La quotidienne

Le projet de loi qui fait l’autruche

Refusant de regarder en face la réalité, la majorité a enterré l'ambition de la Convention citoyenne pour le climat, qu'elle avait mise sur pieds.


Le projet de loi climat quitte l'Assemblée nationale avec toujours aussi peu d'ambition

Amendé par les député·e·s au cours de trois semaines d'examen à l'Assemblée nationale, le projet de loi « climat et résilience » n'est toujours pas à la hauteur de la crise.

Conseil économique, social et environnemental, Haut-Conseil pour le climat, associations, Conseil national de la transition écologique... Avant même son arrivée au Palais Bourbon, le texte écrit par le gouvernement était déjà l'objet de très nombreuses critiques (Vert). Ce projet de loi était censé reprendre une large part des propositions faites par la Convention citoyenne pour le climat (CCC) en juin dernier, dans le but de réduire de 40% les émissions nationales de CO2 par rapport à 1990.

Samedi, l'Assemblée a achevé l'examen de ce texte-fleuve. Hélas, muselant les oppositions et verrouillant le débat parlementaire, les député·e·s de la majorité n'ont apporté que de timides modifications à la copie de l'exécutif, bien loin de l'ambition de la CCC.

Membre de la Convention citoyenne pour le climat, William Aucant a très peu goûté l'autosatisfaction de certains ministres - dont Barbara Pompili - dans leur tribune publiée dans le Monde © Twitter

Elles et ils ont refusé d'interdire la location des passoires thermiques, préférant classer les logements les plus énergivores comme « indécents » (notre article à ce sujet) ; n'ont pas voulu imposer de nouvelles obligations en matière de repas végétariens dans les cantines (Le Monde) ; n'ont décidé que de la suppression de trois, voire quatre, lignes aériennes intérieures contre la quinzaine visée par la CCC ; ont abandonné l'idée d'une taxe sur les engrais azotés qui aurait permis de réduire leur usage dévastateur pour la vie des sols (Vert) ; ont interdit la publicité pour les seules énergies fossiles et pas pour les produits les plus climaticides, comme les SUV (Vert).

Le passage dans l'hémicycle a bien permis quelques minces avancées, comme la prime à la conversion pour le vélo ou l'instauration obligatoire de zones à faibles émissions dans les agglomérations de plus de 150 000 habitants d'ici 2024. Mais dans l'ensemble, la majorité s'est montrée très tendre avec l'industrie et le monde de l'entreprise, refusant une « écologie brutale ».

« Chaque tonne de gaz à effet de serre supplémentaire conduit à une fraction de réchauffement supplémentaire [et donc] à des risques que nous allons devoir affronter. Tout le monde le savait ! Et pourtant... », a commenté sur Twitter le climatologue et membre du Giec Christophe Cassou. A la mi-juin, le texte sera étudié par le Sénat, avant un dernier retour à l'Assemblée cet été.

• Samedi, dans le cadre de l'examen du projet de loi climat, les député·e·s ont voté la création du « délit d'écocide ». Celui-ci prévoit de réprimer plus durement les cas de pollution des eaux, de l’air et des sols. Mais l'« intentionnalité » du délit devra être prouvée, et les dommages devront durer au moins dix ans. Dénoncés par les associations, ces critères risquent de rendre cette disposition peu applicable. La Convention citoyenne pour le climat réclamait l'instauration d'un crime d'écocide plus ambitieux. - Libération (AFP)

• Samedi encore, le premier ministre Jean Castex a promis la création d’un « fonds de solidarité exceptionnel » doté d’un milliard d’euros pour soutenir les exploitations agricoles meurtries par l'intense épisode de gel qui s'est abattu sur les cultures lors de ces deux dernières semaines. D'autres mesures - report et exonération de cotisations sociales, dégrèvement de taxes foncières sur le non bâti, etc. - devraient être mises en œuvre. - France Inter (AFP)

Le Conseil d'Etat enjoint au gouvernement de rendre les études environnementales systématiques

Conseil d'amis. Dans une décision rendue le 15 avril, le Conseil d'Etat enjoint au gouvernement de rendre systématiques les études d'impacts environnementaux pour tous les projets d'aménagement.

Terrain de foot, usine, immeuble ; avant de voir le jour, la plupart des projets susceptibles d'avoir des effets sur la santé ou l'environnement doivent faire l'objet d'une étude préalable. Mais le code de l'environnement introduit des exceptions : selon le type de projet ou sa taille, l'étude est soit systématique, soit au cas-par-cas (le préfet choisit alors de l'imposer ou non), soit elle n'est pas requise.

