La quotidienne

Forêt se bouger

Chères toutes et chers tous,

Voilà donc trois semaines que la Russie met l'Ukraine à feu et à sang, et que TotalEnergies refuse toujours de cesser ses activités gazières dans l'Arctique. Outre leur lourd impact écologique et climatique, celles-ci contribuent à financer la guerre de Poutine. Une situation aberrante dans laquelle le gouvernement français refuse d'intervenir.

Pour que l'inaction coupable de la multinationale ne passe pas inaperçue, nous publierons quotidiennement sur les réseaux sociaux un compte du nombre de jours que Total aura passés à ne pas se retirer de Russie. Jusqu'à un changement de cap ?


Luttons contre la langue de bois climatique pour ne plus labourer nos forêts au nom de leur rentabilité économique.


Le plan de relance sert à industrialiser la forêt française

La langue des bois. Une enquête de l’association Canopée révèle que le soutien post-Covid accordé à la forêt et la filière bois en 2020 a financé des coupes rases et des plantations en monoculture.

Mercredi, les ministres de l'agriculture, de la transition écologique et de la biodiversité ont clos les Assises de la forêt et du bois, un vaste raout qui a réuni plusieurs centaines d'acteur·rices de la filière au cours de quatre mois d'échanges. Dans leur discours, les membres du gouvernement ont fait part de louables intentions, comme celles d'adapter les forêts françaises à la crise climatique et d’y lutter contre le déclin du vivant. Hélas, une étude publiée le même jour par l'association Canopée révèle de tout autres pratiques.

Adopté en 2020, le plan de relance post-Covid a octroyé 200 millions d'euros à la forêt. Objectifs : soutenir la filière bois, renouveler la forêt française et l’adapter à la crise climatique. Or, d'après l'enquête de Canopée, 87 % des projets financés dans des forêts privées ont donné lieu à des coupes rases. Cette pratique consiste à raser à blanc des parcelles de forêts, où ne subsiste presque rien. Les vastes engins utilisés retournent tellement le sol que celui-ci – et la vie qu'il contient – met des années à s'en remettre.

Une coupe rase observée dans une forêt privée de Gironde par Canopée en juin 2021.

L'ONG a réalisé plusieurs études de cas, en Gironde, dans l'Eure ou les Ardennes. Il apparaît que ces coupes rases sont généralement suivies de plantations d'arbres en monoculture : des « champs » d'arbres peuplés d'une seule espèces – le plus souvent des pins Douglas, arbres résineux à la croissance ultra rapide, peu résistants aux fortes chaleurs. Pourtant, le plan de relance promet d'adapter les forêts françaises au changement climatique. En outre, ces monocultures ne rendent aucun service écosystémique et constituent des déserts de biodiversité.

Des pratiques qui permettent au gouvernement de se féliciter de la plantation de 50 millions d'arbres en deux ans. Et de faire oublier les quelque 475 suppressions de postes au sein de l'Office national des forêts (ONF), qui gère les forêts publiques françaises (notre article sur la privatisation de la gestion forestière) et travaille à les adapter au climat qui s'emballe. « Plutôt que de promouvoir une réelle stratégie d’adaptation des forêts aux changements climatiques, cherchant à renforcer la résilience des écosystèmes et à diversifier les forêts, le plan de relance est conçu comme un outil de promotion d’une sylviculture intensive », déplore Canopée.

· Mardi, Bruxelles a interdit aux entreprises européennes de réaliser de nouveaux investissements dans le secteur de l’énergie en Russie. Ces nouvelles sanctions épargnent toujours TotalEnergies, puisqu’elles ne concernent pas les investissements déjà réalisés dans le pays. Après 21 jours de guerre, Total peut donc continuer ses activités dans la région. - Reporterre

· Mercredi, la ministre de la transition écologique, Barbara Pompili, a annoncé que les bâtiments administratifs et de services publics (mairies, écoles, etc.) seront « appelés » à baisser la température de leur chauffage intérieur de 1 °C. Cette mesure a pour but de montrer l’exemple en termes d’économie d’énergie dans le contexte de la flambée des prix et de la réduction de la dépendance au gaz russe. Elle sera accompagnée d’une campagne de promotion des « écogestes » a précisé la ministre. La fin de l’exploitation du gaz russe par Total ne fait pas partie des recommandations ministérielles. - Sud Ouest

