien, aujourd'hui « déléguées aux machines et aux pauvres », pour faire advenir une société écologique, respectueuse du vivant. Un riche entretien à lire sur vert.eco

Et si les médias arrêtaient les images de plage et de crèmes glacées pour illustrer les vagues de chaleur ?
Assez sué. Une étude menée dans quatre pays européens montre que la façon dont les médias illustrent les fortes chaleurs et les épisodes caniculaires a tendance à minimiser la crise climatique ou à la déréaliser.
Quels sont les points communs entre cet article, celui-ci, ou celui-là (voir ci-dessous) ? Réponse : ils parlent tous des températures caniculaires, illustrés avec des badaud·es profitant de la plage, d’un moment de baignade ou d’une bonne glace prise en terrasse.

Hélas, ces représentations sont inappropriées, explique la géographe britannique Saffron O’Neill, s’appuyant sur les résultats d’une pré-publication scientifique (en attente de validation de ses pairs) qu’elle a coordonnée au sujet de la représentation des risques liés aux canicules dans la presse européenne. Premier postulat : les médias ont un rôle essentiel dans la communication des risques caniculaires et dans le déploiement de stratégies d’adaptation climatique efficaces.
Les scientifiques ont examiné la couverture médiatique visuelle des canicules de 2019 en France, en Allemagne, aux Pays-Bas et au Royaume-Uni. Leurs observations montrent que tous les pays, et plus particulièrement le Royaume-Uni et les Pays-Bas, représentent les vagues de chaleur comme un « plaisir estival », avec des activités de loisirs en extérieur et/ou à proximité de l'eau. Problème : ces « clichés de vacances » sont « éloignés des réalités quotidiennes inconfortables qui se manifestent à la maison, au travail, pour les voyages, etc. » et créent des dissonances avec le contenu des articles associés.

Idem pour une autre catégorie de visuels associés à « l’idée de chaleur ». Plus fréquents dans les reportages allemands et français, ils ont recours à des images de rayons de soleil d'un blanc éclatant, des cartes de chaleur rouge intense et des lectures élevées sur les thermomètres. « Si le danger est ainsi implicitement représenté, cela renforce l’idée que le changement climatique peut être un problème abstrait et distant », détaille l’article.
Pour remédier à ce défaut de traitement, les chercheur·ses suggèrent de favoriser l’imagerie des solutions climatiques.
Pour savoir quel type d’images privilégier, lire la suite sur vert.eco

Un thriller politique audio nous mène au cœur d’un scandale environnemental
« Est-ce que vous l’avez lu ? » Au début de cette intrigue, il y a un journal intime, un coup de fil affolé, une jeune stagiaire au Parlement européen et un journaliste du Soir un peu blasé. WWF France a lancé Classé-F, le premier thriller politique audio produit par une ONG. En six épisodes d’une dizaine de minutes, ce podcast retrace l’histoire d’un scandale au Parlement européen autour d’une loi sur la déforestation. On y suit la lanceuse d’alerte et le reporter qui tentent de mettre en lumière les dessous peu reluisants de ce projet de loi. Un récit haletant, des bruitages et une musique qui plongent les auditeur·rices au cœur des arcanes des institutions européennes.

+ Loup Espargilière, Anne-Sophie Novel, Juliette Quef et Anna Sardin ont contribué à ce numéro.