L'étude environnementale n'est pas systématique pour les stades sportifs: au-delà de 1 000 spectateurs, c'est le préfet qui décide, au cas-par-cas, de la commander. En-dessous, elle n'est même pas nécessaire. © Bouygues construction

Tous ces cas de figure sont décrits dans une annexe de l'article 2122-2 du code de l'environnement. On peut y lire, par exemple, que l'étude sera imposée au cas-par-cas pour les aérodromes dont la piste est inférieure à 2 100 mètres de long. Ou que les « terrains de golf et aménagements associés » d'une superficie inférieure à quatre hectares ne nécessiteront pas d'étude environnementale. Comme les terrains sportifs accueillant moins de 1 000 personnes.

Ce critère de la dimension est une aberration pour France nature environnement (FNE). « Un projet de 100 m² au milieu d’une zone sensible peut avoir des répercussions terribles », a indiqué à Reporterre Emmanuel Wormser, avocat et membre de FNE. Le réseau d'associations a saisi le Conseil d'Etat pour casser le décret qui a mis à jour cette liste en juin 2018. Motif : celui-ci ne respecte pas la directive européenne de 2011 qui introduit la notion de « clause filet », permettant d'obliger l'organisation d'une étude d'impact pour n'importe quel projet ayant une incidence sur l'environnement.

Jeudi, le Conseil d'Etat a donné raison à FNE. Le gouvernement a neuf mois pour prendre les dispositions permettant la mise sur pied d'études environnementales sur d'autres critères que celui de la taille.

Cent chercheurs de Montpellier promettent de ne plus se rendre à Paris en avion

Dans une tribune, une centaine de chercheur·euse·s de Montpellier promettent de réduire leurs déplacements en avion et de bouder la liaison aérienne vers Paris.

Avant la pandémie, rappellent les signataires, le secteur aérien représentait « 2 à 3% des émissions de CO2 de l'ensemble des activités humaines, mais il participait à plus de 5% du forçage radiatif », c'est-à-dire du renforcement de l'effet de serre, donc du réchauffement. Et n'en déplaise aux amoureux de l' « avion vert », « il faut être clair et lucide : il n'y a pas d’alternative bas carbone susceptible de remplacer les avions actuels suffisamment rapidement par rapport à l'urgence climatique », jugent les auteur·rice·s du texte. Aussi, la seule solution reste la baisse du trafic.

Membres du CNRS, du CIRAD (centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement) ou de l'INRAE (Institut national de la recherche agronomique), les signataires effectuent de nombreux allers-retours vers Paris. Elles et ils s'engagent à ne plus prendre l'avion et à s'en tenir au TGV, qui relie les deux villes en 3h30. Ce trajet émet 51 fois moins de CO2 sur des rails que dans les airs (SNCF).

Parmi ses quelque 150 mesures présentées en juin 2020, la Convention citoyenne pour le climat recommandait de supprimer les lignes aériennes intérieures quand le trajet était réalisable en moins de 4h30 de train – soit une quinzaine de liaisons. Mais le gouvernement, puis la majorité, ont décidé de s'en tenir à une limite de 2h30 (plus quelques exceptions), dans le projet de loi « climat et résilience ». Ce qui ne devrait concerner que trois ou quatre lignes.

Avec leur tribune, les scientifiques veulent « accélérer la mutation de la recherche vers des pratiques plus respectueuses de l'environnement » et peser dans le débat sur l'avenir du secteur aérien. « C’est tendance de taper sur l’aérien », a réagi le directeur de l'aéroport de Montpellier dans le quotidien Midi libre.

37 ans de changement climatique par satellite

« Timelapse », l'outil de Google qui permet d'afficher des vues aériennes du passé vient de bénéficier d'une sérieuse mise à jour. A travers Google earth, la mappemonde satellite, il est possible d'afficher des diaporamas, année par année, des observations en haute-définition réalisées depuis 1984. On peut y voir la déforestation qui s'accélère, les traits de côtes qui reculent, les lacs qui s'assèchent, les glaces qui disparaissent. A travers des centaines de vidéos, une playlist sur Youtube raconte la transformation de nombreux paysages emblématiques. Il est également possible d'explorer le passé soi-même avec Timelapse en cliquant ici.

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