· Mercredi encore, le professeur spécialiste des coraux Terry Hughes a affirmé que le sixième épisode de blanchissement massif de la Grande barrière de corail avait débuté. Des vols de surveillance officiels sont en cours le long de la côte de l’État australien du Queensland pour confirmer la nouvelle. La hausse des températures de l’océan provoque une réaction de stress chez les coraux, qui leur fait perdre leurs couleurs, signe de la mort des organismes qui les composent. Si le stress est léger, ceux-ci peuvent se remettre, sinon ils meurent. L’Autorité du parc marin de la Grande Barrière de corail se prononcera sur leur état dans les prochains jours. - The Guardian (en anglais)

« Malgré les recommandations faites aux fabricants d’améliorer la qualité des protections menstruelles jetables afin d’éliminer ou de réduire au maximum les substances dangereuses, la plupart de ces produits en contiennent encore. »

- Sarah du Vinage, co-fondatrice de l'association Nouveaux Cycles

Nouvelles règles. Selon les informations de France Inter et Libération, le ministre de la santé s'apprête à publier un décret qui obligera les fabricants à afficher clairement la composition des serviettes et tampons hygiéniques à compter du 1er janvier prochain. Phtalates, bisphénols, dioxines et autres additifs pétrochimiques ou pesticides résiduels... Ces protections contiennent des produits nocifs ou toxiques qui exposent leurs usagères aux perturbateurs endocriniens. Si le texte n’est pas encore négocié avec les fabricants, l'absence d'une telle réglementation permet d’interroger plus largement la façon dont on considère la santé gynécologique des femmes. Pour Sarah du Vinage, co-fondatrice de l'association bordelaise Nouveaux Cycles, les enjeux sociaux, sanitaires et écologiques sont indissociables. Un riche entretien à lire sur vert.eco

Une proposition de loi pour obliger les élus à se former sur le climat

En forme climatique. Le sénateur (centriste) du Nord, Olivier Henno, a déposé une proposition de loi pour sensibiliser les 520 000 élus locaux de France aux enjeux du dérèglement climatique.

« La question du réchauffement climatique doit être la priorité de nos politiques publiques. Les élus locaux doivent jouer un rôle encore plus important qu’aujourd’hui dans la lutte contre le réchauffement », a-t-il déclaré, hier, lors d’une présentation de son initiative à la presse.
Pour cela, il propose que le résumé « à l’intention des décideurs » du dernier rapport du Giec (une courte synthèse des milliers de pages de ce document exhaustif sur les impacts de la crise climatique) soit remis aux élu·es dès leur prise de fonctions. « La lutte contre le réchauffement climatique ne doit pas être la seule affaire des États », a ajouté le vice-président de la commission des affaires sociales du Sénat.

Pour systématiser la prise en compte de ces enjeux, il souhaite mettre à jour la charte de l’élu local, qui est remise à chacun·e en début de mandat. Ce texte, qui figure dans le Code des collectivités territoriales, devrait obliger les représentant·es à exercer leur mandat en connaissance des enjeux climatiques et des objectifs de neutralité carbone (autrement dit, ne pas émettre plus de gaz à effet de serre que l’on ne peut en absorber) à l’horizon 2050 : « On ne se pose pas la question du respect des droits de l’Homme, pourquoi se la pose-t-on pour le climat ? », interroge Olivier Henno.

« Il faut maintenant attendre la fin des élections législatives pour mettre cette proposition de loi à l’ordre du jour », précise Aurélien Sebton de Koncilio, cabinet de conseil spécialisé dans la formation des élu·es, à l’origine de l’idée. Pour Léonore Moncond’huy, maire (EELV) de Poitiers présente hier, « cette proposition de loi a le mérite d’être transpartisane et d’envoyer un message fort sur la responsabilité des élus locaux, souvent en première ligne dans la lutte contre le réchauffement climatique ».

« Débat du siècle » : l’oral de rattrapage de Mélenchon

Il ne voulait pas se mélencher ? Dimanche dernier, vous fûtes plus de 500 000 à regarder, en direct ou en replay, le « débat du siècle », unique émission de la présidentielle consacrée entièrement au climat. Comme vous l’avez constaté, Jean-Luc Mélenchon (France Insoumise) n’en était pas. Ce dernier s’est finalement livré à l’exercice ce mercredi. Une séance de rattrapage à voir en intégralité dans cette vidéo publiée par Blast.

© Blast

+ Anne-Sophie Novel, Mathilde Picard et Barbara Pagel ont contribué à ce numéro